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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 166

Le mardi 5 décembre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 5 décembre 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

Le décès de l’honorable Gerald J. Comeau, c.p.

Minute de silence

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, c’est avec un profond regret que je vous informe que l’honorable Gerald Comeau, c.p., est décédé. Nous aurons l’occasion de lui rendre hommage ultérieurement, mais j’aimerais maintenant offrir mes plus sincères condoléances, au nom de tous les sénateurs et de tous ceux qui sont associés à cette enceinte, à ses proches.

Honorables sénateurs, je vous demanderais de bien vouloir vous lever et de vous joindre à moi pour observer une minute de silence.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)

Son Honneur la Présidente : Merci, chers collègues.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée internationale des bénévoles

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, nous célébrons aujourd’hui, le 5 décembre, la Journée internationale des bénévoles et les millions de Canadiens et Canadiennes qui donnent de leur temps à des organisations caritatives et communautaires.

Il est plus important que jamais, en particulier pendant la période des Fêtes, de prendre un moment pour apprécier à leur juste valeur les bénévoles de partout au pays qui s’investissent, cœur et âme, auprès des différents organismes communautaires et œuvres de charité.

[Traduction]

À l’instar de ce qui caractérise les Canadiens, le bénévolat consiste d’abord et avant tout à participer à une réalité plus grande que soi. L’entraide est une valeur profondément ancrée dans la société canadienne et la Journée internationale des bénévoles vise à saluer la générosité, la compassion et l’altruisme des bénévoles qui contribuent à la riche mosaïque canadienne.

Les banques alimentaires, les refuges pour itinérants, les collectes de jouets, les organismes caritatifs, les fondations, les groupes de défense des droits et de nombreuses organisations similaires ont constamment besoin de bénévoles. Et, comme ils en ont l’habitude, les Canadiens répondent toujours à l’appel.

Au fil des ans, j’ai personnellement travaillé comme bénévole pour des dizaines d’organismes caritatifs et à but non lucratif, notamment à titre de président du conseil. Ces expériences m’ont enrichi à maints égards. Il est vraiment valorisant de savoir qu’on contribue à une cause susceptible d’avoir une incidence durable sur la vie d’un très grand nombre de personnes.

Au Canada, nous croyons que tous méritent une chance égale d’avoir une vie prospère et heureuse. La générosité et le bénévolat des Canadiens peuvent aider à concrétiser ce souhait pour de nombreuses personnes.

Voilà pourquoi j’interviens aujourd’hui. Nous devons exprimer notre immense gratitude aux héros locaux qui ne cessent de redonner à la collectivité.

Qu’ils aient offert un repas chaud à des familles ou servi d’entraîneur à l’équipe de hockey de votre enfant, fourni gratuitement des services de consultation, servi dans l’équipe locale de surveillance du quartier ou fourni un refuge et du soutien lorsque la collectivité a été frappée par une catastrophe naturelle, nous avons tous sans exception bénéficié de la générosité de bénévoles.

Je presse l’ensemble des mes collègues sénateurs — quelle que soit la région qu’ils représentent d’un océan à l’autre — de remercier les bénévoles du Canada pour leurs efforts inlassables et aussi d’encourager nos concitoyens à s’engager en plus grand nombre pour soutenir une noble cause.

En cette journée qui leur est consacrée, saluons les bénévoles mais n’oublions pas de soutenir durant toute l’année l’important travail qu’ils effectuent pour faire de nos collectivités — partout au Canada — de meilleurs milieux de vie pour tous.

Merci.

L’organisme First Light

Félicitations à l’occasion de son quarantième anniversaire

L’honorable Judy A. White : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner le 40e anniversaire de l’organisme First Light.

First Light a été créé en 1983 dans le but de fournir aux Autochtones vivant à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, un espace communautaire adapté à leur culture. Depuis, l’organisme a pris de l’expansion : il offre dorénavant ses services à six emplacements situés aux quatre coins de la ville et compte plus de 80 employés.

First Light offre des services complets aux membres de la communauté dans quatre domaines clés : la planification communautaire; le soutien social et le logement; les entreprises et les opérations sociales de même que la recherche et la défense des droits. Grâce à de nombreuses entreprises sociales, l’organisme fournit des services de transport et d’hébergement médicaux, des formations sur la diversité culturelle, des logements abordables, des ressources artistiques et des services de garde d’enfants. Ses programmes et services sont gratuits pour les membres de la communauté. En outre, l’organisme prend en considération les besoins en matière de transport, de garde d’enfants et autres afin d’inciter les membres de la communauté à participer aux activités et à profiter de ses services en grand nombre.

First Light continue de prendre de l’expansion. Voici quelques-uns de ses projets en cours.

Dans le but d’amplifier les voix des Autochtones vivant en milieu urbain, First Light a accru sa capacité de recherche et de défense des droits ces dernières années. L’organisme fournit également de plus en plus de conseils stratégiques aux différents ordres de gouvernement afin d’appuyer la mise en œuvre des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, des appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

En 2019, en collaboration avec 11 autres organismes, First Light a lancé la coalition autochtone en milieu urbain connue sous le nom de First Voice. À l’occasion du 40e anniversaire de First Light, First Voice a présenté un plan d’action communautaire pour faire avancer la vérité et la réconciliation à St. John’s tout en appuyant des efforts similaires partout à Terre-Neuve-et-Labrador.

La semaine dernière, le sénateur Francis et moi avons eu le plaisir de rencontrer des représentants de l’Association nationale des centres d’amitié, y compris First Light. J’ai trouvé vraiment inspirante la discussion sur les services essentiels que l’organisme fournit, sa résilience en tant qu’organisme et les nombreuses raisons pour lesquelles il est si important que nous continuions à appuyer son travail.

Je profite de l’occasion pour remercier First Light de son travail incroyable et ses contributions inestimables au cours des 40 dernières années.

Merci. Wela’lioq.

(1410)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la capitaine Wendy Morse, première vice-présidente de l’Air Line Pilots Association, International, ou ALPA, et du capitaine Tim Perry, président de l’ALPA Canada. Ils sont accompagnés de leurs présidents nationaux. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Wells.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Dwight Ball, l’ancien premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Petten.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Dwight Ball

L’honorable Iris G. Petten : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui pour réfléchir au style de leadership et à l’approche politique qu’a adoptés le treizième premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, l’honorable Dwight Ball, pendant son mandat.

Dwight Ball a assumé ses fonctions de premier ministre provincial avec distinction de 2015 à 2020 — une période marquée par des bouleversements financiers importants, puis des changements sociaux historiques pendant la pandémie mondiale. D’ailleurs, le ministre de la Santé et des Services communautaires de l’époque, John Haggie, a déclaré que le leadership du premier ministre provincial Ball avait été essentiel pour placer Terre-Neuve-et-Labrador à l’avant-garde des administrations qui avaient réussi à gérer la première vague du virus.

J’ai commencé à travailler avec Dwight en 2016, lorsqu’il m’a demandé de demeurer à mon poste de directrice de notre université provinciale, l’Université Memorial, même si j’avais été nommée par le gouvernement qu’il venait de défaire.

Nous avons ensuite travaillé ensemble sur d’importants projets qui marqueront l’Université, y compris l’achèvement du nouveau centre de recherches scientifiques de calibre mondial de 325 millions de dollars dans le campus St. John’s. Le nouveau bâtiment s’inspire des icebergs de l’Atlantique Nord et du milieu marin de la région, en particulier de leurs formes brutes et leurs couleurs. La conception illustre l’engagement de l’Université Memorial à assurer la durabilité, grâce à des poutres thermiques et un récupérateur de chaleur à roue qui réduisent la consommation d’énergie du bâtiment de 40 % par rapport à une conception classique. Le bâtiment abrite également le squelette d’un rorqual bleu long de 82 pieds, suspendu dans l’atrium comme symbole de l’expertise de l’Université associée aux océans et source d’inspiration pour les futurs scientifiques et chercheurs.

Le style de leadership de Dwight reflétait nos origines communes : nous sommes tous deux issus de communautés rurales très unies ayant de fortes traditions religieuses. Dwight préférait la collaboration à la confrontation, et il respectait toujours les opinions des autres, même lorsqu’il n’y adhérait pas du tout.

En réfléchissant à sa présence aujourd’hui, alors que le pays est confronté à une combinaison de problèmes économiques, environnementaux, politiques et géopolitiques qui sèment la discorde, j’ai été heureuse de me rappeler qu’une bonne politique publique ne nous oblige pas à faire passer les préoccupations partisanes avant un processus décisionnel indépendant et collaboratif.

Dwight, je vous remercie des services que vous avez rendus à la population et vous souhaite bonne chance pour l’avenir. J’espère vous voir au 25e anniversaire de l’illumination annuelle des bateaux de Port de Grave pendant la période des Fêtes.

Merci, chers collègues.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Chelsea Caldwell, une diplomate d’Affaires mondiales Canada. Elle est accompagnée de membres de sa famille. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

La Corporation épiscopale catholique romaine d’Ottawa
La Corporation épiscopale catholique romaine du diocèse d’Alexandria-Cornwall

Projet de loi d’intérêt privé tendant à modifier la loi constitutive—Présentation du dixième rapport du Comité des banques, du commerce et de l’économie

L’honorable Pamela Wallin, présidente du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, présente le rapport suivant :

Le mardi 5 décembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie a l’honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-1001, Loi portant fusion de La Corporation Épiscopale Catholique Romaine d’Ottawa et de la Roman Catholic Episcopal Corporation for the Diocese of Alexandria-Cornwall, in Ontario, Canada, a, conformément à l’ordre de renvoi du 2 novembre 2023, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes :

1.Article 1, page 1 : Remplacer la ligne 25 de la version anglaise par ce qui suit :

« pal Corporation of Ottawa-Cornwall ».

2.Article 2, page 2 : Remplacer la ligne 15 de la version anglaise par ce qui suit :

« poration of Ottawa-Cornwall as amalga- ».

3.Article 3, page 2 : Remplacer les lignes 27 et 28 par ce qui suit :

« çais et « The Roman Catholic Episcopal Corporation of Ottawa-Cornwall » en anglais. ».

Respectueusement soumis,

La présidente,

PAMELA WALLIN

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Wallin, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

L’étude sur les questions relatives aux banques et au commerce en général

Dépôt du onzième rapport du Comité des banques, du commerce et de l’économie

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le onzième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie intitulé Étude sur l’abordabilité du logement — constatations préliminaires.

Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Présentation du huitième rapport du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants

L’honorable Tony Dean, président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, présente le rapport suivant :

Le mardi 5 décembre 2023

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants a l’honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu), a, conformément à l’ordre de renvoi du mercredi 21 juin 2023, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

TONY DEAN

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 2275.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Yussuff, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La justice

La Loi sur l’abrogation des lois—Préavis de motion tendant à faire opposition à l’abrogation de la loi et de dispositions d’autres lois

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 3 de la Loi sur l’abrogation des lois, L.C. 2008, ch. 20, le Sénat adopte une résolution faisant opposition à l’abrogation de la loi et des dispositions des autres lois ci-après, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur adoption :

1.Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R., ch. 33 (2e suppl.) :

-partie II;

2.Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47 :

-alinéa 8(1)d), articles 9, 10 et 12 à 16, paragraphes 17(1) à (3), articles 18 et 19, paragraphe 21(1) et articles 22, 23, 25, 26, 28 à 38, 40, 41, 44 à 47, 50 à 53, 56, 57, 60 à 62, 84 (en ce qui concerne les articles suivants de l’annexe : 2.1, 2.2, 3, 4, 5, 7, 7.1, 9, 10, 11, 12, 14 et 16) et 85;

3.Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, L.C. 1998, ch. 32;

4.Loi sur l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 :

-articles 155, 157, 158 et 160, paragraphes 161(1) et (4) et article 168;

5.Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations, L.C. 2000, ch. 12 :

-paragraphes 107(1) et (3) et article 109;

6.Loi sur le Yukon, L.C. 2002, ch. 7 :

-articles 70 à 75 et 77, paragraphe 117(2) et articles 167, 168, 210, 211, 221, 227, 233 et 283;

7.Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d’autres lois en conséquence, L.C. 2003, ch. 26 :

-articles 4 et 5, paragraphe 13(3), article 21, paragraphes 26(1) à (3) et articles 30, 32, 34, 36 (en ce qui concerne l’article 81 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes), 42 et 43;

8.Loi d’exécution du budget de 2005, L.C. 2005, ch. 30 :

-partie 18 à l’exception de l’article 125;

9.Loi modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, L.C. 2005, ch. 54 :

-paragraphe 27(2), article 102, paragraphes 239(2), 322(2) et 392(2);

10.Loi d’exécution du budget de 2009, L.C. 2009, ch. 2 :

-articles 394, 399 et 401 à 404;

11.Loi sur les réseaux de cartes de paiements, L.C. 2010, ch. 12, art. 1834 :

-articles 6 et 7;

12.Loi visant à promouvoir l’efficacité et la capacité d’adaptation de l’économie canadienne par la réglementation de certaines pratiques qui découragent l’exercice des activités commerciales par voie électronique et modifiant la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi sur la concurrence, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur les télécommunications, L.C. 2010, ch. 23 :

-articles 47 à 51, 55 et 68, paragraphe 89(2) et article 90;

13.Loi sur la révision du système financier, L.C. 2012, ch. 5 :

-articles 54 et 56 à 59;

14.Loi améliorant la sécurité ferroviaire, L.C. 2012, ch. 7 :

-paragraphes 7(2) et 14(2) à (5);

15.Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17 :

-articles 70 à 77;

16.Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, L.C. 2012, ch. 19 :

-articles 459, 460, 462 et 463;

17. Loi de 2012 sur l’emploi et la croissance, L.C. 2012, ch. 31 :

-articles 361 à 364;

18.Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada, L.C. 2013, ch. 24 :

-articles 12, 13 et 46;

19.Loi sur l’accord définitif concernant la Première Nation de Yale, L.C. 2013, ch. 25 :

-articles 1 à 17, 19, 20, 21, 22, 23 et 24;

20.Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2013, L.C. 2013, ch. 33 :

-paragraphe 228(2);

21.Loi no?2 sur le plan d’action économique de 2013, L.C. 2013, ch. 40 :

-articles 263, 266 et 267.

(1420)

Peuples autochtones

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les dispositions et l’application de la Loi sur les langues autochtones

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les dispositions et l’application de la Loi sur les langues autochtones (L.C. 2019, ch. 23) conformément à l’article 49.1 de ladite loi;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2025;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat;

Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

[Français]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à demander au gouvernement de créer un groupe de travail pour étudier les problèmes d’efficacité et d’équité liés aux stratégies fédérales, provinciales et territoriales de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur agricole

L’honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat demande au gouvernement fédéral de créer un groupe de travail, sous l’égide du ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, pour étudier, afin d’en faire rapport, les problèmes d’efficacité et d’équité liés aux stratégies fédérales, provinciales et territoriales de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur agricole, y compris, mais sans s’y limiter :

a)l’exemption fédérale de la taxe sur le carbone des combustibles comme le diésel et l’essence pour la machinerie agricole;

b)l’élargissement de cette exemption au propane et au gaz naturel pour la machinerie agricole liée au chauffage ou au refroidissement d’une structure pour l’élevage ou le logement d’animaux ou pour la culture de végétaux, ainsi qu’au séchage des grains et à leur entreposage;

c)l’identification de solutions complémentaires pour la réduction des émissions de GES émanant de l’utilisation de combustibles fossiles dans le secteur agricole;

d)une proposition pour la création d’une table de concertation permanente avec des acteurs économiques et des représentants des provinces et des territoires du secteur agricole dont le mandat est d’aviser le ministre fédéral, afin d’assurer l’adoption de politiques fédérales complémentaires à celles des provinces et des territoires qui soient justes et efficaces et qui visent la carboneutralité;

Que le Sénat recommande que le groupe de travail soit formé de cinq représentants des provinces et des territoires, un représentant du gouvernement fédéral, trois experts universitaires ou autres du secteur agricole et des émissions de GES, ainsi qu’un représentant du Sénat et un représentant de la Chambre des communes qui coprésideront ses travaux;

Que le groupe de travail dépose son rapport aux deux Chambres du Parlement au plus tard le 1er juin 2024.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L’industrie

Technologies du développement durable Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, ma question porte encore une fois sur la caisse noire environnementale connue sous le nom de Technologies du développement durable Canada. La semaine dernière, une ancienne membre du conseil d’administration a comparu devant un comité de l’autre endroit et a admis que quatre entreprises — dans lesquelles elle a des intérêts — ont reçu des millions de dollars de cette caisse noire pendant qu’elle siégeait au conseil d’administration.

(1430)

Monsieur le leader, la semaine dernière, vous nous avez dit que le gouvernement Trudeau prenait ces questions au sérieux. Pouvez-vous nous dire à quelle date votre gouvernement a appris qu’une ancienne membre du conseil d’administration approuvait le versement de l’argent des contribuables à quatre entreprises dont elle était propriétaire? Si vous n’avez pas la réponse aujourd’hui, sénateur Gold, pourriez-vous prendre note de cette question et nous la fournir?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement prend effectivement ces questions très au sérieux, comme il le fait d’ailleurs pour toutes les questions soulevées dans cette enceinte au sujet de sa responsabilité quant à la conduite honorable des affaires de l’État et des activités menées par d’autres parties relevant de sa compétence.

En ce qui concerne les détails de votre question, je n’ai pas les réponses, mais je vais certainement me renseigner.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, en décembre de l’année dernière, cette personne avait été nommée à un autre conseil d’administration au sein du gouvernement Trudeau. Qui serait surpris d’apprendre qu’elle avait été nommée au conseil d’administration de la Banque de l’infrastructure du Canada, qui a été un échec?

Monsieur le leader, au moment de sa nomination à la Banque de l’infrastructure du Canada, y a-t-il quelqu’un au sein du gouvernement Trudeau qui savait qu’elle avait approuvé des fonds pour quatre de ses entreprises?

Le sénateur Gold : Encore une fois, monsieur le sénateur, je ne peux qu’être respectueusement en désaccord avec votre description de la Banque de l’infrastructure du Canada, que vous qualifiez d’échec. Cette entité avait été mise en place à titre d’instrument pour aider d’autres instances du secteur public et le secteur privé et fournir des fonds pour financer des projets d’infrastructure essentiels à notre pays.

Les finances

La sécurité alimentaire

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, les statistiques de Banques alimentaires Canada affichent une augmentation renversante de 79 % des visites entre mars 2019 et mars de cette année. Un récent rapport de Feed Ontario a révélé qu’entre avril 2022 et avril 2023, plus de 800 000 Ontariens se sont rendus dans une banque alimentaire, pour un total de 5,9 millions de visites. Cela représente une augmentation de 38 %, la plus forte hausse jamais enregistrée en un an dans cette province relativement aux banques alimentaires. À Toronto, on a enregistré plus de 2,5 millions de visites dans les banques alimentaires au cours de cette même période d’un an.

Sénateur Gold, cela ne représente pas un besoin au sein d’une collectivité, mais plutôt la dépendance d’une collectivité presque entière envers l’appui des banques alimentaires pour répondre aux besoins les plus élémentaires. Une autre réalité désolante, sénateur Gold, c’est que plus d’un visiteur sur six déclare avoir un emploi, ce qui souligne que le fait d’avoir un emploi ne garantit plus, au Canada, que l’on aura de la nourriture sur la table.

Comment le gouvernement Trudeau peut-il regarder les Canadiens en face et leur dire qu’il fait du bon travail et qu’il est fier de ses réussites, alors que ces Canadiens ne savent même pas s’ils auront de quoi se mettre sous la dent?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur. Même si l’inflation diminue, les Canadiens font effectivement face à d’importants défis en raison de la hausse du prix des aliments. Cela n’arrange pas les choses pour un trop grand nombre de familles et de personnes qui ne peuvent se permettre d’acheter les aliments nutritifs qu’eux et leur famille méritent.

Le gouvernement fédéral travaille de concert avec les administrations provinciales et municipales et le secteur privé afin d’aider les Canadiens à traverser cette période difficile.

Ce n’est pas non plus le moment de s’applaudir alors que tant de Canadiens souffrent ni, bien franchement, d’induire les Canadiens en erreur en ce qui concerne les causes de ce phénomène complexe et mondial auquel tout le monde fait face, y compris les Canadiens.

Le sénateur Housakos : Ce problème complexe atteint des niveaux historiques et votre gouvernement n’a manifestement aucune idée de la façon de le régler. Il est indéniable que la taxe sur le carbone de votre gouvernement fait en sorte que tout coûte plus cher, sénateur Gold. Le fait que vous ayez exonéré de cette taxe un très petit groupe de Canadiens afin de leur accorder un peu de répit le prouve. Cela torpille votre propre message, sénateur Gold.

Pourquoi ne pas faire ce qui est juste — ce que nous considérons être un geste simple — en abolissant la taxe pour tous les Canadiens qui croulent sous le fardeau de la gestion fiscale de Justin Trudeau? Abolissez la taxe une fois pour toutes.

Le sénateur Gold : Je ne suis pas étonné que vous reveniez aux mêmes rengaines plutôt usées pour présenter, essentiellement sous un faux jour comme le sait tout économiste et tout entrepreneur, la faible part de l’augmentation du coût des aliments qui est liée à la taxe sur la pollution. Des Canadiens sont aux prises avec ce problème et ce n’est pas leur rendre service ni les honorer que de les induire en erreur. J’emploie cette expression parce qu’elle correspond aux faits, même si je suis certain que vous ne cherchez pas intentionnellement à les induire en erreur. Il n’en demeure pas moins que vos propos déforment fondamentalement la réalité et sa complexité et qu’ils diminuent l’importance du problème.

L'environnement et le changement climatique

Les émissions causées par les feux de forêt

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, le Canada se classe au troisième rang parmi tous les pays pour sa superficie forestière : 362 millions d’hectares du territoire canadien sont couverts de forêts. L’été dernier, 18,5 millions d’hectares ont brûlé dans l’ensemble du pays. Ces feux ont produit environ 2 400 mégatonnes d’équivalent CO2, soit plus du triple des émissions totales déclarées par le Canada pour l’année 2021. Il est essentiel que les émissions causées par les feux de forêt soient déclarées de manière transparente. Dans le rapport qu’il a publié en avril au sujet des forêts et des changements climatiques, le commissaire à l’environnement et au développement durable a souligné qu’il faudrait communiquer une vue d’ensemble complète de l’incidence des forêts canadiennes sur les niveaux de carbone dans notre atmosphère.

Sénateur Gold, pourriez-vous nous parler des mesures que prend le gouvernement du Canada en vue de mieux rendre compte des émissions de carbone causées par les feux de forêt?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Il s’agit d’une question importante. D’après ce que je comprends, madame la sénatrice, les émissions attribuables à des causes naturelles qui échappent en grande partie au contrôle humain ne sont pas prises en compte dans le Rapport d’inventaire national du Canada. Elles sont plutôt déclarées annuellement comme poste pour mémoire. Le Canada fait rapport de ses émissions conformément aux lignes directrices internationales et aux pratiques exemplaires; les émissions provenant de feux de forêt font l’objet d’un suivi sous une rubrique distincte de l’inventaire des gaz à effet de serre, celle des perturbations naturelles.

Cela dit, on m’assure que le gouvernement continue d’améliorer le suivi des émissions chaque année, tandis que nous nous efforçons d’atteindre les cibles de réduction d’émissions de 2030.

La sénatrice Coyle : Sénateur Gold, pour continuer sur le sujet des forêts, le rapport d’avril du commissaire indique qu’Environnement et Changement climatique Canada a présenté des rapports incomplets sur les effets qu’ont eu sur les émissions les modifications apportées à la gestion forestière. Les activités comme la coupe à blanc, la coupe partielle, le brûlage à plat, la création de réserves pour la biodiversité et la gestion de zones à des fins autres que la production de bois n’ont pas fait l’objet de rapports clairs ou distincts. Sénateur Gold, le Canada va-t-il revoir sa méthode pour évaluer les émissions liées au secteur forestier et pour en faire rapport?

Le sénateur Gold : Je vous remercie. Le gouvernement s’engage à améliorer continuellement la manière dont il fait état de ses progrès. On m’assure que le ministre Wilkinson a entendu Nature Canada et d’autres partenaires sur le sujet. D’après ce que je comprends du suivi des émissions que le Canada rend public, la méthodologie est fondée sur les meilleures données et connaissances scientifiques, les rapports sont examinés par des experts internationaux et sont conformes à ceux d’autres pays qui sont parties à l’Accord de Paris.

[Français]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

L’immigration au Québec

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, j’aimerais saluer la mise à jour du 17 novembre dernier sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada qui publiait les informations de son nouveau programme de parrainage. Cette mise à jour m’apparaît être une réponse à ma question du 31 octobre dernier à la Chambre.

Cependant, dans un article paru le 2 décembre dernier sur le site de la CBC, on rapporte que les ressortissants haïtiens, colombiens ou vénézuéliens doivent prévoir habiter à l’extérieur du Québec pour être admissibles à présenter une demande dans le cadre du nouveau système de réunification familiale.

Considérant que 87 % de la diaspora haïtienne canadienne se trouve au Québec et qu’elle est francophone, quelle démarche prendra le gouvernement fédéral pour que le Québec ouvre ses portes aux besoins urgents des ressortissants?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. En tant que Montréalais, je suis très conscient de l’importance et de la présence de la diaspora haïtienne au Québec et les contributions que la communauté a faites et qu’elle continue de faire.

Pour ce qui est de votre question précise, je m’engage à faire des recherches afin de mieux comprendre l’enjeu.

La sénatrice Mégie : À la suite de votre réponse, j’ose vous poser la question complémentaire suivante.

Si le Québec refusait de changer sa politique, le gouvernement fédéral pourrait-il transformer son système de réunification familiale en un programme de réfugiés?

Le sénateur Gold : Merci pour la question complémentaire. Encore une fois, il va falloir que je parle au ministre responsable et je m’engage à le faire.

La défense nationale

L’équipement militaire

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

L’incompétence des gouvernements libéraux en matière d’acquisition d’équipements pour nos forces armées est soulevée par plusieurs observateurs. En plus de donner un contrat sans appel d’offres à Boeing sans même examiner des appareils qui seraient canadiens, plus modernes et moins chers, nos forces sont équipées de sous-marins toujours en réparation, de frégates qui ont coûté 90 milliards de dollars au lieu de 25 milliards de dollars, et de F-35 qui vont coûter 70 milliards de dollars au lieu de 35 milliards de dollars. Tout un bilan.

(1440)

Pourquoi votre premier ministre et les libéraux ont-ils si peu de considération et de vision pour équiper nos forces armées?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Cher collègue, comme d’habitude, je suis obligé de ne pas accepter les prémisses de votre question.

Il est vrai que nos forces armées ont besoin d’équipement, de ressources et du financement pour effectuer le travail important qu’ils font pour nous partout au Canada.

Cela dit, le gouvernement a fait des investissements majeurs pour équiper nos forces armées. Même s’il y a toujours une question de grogne par rapport à des décisions prises, comme on le vit maintenant au Québec par rapport à l’octroi d’un contrat à Boeing, le gouvernement fait ce qu’il doit faire pour mieux équiper nos forces armées afin qu’elles puissent défendre nos intérêts ici au Canada et dans le monde.

Le sénateur Dagenais : Tout ce qu’on a depuis huit ans, ce sont des paroles et du papier, mais aucun nouvel équipement. Pouvez-vous au moins reconnaître que ces deux dernières années, votre premier ministre a manifesté plus d’intérêt pour l’armée ukrainienne que pour l’armée canadienne?

Le sénateur Gold : La réponse est non.

Un gouvernement responsable comme celui du Canada — et, j’espère, tous les gouvernements du passé ou à l’avenir — doit être capable de défendre ses intérêts et ceux de ses alliés, comme l’Ukraine, qui se bat non seulement pour sa liberté et sa démocratie, mais aussi pour la nôtre face à une invasion injuste par un gouvernement autoritaire.

[Traduction]

La santé

Un régime national d’assurance-médicaments

L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Je voudrais vous demander de faire le point sur l’assurance-médicaments. L’assurance-médicaments est peut-être le dernier élément que nous attendons depuis le début d’une politique de santé qui remonte à l’ère de Diefenbaker et de Pearson, il y a 60 ans. Il existe un accord entre les libéraux et les néo-démocrates pour présenter et faire adopter un projet de loi sur l’assurance-médicaments d’ici la fin de l’année. Il est clair que cela ne se produira pas.

Le représentant du gouvernement au Sénat pourrait-il nous informer de l’état d’avancement de ces négociations et nous dire s’il y aura une annonce ou, au moins, un projet de loi présenté avant les vacances d’hiver?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Chers collègues, je crois savoir que les négociations entre le gouvernement et le Nouveau Parti démocratique sur cette question sont en cours et qu’elles progressent de manière constructive. J’ai été informé que le ministre Holland et M. Davies — son homologue sur cette question — ont une très bonne relation de travail. Le ministre est impatient de poursuivre ses conversations avec tous les parlementaires et, en fait, avec tous les intervenants pour travailler à la mise en place d’un régime universel d’assurance-médicaments. L’objectif du gouvernement reste de déposer un projet de loi cette année.

Le sénateur Cardozo : J’imagine que le projet de loi sera déposé au cours des deux prochaines semaines. Je l’attends avec impatience.

Ma question complémentaire porte sur l’approche à payeur unique. Le directeur parlementaire du budget a dit que cette approche serait vraiment la plus économique en raison de l’énorme pouvoir d’achat qu’elle donnerait au gouvernement. Pensez-vous qu’on utilisera cette approche ou une autre?

Si le projet de loi est présenté d’ici la fin de l’année civile, avez-vous une idée du moment où le gouvernement prévoit le faire adopter? Serait-ce d’ici la pause estivale?

Le sénateur Gold : Mon professeur de droit constitutionnel Laurence Tribe a déjà dit que si on vit avec une boule de cristal, il faut être prêt à manger du verre. Même si j’ai un estomac solide, je ne suis pas prêt à le faire.

Je ne suis pas en mesure de commenter un projet de loi qui n’a pas encore été déposé ou des négociations qui sont encore en cours, et il ne serait pas approprié pour moi de le faire. Je peux vous assurer que les discussions se poursuivent. De toute évidence, elles sont constructives. Nous attendons avec impatience d’autres annonces à ce sujet.

[Français]

La défense nationale

Les achats d’aéronefs

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je vous ai questionné le 21 novembre sur l’intention du gouvernement de confier à Boeing un important contrat de 10 milliards de dollars pour remplacer les avions de patrouille maritime CP-140 Aurora. Vous m’avez répondu à ce moment-là : « On m’a informé qu’une décision finale n’a pas encore été prise. » Or, le 30 novembre, neuf jours plus tard, le gouvernement a annoncé en grande pompe qu’il avait conclu un contrat de 10 milliards de dollars avec Boeing, écartant par la même occasion la compagnie canadienne Bombardier.

Le président de Bombardier, M. Martel, a affirmé sur les ondes de Cogeco ce matin que sa compagnie aurait pu présenter une proposition plus économique, moins polluante, et à la fine pointe de la technologie si elle avait au moins pu soumettre sa candidature.

Encore une fois, monsieur le leader, comment justifiez-vous que votre gouvernement n’a même pas donné l’occasion à une compagnie canadienne de faire une soumission?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question. Comme je l’ai dit tout récemment, je comprends très bien la déception de Bombardier. C’est une compagnie importante chez nous au Québec. Je comprends la grogne et j’anticipais votre question, qui est tout à fait valable.

Selon mes informations, le Poseidon de Boeing est le seul avion offert à l’heure actuelle qui répond à toutes les exigences opérationnelles. C’est un critère fondamentalement important pour équiper nos forces armées. Si le temps me le permet, je veux souligner les retombées économiques de ce contrat pour les Canadiennes et Canadiens, nonobstant le fait qu’il a été octroyé à Boeing et non pas à Bombardier.

Le sénateur Carignan : On va voir si vous avez anticipé la prochaine question.

Pouvez-vous confirmer que le gouvernement a changé la date de livraison des appareils, la faisant passer de 2031-2032 à 2026-2027?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de confirmer la date exacte, et je n’avais pas anticipé cette question.

Je souligne toujours l’importance pour les forces armées d’avoir de l’équipement qui est éprouvé et adéquat, selon les exigences fournies au gouvernement par les forces armées. Le Poseidon remplit tous ces critères.

[Traduction]

Les finances

L’Énoncé économique de l’automne 2023

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a fait remarquer que dans l’énoncé économique de l’automne, le gouvernement Trudeau n’a présenté aucune mesure pour réduire le fardeau fiscal des petites entreprises. En fait, Dan Kelly, de la fédération, a déclaré :

Avec la hausse des taux de cotisation à l’assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada prévue le 1er janvier ainsi que la hausse déjà prévue de la taxe carbone et de la taxe d’accise sur l’alcool le 1er avril, le gouvernement ne fait qu’exacerber la crise du coût de la vie pour les Canadiens et les petites entreprises.

Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement Trudeau ne renonce-t-il pas à ces quatre hausses de taxes étant donné que les temps sont si difficiles pour les petites entreprises canadiennes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Le gouvernement du Canada reconnaît que les temps sont difficiles pour de nombreux secteurs de notre économie et de nombreuses personnes au sein de ces secteurs. Au sortir de la pandémie, le Canada se portait plutôt bien comparativement à la plupart des autres pays. Cela ne veut pas dire que nous en sommes sortis indemnes. Les entreprises en subissent encore les conséquences, qu’il s’agisse de la pénurie de matériaux, des perturbations qui perdurent dans les chaînes d’approvisionnement ou des problèmes de ressources humaines.

Cela dit, dans son énoncé économique de l’automne comme dans toutes les mesures qu’il prend, le gouvernement du Canada fait de son mieux pour trouver le juste équilibre entre la gestion prudente des finances en période de contraction économique et l’allocation du soutien nécessaire. Le gouvernement du Canada continue de croire que sa tarification de la pollution est une mesure stratégique appropriée.

(1450)

Il considère que les remboursements offerts aux Canadiens en général ou à des secteurs contribuent bel et bien à atténuer les effets de ces politiques dans une certaine mesure.

La sénatrice Martin : Je parle des quatre hausses de taxes prévues pour les premiers mois de 2024.

Le gouvernement Trudeau a dit à maintes reprises qu’il se fonde sur des données probantes.

Monsieur le leader, avant de décider de hausser les taxes des petites entreprises, dans quelques semaines seulement, le gouvernement Trudeau a-t-il mené une analyse sur les effets de cette décision sur ces entreprises? S’il ne l’a pas fait, quelle en est la raison? S’il l’a fait, pourriez-vous présenter les résultats de cette analyse dans cette Chambre?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je crois que, pour toute politique économique et financière, on se fonde sur des données, des scénarios de planification et des évaluations afin de prévoir les conséquences, et cela vaut tant pour le gouvernement actuel, que pour les gouvernements qui l’ont précédé et, j’imagine, pour les prochains gouvernements.

Encore une fois, le gouvernement a pris ses décisions en s’efforçant d’atteindre, de façon responsable et prudente, le juste équilibre entre les dépenses, les mesures fiscales, et d’autres mesures.

Les pêches et les océans

La Commission internationale du flétan du Pacifique

L’honorable Pat Duncan : Ma question s’adresse au sénateur Gold.

J’ai récemment participé à une délégation du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis à Washington, D.C., en même temps qu’une autre délégation composée du député du Yukon et de représentants des Premières Nations du Yukon. Lors d’une réunion avec la sénatrice de l’Alaska, Lisa Murkowski, il a été question du fait que le Canada ne s’acquitte pas de ses obligations financières envers la Commission internationale du flétan du Pacifique. Pourriez-vous demander au membre du Cabinet concerné pourquoi le paiement du Canada à cette importante commission est en souffrance?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir attiré mon attention sur ce point. Je n’étais pas au courant et je ferai les démarches nécessaires auprès de la ministre concernée.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie. La diminution des stocks de saumon du fleuve Yukon est en train de devenir une question internationale. Sénateur Gold, encouragerez-vous la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne à rencontrer les habitants du Yukon pour s’informer directement, en particulier auprès des Premières Nations, des ravages causés par la diminution des stocks de saumon dans le fleuve Yukon et à mieux faire connaître le saumon du fleuve Yukon. Lui demanderez-vous aussi de soulever cette question auprès de son homologue états-unienne à la première occasion?

Le sénateur Gold : Je ne manquerai pas d’ajouter ce point aux questions que je poserai et j’encourage le gouvernement du Yukon et les ministres compétents au sein de ce gouvernement à soulever cette question auprès de leurs homologues.

Je crois comprendre que les relations entre les gouvernements et les ministres au sein du gouvernement représentent la voie à suivre pour discuter de cette question, mais j’apporterai aussi ma contribution à cet égard.

L’emploi et le développement social

La prestation canadienne pour les personnes handicapées

L’honorable Kim Pate : Ma question s’adresse aussi au sénateur Gold.

Lorsque la ministre Qualtrough a témoigné l’an dernier devant le Comité sénatorial des affaires sociales au sujet de la prestation canadienne pour les personnes handicapées, elle a affirmé ce qui suit : « Ce que je dis constamment, c’est que la prestation sera versée en 2024. »

Elle a laissé entendre que les règlements pertinents seraient mis en place et que les prestations seraient versées 12 mois après la sanction royale, c’est-à-dire en juin 2024.

Ce matin, au Comité des finances nationales, des représentants d’Emploi et Développement social Canada ont indiqué qu’ils pensent que la prestation sera versée à compter de juin 2025, au plus tard. C’est un an plus tard que l’engagement précédent de la ministre.

Partout au Canada, les personnes handicapées attendent cette mesure. Le gouvernement respectera-t-il l’engagement précédent de la ministre de commencer à verser la prestation d’ici 2024?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le projet de loi et le programme dont vous parlez, comme nous le savons tous, auront des effets transformateurs à l’échelle nationale.

Le gouvernement sait que les Canadiens handicapés veulent que ces prestations soient versées le plus rapidement possible. Il est très important, dans le cadre d’un tel programme national transformateur — le premier du genre au pays sur la question des handicaps —, que le gouvernement trouve le juste équilibre, car il doit faire preuve de célérité, en versant les prestations aussi rapidement que possible, ce qui est clairement réclamé, mais aussi bien faire les choses, en consultant pleinement les communautés diverses et multiples qui sont touchées.

À ce que je sache, le processus de mobilisation est en cours, et le gouvernement continuera de travailler efficacement pour bien faire les choses.

La sénatrice Pate : Je vous remercie, sénateur Gold. On a dit aux personnes handicapées de faire confiance à l’approche proposée par le gouvernement concernant une loi-cadre assortie d’un processus réglementaire pour le déploiement rapide d’une prestation canadienne pour personnes handicapées répondant aux besoins.

Pourriez-vous nous donner un échéancier précis des tâches à accomplir avant la mise en œuvre de ce programme et nous dire quand les personnes handicapées peuvent s’attendre à recevoir cette prestation?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je comprends les raisons et l’urgence qui vous amènent à poser cette question, mais je ne suis pas en mesure de donner un échéancier précis pour les raisons que j’ai déjà évoquées : le gouvernement doit mener des consultations, il veut mener des consultations et il est probablement en train de les mener auprès de la communauté des personnes handicapées. Le processus est en cours, mais il n’est pas encore terminé.

C’est le genre de programme pour lequel il importe que les membres de la communauté des personnes handicapées soient aux commandes et décident des échéanciers qui sont établis.

L’infrastructure

Le pont de la Confédération et le péage

L’honorable Percy E. Downe : Comme vous le savez, les Prince-Édouardiens sont heureux que le pont de la Confédération ait été construit pour relier l’Île-du-Prince-Édouard au Canada. Je vous vois sourire. Vous devinez peut-être ma question.

Cependant, nous avons été déçus de constater que la politique relative au système d’utilisateur-payeur qui s’appliquait depuis longtemps aux infrastructures a été modifiée lorsque le pont Champlain, à Montréal, qui appartient également au gouvernement fédéral, a vu ses péages supprimés.

Comme vous le savez peut-être, il faut maintenant payer plus de 50 $ pour traverser le pont de la Confédération, alors que la traversée du pont Champlain, dont la construction a coûté cinq fois plus cher que celle du pont de la Confédération, est gratuite. L’année dernière, reconnaissant les conséquences de cette situation pour les Prince-Édouardiens, le gouvernement fédéral, plutôt que de supprimer ces frais, en a gelé la hausse automatique pour tenir compte de l’augmentation du coût de la vie. La prochaine hausse est prévue en décembre. Le gouvernement a-t-il l’intention de geler à nouveau la hausse de ces frais de péage?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Si j’ai souri, sénateur Downe, ce n’était pas pour minimiser l’importance de cette question, mais parce que je suis conscient de vos efforts acharnés en faveur de votre province et dans ce dossier, ce que je respecte.

J’ignore les intentions du gouvernement dans ce dossier. Je comprends la déception des Prince-Édouardiens et des visiteurs de cette province qui doivent payer ces frais. Si je comprends bien, la décision du gouvernement a été motivée par des circonstances différentes. Cependant, je ferai de mon mieux pour me renseigner à ce sujet.

Le sénateur Downe : Sénateur Gold, je vous en remercie à l’avance. Comme vous le savez, en gelant les droits de péage l’an dernier, le gouvernement du Canada a reconnu pour la première fois l’existence d’une iniquité puisqu’on réserve à certains Canadiens un traitement différent selon l’endroit où ils vivent. Pourtant, tous les Canadiens paient de l’impôt. Les résidants de l’Île-du-Prince-Édouard doivent payer 50 $ pour traverser un pont de propriété fédérale. Les Montréalais empruntent gratuitement le pont Champlain, et Windsor bénéficie maintenant d’un nouveau pont international, le Pont international Gordie-Howe, où il y aura un péage.

Voici donc ma question, sénateur Gold. Pourquoi le gouvernement, qui a gelé les droits de péage l’an dernier au pont de la Confédération, reconnaissant ainsi l’existence d’un problème, ne passe-t-il pas à l’étape suivante qui consisterait à éliminer les péages comme il l’a fait à Montréal?

Le sénateur Gold : Sénateur Downe, à l’instar du gouvernement, je comprends votre point de vue.

Néanmoins, il faut tenir compte des distinctions entre les ponts qui relient le Canada aux États-Unis, du volume de circulation et des raisons pour lesquelles cette circulation est nécessaire — raisons que vous pouvez trouver justifiées ou non, comme d’autres — mais il n’en demeure pas moins qu’elles orientent certainement les décisions concernant les péages.

Je répète que la décision prise l’an dernier par le gouvernement tient au fait qu’il a reconnu que le coût du péage était substantiel. J’ajoute donc votre question à ma demande de renseignements.

L’environnement

La taxe sur le carbone

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, les chefs de l’Ontario représentent 133 communautés des Premières Nations dans la province. Jeudi dernier, ils ont présenté une demande de révision judiciaire à la Cour fédérale parce que, selon eux, l’imposition de la taxe sur le carbone par le gouvernement Trudeau aux collectivités rurales et éloignées viole les droits des Premières Nations.

Le grand chef Abram Benedict a dit ceci :

Les Premières Nations constatent les effets des changements climatiques au quotidien et elles s’attendent du Canada qu’il s’occupe de ce problème. Cependant, nous n’acceptons pas un régime qui ajoute un nouveau fardeau aux Premières Nations, qui doivent déjà faire face à de graves problèmes en matière d’infrastructures et d’économie. Le Canada devrait travailler avec nous pour lutter contre la crise climatique et combler les lacunes qui existent dans les réserves au lieu de créer, depuis sa tour d’ivoire, des politiques qui exacerbent les problèmes d’abordabilité que vit notre population.

(1500)

Monsieur le leader, ce sont les paroles du grand chef, pas les miennes. Qu’avez-vous à lui répondre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Les grands chefs ont parfaitement le droit de demander une révision judiciaire et les tribunaux compétents se chargeront d’évaluer cette demande, je présume. Nous verrons en temps et lieu s’ils la jugent fondée.

La position du gouvernement demeure la même : la tarification de la pollution est le moyen le plus efficace de lutter contre les changements climatiques. Le gouvernement considère également que les mesures qu’il a mises en place pour essayer de limiter les impacts que subissent les Canadiens sont justes et adéquates. Le gouvernement double les remises sur la tarification de la pollution, le remboursement pour les régions rurales, et il redonne plus d’argent à huit Canadiens sur dix. Il s’est engagé à remettre 1 % des recettes aux gouvernements autochtones et aux provinces bénéficiant du filet de sécurité fédéral et il travaille avec ses partenaires pour y arriver.

Le sénateur Plett : Les chefs de l’Ontario ont tenté de négocier avec le gouvernement Trudeau, mais on leur a dit qu’il n’y aurait aucun changement à la taxe sur le carbone. Puis, comme tout le monde, ils ont vu le premier ministre accorder une exemption qui ne profitait qu’à certains Canadiens. Tout le monde sait pourquoi il a fait cela, monsieur le leader. Il cherchait désespérément à sauver des sièges libéraux. Les Premières Nations, les premiers ministres des provinces et les agriculteurs — contre qui d’autre le gouvernement Trudeau se battra-t-il avant d’agir avec bon sens et de supprimer la taxe?

Le sénateur Gold : Il est difficile de ne pas répéter les mêmes réponses quand elles semblent dominer les ondes à l’autre endroit, ici et dans les revues qui font la promotion d’un programme. La réponse est simplement que le gouvernement demeure — je l’ai dit tellement de fois que la réponse me rend las — convaincu que la tarification de la pollution est l’approche axée sur le marché la plus efficace pour lutter contre les changements climatiques, qui constituent une menace existentielle pour nous-mêmes, nos enfants, notre pays et notre planète.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption par les Communes des amendements du Sénat

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes un message informant le Sénat qu’elle a adopté les amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution), sans y apporter d’autres amendements.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 7 décembre 2021, je souhaite aviser le Sénat que la période des questions avec l’honorable Pascale St-Onge, c.p., députée, ministre du Patrimoine canadien, aura lieu le mercredi 6 décembre 2023, à 14 h 30.

[Français]

Question de privilège

Décision de la présidence

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je suis prête à rendre la décision sur la question de privilège soulevée par la sénatrice Saint-Germain le 21 novembre 2023. Comme elle l’a indiqué dans son préavis écrit, la question porte sur des « tentatives d’intimidation de sénatrices et de sénateurs qui ont eu lieu le jeudi 9 novembre 2023 dans la Chambre du Sénat et dans l’édifice du Sénat du Canada ». De façon exceptionnelle, d’autres arguments sur la question ont été entendus le 23 novembre 2023.

En traitant de cette affaire, j’expliquerai un point relatif aux délibérations du 9 novembre et résumerai la procédure normale pour soulever une question de privilège. J’aborderai ensuite certaines préoccupations soulevées en ce qui concerne les préavis dans le cas présent. Enfin la décision fournira des observations sur des aspects précis de cette situation et prendra en considération des questions connexes avant d’examiner la question de privilège à la lumière des quatre critères qui doivent être respectés en vertu de l’article 13-2(1) du Règlement.

Je tiens à souligner qu’en fin de compte, c’est au Sénat qu’appartient la décision sur la façon de procéder dans cette affaire. Les honorables sénateurs sont, collectivement, responsables des valeurs qui façonnent les travaux de notre Chambre et de veiller à son bon fonctionnement en tant qu’institution publique au service des Canadiens.

Au début, une courte clarification concernant un aspect des délibérations du 9 novembre s’impose. La sénatrice Clement a été reconnue dans le débat sur le projet de loi C-234 parce qu’elle était, à mon avis, la première personne à se lever. C’était dans le respect de l’article 6-4(1) du Règlement. Elle a proposé l’ajournement du débat, tel que permis par l’article 5-7c) du Règlement. Un rappel au Règlement a ensuite été soulevé concernant la reconnaissance dans le débat. L’article 6-4 du Règlement régit les désaccords à cet égard. De façon exceptionnelle, celui-ci limite le rôle de la présidence à la réception et à la mise aux voix au Sénat d’une motion proposant qu’un sénateur, qui n’a pas été reconnu mais qui s’était levé en même temps que le sénateur reconnu, « prenne maintenant la parole » ou « que la parole [lui] soit maintenant donnée ». La présidence ne rend pas de décision sur le sénateur qui aura la parole. Cette décision appartient au Sénat lui-même.

Cependant, la motion requise visant à donner la parole à un autre sénateur n’a pas été proposée. En son absence la motion tendant à l’ajournement du débat a donc dû être mise aux voix. J’ai indiqué qu’à mon avis la motion avait été défaite sur un vote de vive voix. Deux sénateurs se sont ensuite levés et, après la sonnerie, le Sénat a adopté la motion.

Le fait que plusieurs sénateurs criaient fort, sans être reconnus, a rendu impossible de clarifier le déroulement des délibérations. Même si certains ont pu être en désaccord avec le déroulement des événements, rien ne peut justifier une réaction aussi excessive dans une Chambre qui est normalement fière de son rôle de second examen attentif. Le chaos exceptionnel a continué pendant que la sonnerie se faisait entendre, et tous ces événements ont contribué à la question de privilège actuelle.

Ayant expliqué ces événements de la perspective de la présidence, je vais maintenant résumer le processus le plus couramment utilisé pour traiter des questions de privilège. Pour de plus amples détails, je renvoie les collègues au chapitre 13 du Règlement et au chapitre 11 de La procédure du Sénat en pratique. La procédure normale comporte plusieurs étapes. Tout d’abord, le sénateur qui a l’intention de soulever une question doit, en vertu de l’article 13-3(1) du Règlement, fournir un préavis écrit avant la séance « dans lequel est indiquée la nature de la violation prétendue ». Le sénateur est ensuite reconnu lors des déclarations de sénateurs afin de fournir un préavis oral et, en vertu de l’article 13-3(4) du Règlement, il doit :

préciser l’objet de la question de privilège qu’il entend soulever et, en outre, se déclarer prêt à proposer soit que le Sénat prenne des mesures de réparation …, soit que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement en soit saisi.

Après ces préavis, des arguments sont présentés plus tard au cours de la séance pour aider la présidence lors de son étude de l’affaire. La présidence prend normalement l’affaire en délibéré, comme je l’ai fait, pour rendre une décision ultérieurement.

Le rôle de la présidence est de déterminer si la question de privilège est fondée à première vue. Pour reprendre les termes utilisés par le Président Kinsella le 29 mai 2007, la notion voulant qu’une affaire soit établie à première vue signifie « qu’une personne raisonnable pourrait conclure à une violation possible du privilège ». Maingot, dans la deuxième édition du Privilège parlementaire au Canada, à la page 231, note que dans l’usage parlementaire, cette situation existe « lorsque les faits, tels qu’exposés par le [parlementaire], sont suffisamment graves pour que la Chambre soit invitée à discuter de l’affaire ». C’est donc au Sénat qu’il appartient de décider, en dernier ressort, de l’affaire et de la manière de la traiter, en réponse à la motion proposée s’il est établi qu’il existe une question de privilège fondée à première vue, qui peut, dès ce moment-là, être appelée un cas de privilège.

Lors de l’examen de la question de privilège actuelle, il y avait des inquiétudes quant au fait de savoir si les préavis écrit et oral respectaient ou non les exigences du Règlement. Ces exigences ont été ajoutées à la suite d’un cas où les préavis pour une question de privilège ne fournissaient aucun détail sur l’affaire qui allait être soulevée. Ces exigences n’ont jamais été comprises comme nécessitant des détails complets dans les préavis mêmes. Les préavis devraient, plutôt, décrire les points clés.

Dans le cas qui nous occupe, les préavis écrit et oral indiquaient la question fondamentale en jeu, la date à laquelle les événements originaux se sont produits, et le lieu général. Tout collègue présent le 9 novembre, ou qui a consulté des collègues et par la suite regardé la partie des événements qui pouvait être vue sur la télédiffusion, ou qui a lu la transcription, aurait compris les questions en jeu.

Le contenu des préavis était conforme aux pratiques normales. En plus, toute inquiétude quant au fait que certains détails n’ont été soulevés que pendant les arguments sur la question a été plus qu’apaisée par le fait que le Sénat a repris l’examen de la question de privilège à une séance ultérieure, donnant plus de temps aux sénateurs de préparer leurs interventions.

Même si ceci n’est pas sans précédent, je dois avertir les honorables sénateurs qu’il ne faut pas tenir pour acquis que les arguments peuvent s’étaler sur plus d’une séance. Cependant, dans le cas présent j’ai cherché à donner à tous les collègues l’occasion de s’exprimer, même si certains points se sont répétés. Il y a eu une étude exhaustive de la question de privilège le 21 novembre, et la demande tendant à entendre d’autres interventions à une séance ultérieure était juste et équitable. Il s’agissait d’un cas où une réflexion approfondie s’imposait car nous étions, dans une certaine mesure, en train d’étudier la façon dont nous voulons que cette Chambre fonctionne.

Je ne tenterai pas de résumer ici les arguments, qui étaient éloquents, nuancés, émotifs, sincères et très personnels. Les sénateurs ont reconnu l’importance de l’affaire et dans certains cas ont offert des excuses sincères qui sont accessibles dans le domaine public. Je remercie les collègues pour leurs contributions à cette question difficile.

Avant de prendre en considération les critères établis à l’article 13-2(1) du Règlement, je souhaite maintenant fournir quelques commentaires sur certains aspects de la situation.

Des sénateurs nous ont parlé des effets troublants des événements du 9 novembre. Je suis certaine que vous avez tous été troublés d’entendre ces informations. Nous devons veiller à ne pas contribuer à un environnement en ligne toxique qui risque d’être destructeur pour notre sécurité, pour notre société et pour notre démocratie.

Le conseil donné par le Président Furey à quelques reprises me vient à l’esprit, selon lequel nous devrions prendre le temps de bien réfléchir avant de nous engager sur les médias sociaux d’une manière qui pourrait être préjudiciable.

Comme il l’a dit les 16 mai et 13 juin 2019 :

Si vous pensez que le message peut être offensant ou si vous n’êtes pas certains de la nature appropriée du message, ne le publiez pas. En effet, ce genre de messages peut entacher tant la réputation de l’auteur du message que celle du Sénat.

J’encourage les honorables sénateurs à réfléchir aux vraies conséquences potentielles sur la réputation du Sénat, ainsi que les effets sur nos familles, notre personnel, et les autres collègues, avant de vous engager sur les médias sociaux. Le fait que certains contenus inappropriés en ligne — et non seulement par rapport aux événements du 9 novembre — ont fait que des sénateurs et leur personnel se sentent attaqués souligne les conséquences importantes, même si elles sont non-visées, de ce qui est publié. En particulier, comme l’ont souligné de nombreux sénateurs, nous devons garder à l’esprit que les médias sociaux peuvent être particulièrement néfastes pour les femmes, les Canadiens racialisés et les autres groupes en quête d’équité, qui sont souvent ciblés de manière disproportionnée.

Le Sénat est une Chambre qui est fière de son travail de protection des droits des minorités. C’est à la suite de l’affaire « personne » en 1929, que des femmes ont pu devenir membres du Sénat pour la première fois. Aujourd’hui, nous reflétons mieux la pleine diversité ethnique et culturelle de notre pays. À ce titre, nous devons faire tout notre possible pour éviter toute action qui pourrait être perçue comme acceptant ou encourageant les attaques personnelles contre tout individu, que ce soit dans les lieux de travail au Sénat, en ligne ou dans notre vie personnelle.

Ceci dit, nous devons évidemment être très prudents quant au risque de limiter indûment la liberté d’expression, qui est un principe clé de notre société. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas l’habitude de traiter des questions relatives aux médias sociaux par la voie du privilège. Les actes malheureux commis sur les médias sociaux ne devraient pas nous hâter à modifier cette approche fondée sur des principes. Mais, dans l’exercice de la liberté de parole, rappelons-nous que, même si nous avons souvent tendance à nous concentrer sur ce qui est dit, il ne faut jamais perdre de vue comment les mots et les gestes sont compris par celui qui les reçoit, et comment les tierces parties les perçoivent — que ces individus soient présents ou voient les interactions sur les plateformes de médias sociaux.

Des collègues ont noté que certains aspects de ce qui s’est passé le 9 novembre pourraient soulever des questions relatives à la Politique du Sénat sur la prévention du harcèlement et de la violence. Le fait que des événements se sont produits dans la salle du Sénat, lors des cloches dans certains cas, ne signifie pas qu’ils sont nécessairement exemptés de cette politique. D’autres ont noté des liens possibles avec le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, qui nous impose des obligations, y compris celle d’adopter une conduite qui respecte les normes les plus élevées de dignité inhérentes à la charge de sénateur. Il peut donc y avoir des questions parallèles reliées à l’éthique ou au harcèlement qui pourraient être traitées en vertu d’autres mécanismes séparés.

Le Sénat évolue et il n’est plus l’institution qu’il l’était il y a quelques années seulement. La composition et la culture du Sénat ont changé, et plusieurs collègues ont parlé avec éloquence de l’imbrication des questions de genre, d’ethnicité et de capacité physique dans les événements du 9 novembre.

Je sais que les changements de culture organisationnelle sont difficiles et prennent du temps. Nous devons nous adapter au fait que des comportements qui ont pu être tolérés par le passé ne sont plus acceptables. Le « bon vieux temps » n’était pas si bon pour beaucoup de gens. Le Sénat travaille pour tenir compte de cette réalité en évolution.

Je reste persuadée que nous pouvons continuer à travailler ensemble pour faire en sorte que le Sénat demeure un lieu qui reconnaît les droits collectifs des sénateurs à participer à des débats passionnés mais respectueux sur des questions importantes pour les Canadiens.

Alors que nous passons aux quatre critères de l’article 13-2(1) du Règlement, qui doivent tous être respectés à ce stade, il est clair que le premier — selon lequel la question doit être « soulevée à la première occasion » — est rempli. La sénatrice Saint-Germain a soulevé l’affaire à la séance qui a suivi celle du 9 novembre.

Le deuxième critère est que l’affaire doit « se rapporte[r] directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur ». Les événements du 9 novembre ont entraîné une réaction disproportionnée à une motion tendant à l’ajournement du débat. Des sénateurs ont crié à des collègues qui agissaient dans le respect du cadre établi par le Règlement. Nous avons entendu des sénateurs parler du ton agressif et menaçant utilisé envers eux. Il y a eu des menaces de les pénaliser en bloquant des travaux en comité ou en Chambre s’ils ne cédaient pas et n’acceptaient pas un résultat particulier. Des remarques insultantes et inacceptables ont été lancées d’un côté à l’autre de la salle du Sénat. Tous ces événements peuvent être considérés comme des tentatives visant à intimider des collègues et à les contraindre indûment, voire les punir, dans l’exercice de leurs fonctions en tant que parlementaires.

Aux pages 107 et 108 de la troisième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes, nous trouvons le texte suivant :

Afin de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires, les [parlementaires] doivent pouvoir se livrer à leurs activités parlementaires sans être dérangés. Les voies de fait, les menaces et les insultes à l’égard d’un [parlementaire] au cours des délibérations du Parlement, ou alors qu’il circule dans l’enceinte parlementaire, constituent une atteinte aux droits du Parlement. Toute forme d’intimidation envers un [parlementaire] en raison de ses agissements au cours des délibérations du Parlement peut être considérée comme un outrage.

Comme l’indique la définition du privilège dans le Règlement, « la liberté de parole au Sénat et au sein de ses comités … et, de façon générale, la protection contre l’obstruction et l’intimidation » sont des droits fondamentaux qui nous sont nécessaires pour exercer nos fonctions en tant que membres de cette Chambre.

L’on a avancé l’idée selon laquelle le fait que les sénateurs visés par les actions en question ont néanmoins voté prouve qu’ils n’ont pas été intimidés. Toutefois, le privilège ne devrait pas être considéré comme un outil qui n’entre en jeu que si un résultat indésirable arrive effectivement. Il n’est pas nécessaire qu’un résultat malsain se produise pour que le privilège soit impliqué.

Les sénateurs ne devraient pas avoir à craindre pour leur sécurité ou des représailles pour le simple fait de proposer une motion ou de voter. Il est très possible que, si de tels comportements ne cessent pas, un sénateur se dise bientôt : « Je vais peut-être m’abstenir de participer à ce vote, à ce débat ou à cette réunion; je ne peux pas continuer à me faire crier dessus et à me faire menacer ». Si les gens sont traités de manière humiliante, cela peut avoir des effets durables, et ce de façons qui ne sont pas toujours anticipées par les autres. En bref, l’intimidation existe au moment où l’on tente de l’exercer; il n’est pas nécessaire qu’elle réussisse pour être inacceptable.

Des sénateurs, dans la salle du Sénat, se sont sentis menacés, insultés et intimidés. Il s’agit d’une atteinte aux droits du Parlement, du Sénat et des sénateurs individuels. Le deuxième critère est respecté.

Selon le troisième critère, la question de privilège doit « vise[r] à corriger une atteinte grave et sérieuse ». Les points déjà abordés par rapport au deuxième critère sont graves. Ils sont sérieux. Des sénateurs ont expliqué comment ils se sont sentis menacés et intimidés dans l’exercice de leurs fonctions, ici où nous devrions faire preuve du meilleur comportement pour nos concitoyens. Nous devrions être en mesure d’exprimer de manière respectueuse des opinions divergentes profondément ancrées. Même si des sénateurs n’avaient pas l’intention d’intimider ou d’humilier par leurs paroles et leurs gestes ce jour-là, c’est de cette façon que ces actions ont été reçues et comprises par les autres. Cette situation doit être corrigée afin que nous soyons en mesure de nous acquitter de nos responsabilités au Parlement. Ce critère est respecté.

Selon le dernier critère, la question de privilège doit « cherche[r] à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire ». Les événements du 9 novembre, et ceux qui en ont découlé, impliquent divers points qui se chevauchent. L’on n’a pas tenu compte de tous les effets possibles des actions menées à l’extérieur du Sénat, y compris sur les médias sociaux. Il y a eu des problèmes d’ordre et de décorum au cours de la séance. Il y a eu des problèmes de non-respect des normes élevées de dignité. Il y a eu des tentatives d’intimidation.

Parmi ces diverses questions, le point clé dans cette affaire, en tant que question de privilège, concerne les actions relatives à l’intimidation de sénateurs en ce qui a trait à l’exercice de leurs fonctions parlementaires. Il y avait un lien de cause à effet extrêmement étroit qui relève clairement du privilège. Des sénateurs, agissant dans le cadre du Règlement, se sentaient intimidés.

Il s’agit là du point qui implique fondamentalement le privilège. Le droit de voter et de prendre des décisions, sans intimidation ni menace, est peut-être le privilège le plus essentiel accordé aux sénateurs, nous permettant de prendre collectivement des décisions réfléchies.

Même s’il peut y avoir d’autres outils disponibles pour traiter de certaines questions connexes, ceux-ci ne peuvent pas traiter des points fondamentaux reliés au privilège qui sont impliqués. Seul le Sénat, dans l’intérêt duquel le privilège existe, peut traiter de cette question de manière appropriée, afin de s’assurer qu’il puisse continuer à bénéficier du service de ses membres sans entrave. Seuls les sénateurs peuvent — individuellement et collectivement — assurer le respect et la courtoisie qui sont essentiels dans une assemblée parlementaire. Le dernier critère est respecté.

Étant donné que tous les quatre critères ont été respectés à ce stade initial, un cas de privilège a été établi. Je répète que cet examen initial vise à déterminer si, à première vue, une personne raisonnable pourrait conclure qu’il aurait pu y avoir atteinte au privilège. Il y a ensuite l’occasion de proposer une motion visant des mesures de réparation ou à renvoyer l’affaire au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. La question demeure, en fin de compte, entre les mains du Sénat pour une décision.

Je vais donc bientôt reconnaître la sénatrice Saint-Germain pour qu’elle propose sa motion relative à ce cas de privilège. Bien que la motion soit proposée maintenant, le débat ne commencera qu’à 20 heures, ou à la fin de l’ordre du jour, selon la première éventualité.

Au cours du débat, les dispositions de l’article 13-6 du Règlement régiront les délibérations. Tous les sénateurs, y compris les leaders et les facilitateurs, peuvent prendre la parole pour une durée maximale de 15 minutes et il n’y a pas de droit de dernière réplique. La durée maximale du débat est de trois heures, après quoi la présidence doit l’interrompre pour mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision sur la motion. Le premier jour du débat, le Sénat n’examinera pas les points inscrits au Feuilleton des préavis et dans certaines circonstances il se peut que le temps pour l’étude des affaires à l’ordre du jour soit prolongé. Le débat peut, dans la plupart des cas, être ajourné, mais si la motion est toujours à l’étude à l’heure fixée pour la clôture de la séance le premier jour, il doit se poursuivre sans ajournement de la motion ou levée de la séance.

Plus important encore que ces détails de procédure, toutefois, j’incite les collègues à agir avec respect et dignité dans le débat à venir, et dans tous nos travaux. Tous les sénateurs veulent ce qu’il y a de mieux pour notre pays. Il en va de même pour les témoins, le personnel, et toutes les personnes avec lesquelles nous sommes en contact. Nous pouvons être en désaccord profond, mais nous devons faire preuve de retenue et de respect. Le travail que nous faisons est important, mais la manière dont nous le faisons l’est tout autant. Réfléchissons à l’évolution du Sénat et à l’orientation que nous souhaitons lui donner, afin que nous puissions continuer à effectuer, ensemble, notre travail essentiel en tant que Chambre respectueuse de second examen attentif, qui renforce notre Parlement et agit dans l’intérêt de tous les Canadiens.

(1520)

[Traduction]

Motion de renvoi au Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs

L’honorable Raymonde Saint-Germain propose :

Que le cas de privilège concernant des événements reliés à la séance du 9 novembre 2023 soit renvoyé au Comité permanent de l’éthique et des conflits d’intérêts des sénateurs pour étude et rapport;

Que, sans limiter l’étude du comité, il prenne en considération, à la lumière de ce cas de privilège :

1.des mises à jour au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs;

2.les obligations des sénateurs dans l’exercice de leurs fonctions;

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, lorsque le comité traite de cette affaire :

1.le comité soit autorisé à se réunir en public s’il décide de le faire;

2.un sénateur qui n’est pas membre du comité ne soit pas autorisé à être présent à moins de le faire à titre de témoin et à l’invitation du comité.

(1530)

Son Honneur la Présidente : Je vais maintenant lire la motion qui est présentée au Sénat. Nous n’en débattrons pas pour le moment. Le débat commencera plutôt à 20 heures ou à la fin de l’ordre du jour, selon la première éventualité.

[Français]

L’honorable sénatrice Saint-Germain propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Clement :

Que le cas de privilège concernant des événements reliés à la séance du 9 novembre 2023 soit renvoyé au Comité permanent de l’éthique et des conflits d’intérêts des sénateurs pour étude et rapport;

Que, sans limiter l’étude du comité, il prenne en considération, à la lumière de ce cas de privilège :

1.des mises à jour au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs;

2.les obligations des sénateurs dans l’exercice de leurs fonctions;

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, lorsque le comité traite de cette affaire :

1.le comité soit autorisé à se réunir en public s’il décide de le faire;

2.un sénateur qui n’est pas membre du comité ne soit pas autorisé à être présent à moins de le faire à titre de témoin et à l’invitation du comité.

[Traduction]

Projet de loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois

Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis heureuse d’entamer l’étude à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-13, qui représente une étape importante dans le processus de réconciliation.

Le projet de loi ajouterait une disposition à la Loi d’interprétation pour prévoir que toutes les lois fédérales maintiennent les droits des peuples autochtones reconnus par l’article 35 de la Constitution et n’y portent pas atteinte. À quelques exceptions près, la nouvelle disposition remplacerait toutes les dispositions semblables dans les lois existantes afin d’assurer la cohérence de l’interprétation des lois et d’éviter aux peuples autochtones d’avoir à réclamer de façon ponctuelle une disposition de non-dérogation dans les mesures législatives.

Il s’agit d’une mesure que beaucoup d’organismes autochtones et de détenteurs de droits réclament depuis très longtemps. C’est le fruit de nombreuses années de démarches et d’efforts considérables, et c’est formidable d’être enfin si près du but.

Je tiens d’abord à remercier les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ainsi que les gens qui ont témoigné et qui ont présenté un mémoire, ce qui nous a permis de mener une étude approfondie et vraiment intéressante.

Comme je l’ai dit pendant l’étude article par article, j’aurais aimé que les dirigeants autochtones qui ne sont plus puissent voir le niveau et la nature de la discussion. Franchement, j’aurais aussi aimé que certains de nos prédécesseurs dans cette institution soient là.

Il y a toujours eu au Sénat des débats sur la meilleure façon d’utiliser les lois du Canada dans le but d’écarter ou d’éliminer les nations et les cultures autochtones. Il y a quelques semaines, lors de l’étude article par article, il s’agissait de déterminer dans quelle mesure et à quelle vitesse nous pourrions faire en sorte que les lois canadiennes protègent les droits des Autochtones.

Le comité s’est penché minutieusement sur diverses questions. Par exemple, en quoi consiste une véritable consultation, et comment, en tant que sénateurs, pouvons-nous favoriser le progrès tout en respectant le rôle des peuples autochtones en établissant la teneur et le rythme des changements. Ce sont des questions complexes, mais elles valent la peine qu’on les pose.

En fin de compte, le comité a décidé d’adopter le projet de loi sans amendement, conformément aux recommandations de la majorité, mais non de la totalité des témoins. De l’avis général, le projet de loi S-13 est important et attendu depuis longtemps.

Nathan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, a qualifié cette mesure de « priorité de longue date pour les Inuits » et lui a apporté son soutien inconditionnel. Cassidy Caron, présidente du Ralliement national des Métis, a dit que le projet de loi S-13 :

[...] s’inscrit dans la promesse du Canada de renouveler les relations avec la nation métisse afin qu’elles se fassent de nation à nation et de gouvernement à gouvernement et qu’elles soient fondées sur la confirmation des droits autochtones.

William Goodon, qui représentait la Fédération des Métis du Manitoba, a dit ceci :

[...] nous appuyons sans équivoque l’adoption rapide du projet de loi S-13. Nous nous réjouissons que le gouvernement du Canada ait choisi d’aller de l’avant avec cette initiative, dirigée par les Autochtones, qui s’imposait depuis longtemps.

Eva Clayton, de la Colombie-Britannique, est présidente du gouvernement Nisga’a Lisims. Voici ce qu’elle a dit :

Nous sommes très enthousiastes à l’idée que le projet de loi S-13 devienne enfin une loi. Il bénéficie du soutien sans équivoque de la nation Nisga’a, et nous félicitons le gouvernement d’avoir enfin accepté de donner suite à ce qui a été, depuis le début, une initiative menée par des Autochtones.

Ce ne sont là que quelques exemples, chers collègues. Le projet de loi a aussi reçu l’appui du gouvernement tlicho et du Conseil tribal des Gwich’in dans les Territoires du Nord-Ouest; de Nunavut Tunngavik Incorporated, ou NTI; du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et du gouvernement de la nation crie ainsi que des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik au Yukon.

Il a été question, dans beaucoup de mémoires et de témoignages, du rapport publié en 2007 par le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, qui demandait l’adoption d’une mesure législative telle que le projet de loi S-13. De manière générale, les témoins se sont dits déçus qu’il ait fallu 16 ans pour que le rapport mène à un projet de loi, mais ils étaient aussi très enthousiastes à l’idée que cette loi puisse enfin devenir réalité.

Chers collègues, ce projet de loi se fait attendre depuis longtemps, et il jouit d’un vaste appui parmi les peuples autochtones. Il me tarde de renvoyer le projet de loi à l’autre endroit le plus tôt possible. J’espère que l’étude à l’autre endroit sera aussi réfléchie et rapide que la nôtre l’a été.

Avant de terminer, je veux mentionner deux grandes préoccupations au sujet de ce projet de loi qui ont été soulevées au comité. Ni l’une ni l’autre ne devrait nous empêcher d’adopter le projet de loi, mais elles sont valables et méritent d’être examinées.

Premièrement, nous avons entendu divers témoignages sur la qualité des consultations du gouvernement. Par exemple, la Fédération métisse du Manitoba a déclaré :

Nous avons pris part à des discussions et à des consultations au sujet du libellé actuel. Nous avons indiqué au gouvernement que nous y étions favorables [...].

Eva Clayton, au nom du gouvernement Nisga’a Lisims, a déclaré que le ministère de la Justice avait entamé « un très long processus de consultation et de mobilisation[...]. »

Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) nous a fait part des échanges par écrit avec l’ancien ministre Lametti, en 2021, où les membres du conseil exprimaient leur appui aux mesures législatives contenues dans le projet de loi S-13. Cela correspond à la position du gouvernement telle qu’elle est énoncée dans le rapport intitulé Ce que nous avons entendu, publié en juin dernier. Ce rapport décrit le processus de consultation échelonné sur plusieurs années qui portait sur les détails du projet de loi, par exemple le libellé exact à utiliser et la façon de s’y prendre avec les dispositions de non‑dérogation dans les autres lois.

Cependant, chers collègues, l’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis ont tous manifesté leur insatisfaction quant à l’étendue et la qualité des consultations. La présidente du Ralliement national des Métis, Cassidy Caron, a décrit un processus qui s’appuyait trop sur la sollicitation de contributions écrites au détriment des échanges avec les ministres et les fonctionnaires.

Selon Natan Obed, le président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, « [l]e projet de loi n’a pas été élaboré conjointement avec les Inuits et n’a pas non plus fait l’objet d’une consultation ou d’une coopération avec les Inuits ».

Cheryl Casimer, de l’Assemblée des Premières Nations, a déclaré que les Premières Nations n’avaient pas donné leur « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause », ce qui est la norme établie par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

C’était une illustration assez frappante des différentes façons d’envisager ce qui constitue une consultation, quel est le niveau de consultation adéquat, mais aussi quelles sont les distinctions à faire entre la sollicitation de renseignements, la consultation et l’élaboration conjointe d’un projet de loi.

Honnêtement, j’ai eu l’impression que les représentants du gouvernement étaient sincèrement surpris par les critiques formulées à l’encontre d’un processus de consultation qu’ils semblaient considérer comme très rigoureux, et je suis repartie avec le sentiment que le gouvernement et les organisations autochtones pourraient vraiment bénéficier d’une discussion plus approfondie sur ce que devrait être une consultation. J’espère que cela se fera dans le cadre du plan d’action en cours pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. D’ailleurs, c’est probablement un domaine où le Sénat pourrait apporter une contribution utile.

Soyons clairs, la plupart des témoins qui ont critiqué le processus de consultation soutiennent toujours le projet de loi S-13 et souhaitent qu’il soit adopté le plus rapidement possible.

Parmi les principales critiques, on soutient que le projet de loi ne va pas assez loin. Le projet de loi S-13 ajoute des dispositions à la Loi d’interprétation pour protéger les droits des peuples autochtones garantis par l’article 35 de la Loi constitutionnelle, mais certains témoins voulaient d’autres dispositions pour préciser que toutes les lois du Canada devraient se conformer à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. C’est la position qui a été défendue notamment par l’Association du Barreau autochtone, l’Association des femmes autochtones du Canada et l’Assemblée des Premières Nations.

(1540)

La discussion au comité a porté en grande partie sur cette question. Le sénateur Prosper a proposé d’ajouter ce genre de dispositions au projet de loi.

D’ailleurs, j’ai dit, plus tôt, que nous avons débattu de questions sérieuses au comité. Une grande partie de ce débat portait sur l’amendement du sénateur Prosper, alors je tiens vraiment à le remercier d’avoir lancé une conversation aussi importante en faisant cette proposition.

Comme je l’ai dit pendant cette conversation, je suis, bien entendu, très favorable à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. J’ai parrainé l’ancien projet de loi C-15, qui visait à mettre en place la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et je tiens assurément à ce que les lois et les politiques canadiennes s’y conforment. Dans le cas qui nous occupe, ce qui pose problème, c’est qu’à l’heure actuelle, la plupart des organisations autochtones qui ont témoigné ne sont pas prêtes à appuyer l’inclusion de cette déclaration dans ce projet de loi.

L’Inuit Tapiriit Kanatami, le Ralliement national des Métis, la Fédération métisse du Manitoba, la Nunavut Tunngavik Incorporated, le gouvernement Nisga’a Lisims et le gouvernement tlicho nous ont dit à répétition qu’ils souhaitent qu’on leur laisse le temps d’analyser cette idée. Ils veulent étudier les différentes façons possibles de rédiger une disposition, choisir une formulation précise et être certains d’en comprendre les implications plus larges. Plusieurs de ces organisations ont également manifesté le besoin de consulter leurs membres afin que ces derniers leur confèrent le mandat d’appuyer l’ajout de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Tout cela est faisable. Ce sont de bonnes idées. Je comprends la frustration de certains témoins et sénateurs qui aimeraient saisir l’occasion et faire cet ajout maintenant. Toutefois, en fin de compte, le facteur déterminant à mon avis, c’est que si nous accordons de l’importance à la consultation et si nous voulons que les Autochtones approuvent les modifications législatives majeures qui les concernent, je crois que nous devons, en tant que sénateurs, faire de notre mieux pour écouter lorsqu’un si grand nombre de dirigeants autochtones nous demandent d’attendre qu’ils soient prêts et que les gens qu’ils représentent soient prêts.

Entre-temps, le message de la plupart des témoins a été clair et net : le projet de loi S-13 constituera un progrès important et devrait être adopté sans délai. Comme nous l’a dit Marie Belleau, conseillère juridique directrice de la Nunavut Tunngavik Incorporated, c’est « [...] le fruit d’années de travail de rédaction [...] ». C’est aussi le fruit de démarches qui remontent à plusieurs dizaines d’années. Le projet de loi s’appuie également sur les travaux du Sénat, notamment sur l’étude du comité en 2007 et sur une version antérieure de ce projet de loi parrainée par l’ancien sénateur Charlie Watt. Il est enthousiasmant de pouvoir enfin transformer en loi toutes ces années de dur labeur.

J’espère que nous adopterons ce projet de loi le plus rapidement possible et que nos collègues de l’autre endroit feront de même.

Merci. Hiy hiy.

L’honorable Paul J. Prosper : Honorables sénateurs, je prends la parole pour la première fois dans cette enceinte...

Le sénateur D. Patterson : Bravo!

Des voix : Bravo!

Le sénateur Prosper : Je prends la parole au sujet du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Comme il s’agit de mon premier discours, je vais aussi raconter trois histoires liées à l’objectif du projet de loi, que l’on pense à sa version actuelle ou, plus important encore, aux améliorations qui pourraient y être apportées.

La première histoire commence par une citation d’une lettre d’un aîné mi’kmaq. La voici :

Je ne peux pas traverser le Grand lac pour vous parler parce que mon canoë est trop petit et que je suis vieux et faible. Je ne peux pas vous voir, mes yeux ne voient pas aussi loin. Vous ne pouvez pas entendre ma voix à travers les grandes eaux. J’envoie donc ce wampum et ces mots sur papier pour dire à la reine que je suis en difficulté. Mon peuple est en difficulté.

J’ai vu plus de mille lunes. Quand j’étais jeune, je vivais dans l’abondance; maintenant, je suis vieux et je suis également pauvre et malade. Mon peuple est pauvre. Sans terrains de chasse, sans castors, sans loutres, privé de tout. Les Indiens sont pauvres, pauvres pour toujours, sans magasins, sans coffres, sans vêtements. Et tous ces bois étaient nôtres jadis. Chacun d’entre eux appartenait à nos pères. Maintenant, nous ne pouvons pas couper un arbre pour chauffer notre wigwam en hiver à moins que l’Homme blanc ne l’approuve.

[...] nous comptons sur vous, la Reine. Le wampum blanc signifie l’espoir que nous plaçons en vous. Ayez pitié de vos pauvres Indiens de Nouvelle-Écosse!

Ces mots du grand chef Pemmeenauweet — également connu sous le nom de Louis-Benjamin Peminuit Paul, un Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse — dans sa requête adressée à la reine Victoria en 1841, exposent de manière dramatique et poétique le contexte dans lequel s’inscrit la défense présentée dans cette affaire.

Honorables sénateurs, il s’agit là des deux premiers paragraphes de l’arrêt Marshall concernant l’exploitation forestière. J’étais avocat adjoint dans cette affaire. Je me souviens encore des visages des personnes présentes lorsque le juge a lu sa décision le 8 mars 2001. L’existence et le destin d’un peuple, d’une nation, étaient déterminés par une décision de 36 pages et de 144 paragraphes. À ce moment-là, j’avais l’impression que l’histoire et l’avenir des Mi’kmaqs reposaient entre mes mains, et que je les avais laissés tomber.

Ce souvenir est resté gravé dans ma mémoire. Je ne le considère pas comme un fardeau, mais comme une incitation à en faire plus, car c’est ce que mérite notre peuple.

Si nous adoptons le projet de loi S-13 sans amendement, il permettra d’améliorer l’interprétation de la loi en ce qui concerne les droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Pour ce faire, il ajoutera une disposition de non-dérogation à la Loi d’interprétation. Cette disposition prévoit que tous les textes législatifs fédéraux maintiennent les droits des peuples autochtones prévus à l’article 35, et n’y portent pas atteinte.

Elle rendra inutiles l’inclusion de dispositions de non-dérogation dans les futures lois fédérales, et elle les supprimera des lois fédérales existantes, à quelques exceptions près.

Je tiens à saluer les efforts que la sénatrice Jaffer déploie depuis le tout début pour promouvoir ce projet de loi.

Au comité, de nombreux témoignages ont porté sur l’inclusion de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le projet de loi S-13. L’article 4 de cette loi confirme que la déclaration constitue un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien, et que la loi en question encadre la mise en œuvre de la déclaration par le gouvernement du Canada.

L’article 5 de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones prévoit ce qui suit :

Le gouvernement du Canada, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration.

L’article 2 du Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, intitulé « Priorités partagées », propose ce qui suit :

Cerner et classer par ordre de priorité les lois fédérales existantes en vue d’une révision et d’une éventuelle modification, notamment :

une clause dérogatoire dans la Loi d’interprétation [...]

 — et l’inclusion d’une disposition interprétative qui prévoirait l’utilisation de la déclaration dans l’interprétation des lois fédérales.

Que signifie, en réalité, l’inclusion de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le projet de loi S-13?

La professeure Naiomi Metallic a donné la réponse suivante :

S’il y a deux interprétations potentielles d’une loi qui sont soit incompatibles, soit plus ou moins conformes à l’article 35 ou à la Déclaration des Nations unies, on choisit celle qui est la plus conforme à ces instruments.

Il est important de souligner que l’inclusion de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le projet de loi S-13 concerne l’interprétation de la loi et non le fait de légiférer.

Les témoignages étaient partagés quant à l’appui de l’amendement. En général, les raisons invoquées pour rejeter l’amendement sont le manque de consultation et la crainte qu’une nouvelle consultation sur la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ne retarde inutilement et n’empêche l’adoption du projet de loi S-13.

Il s’agissait essentiellement de questions de procédure et non de commentaires sur le fond de l’amendement.

(1550)

Les raisons en faveur de l’amendement sont les suivantes : il faut plus de clarté dans l’élaboration des lois et l’application de celles-ci aux peuples autochtones; il faut tenir compte des vastes consultations qui ont été menées auprès des peuples autochtones sur le projet de loi C-15 et le plan d’action; la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et son plan d’action prévoient harmoniser les lois fédérales à la déclaration en l’incluant comme disposition interprétative de tous les autres textes législatifs fédéraux en tant que disposition de non-dérogation dans la Loi d’interprétation; et les consultations ne doivent pas entraver ce qui est évident, juridiquement juste et raisonnable.

Je me souviens du discours sur l’honneur de la Couronne que le sénateur Arnot a prononcé au Sénat. J’établis de nombreux parallèles avec le fait que les gouvernements comptent sur le besoin de mener d’autres consultations sur le sujet.

Ma deuxième histoire concerne deux affaires judiciaires qui touchent ma communauté, la nation mi’kmaq Paqtnkek. En mars 1990, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a acquitté Tom Sylliboy, un membre de la communauté Paqtnkek, et deux autres Mi’kmaqs dans l’affaire R. c. Denny et al. Deux mois plus tard, la Cour suprême du Canada s’est largement appuyée sur l’arrêt Denny dans l’affaire R. c. Sparrow.

En août 1993, Donald Marshall fils a été accusé d’avoir pêché et vendu des anguilles à Pomquet Harbour, en Nouvelle-Écosse. Il a été accusé sur les terres de la réserve de Paqtnkek à un endroit que nous appelons « Walneg », ce qui signifie « l’anse » en Mi’kmaq. La Cour suprême du Canada a acquitté Donald Marshall le 17 septembre 1999.

À la suite des arrêts Sparrow et Marshall, le gouvernement a conclu des accords de pêche négociés avec de nombreuses collectivités Mi’kmaq et autochtones. Paqtnkek a refusé de signer les accords basés sur les arrêts Sparrow et Marshall, étant donné l’absence d’un mandat gouvernemental.

Depuis 1990, les négociateurs fédéraux se sont conformés à des mandats et à des directives stricts du cabinet leur demandant d’entreprendre des négociations sans reconnaissance. Cette approche est très simple. Ils arrivent à la table de négociation avec un modèle d’entente. Ils disent qu’ils n’ont ni le mandat ni le pouvoir de parler des droits prévus à l’article 35 et présentent simplement un montant d’argent et un accès à la pêche dont ils veulent discuter et qu’ils veulent offrir à la collectivité.

Comme l’a déjà dit le ministre de la Justice de l’époque, David Lametti, la Loi sur la Déclaration des Nations Unies permettra de donner vie aux droits prévus à l’article 35.

Cheryl Casimer, de l’Assemblée des Premières Nations, a déclaré ceci :

[...] le libellé proposé dans le projet de loi S-13 ne respecte pas les normes de la [Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones]. C’est pourquoi nous considérons que le projet de loi S-13 est lacunaire.

Sara Niman, de l’Association des femmes autochtones du Canada, a déclaré ceci :

Le manque de consultation n’est pas une explication pertinente de l’absence de la [Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones] dans la [disposition de non‑dérogation] proposée.

Naiomi Metallic a dit ceci :

L’article 35 s’inspire de la Déclaration des Nations unies, et il est vraiment important de reconnaître qu’ils vont de pair pour progresser en matière de réconciliation.

Puis, elle a ajouté :

En stipulant clairement dans la Loi d’interprétation que les lois et règlements fédéraux doivent être interprétés conformément et à l’article 35 et à la Déclaration des Nations unies, le Canada peut réellement tenir sa promesse.

Laurie Sargent, sous-ministre adjointe au ministère de la Justice du Canada, a mentionné que des discussions parallèles ont eu lieu au sujet de la disposition de non-dérogation et du plan d’action de 2021 à 2023 et que son ministère était au courant de la demande d’inclure la Déclaration des Nations unies à la Loi d’interprétation. Cependant, aucun libellé précis n’a été soumis aux représentants des Premières Nations. Le témoignage de Mme Sargent semblait attribuer en grande partie aux groupes autochtones la responsabilité de soulever la question dans le cadre de leurs discussions, plutôt que de la proposer comme un sujet de discussion.

Mme Metallic a indiqué ceci :

La déclaration devrait suffire à elle seule pour atteindre cet objectif, tout comme l’article 35 de la Loi constitutionnelle devrait suffire à garantir le respect des droits ancestraux et issus de traités. Toutefois, le déni systémique des droits des peuples autochtones exige d’en faire plus. S’il vous plaît, faites-en plus.

Chers collègues, j’aimerais vous faire part de ma troisième histoire, pour vous rendre hommage. Nous faisons tous partie de ce grand mystère qu’on appelle « la vie ». Quand mon peuple prie, voici les premières paroles qui sont prononcées :

Niskum, Gisult, Grand Esprit, merci pour cette journée, cette vie, ce souffle. Merci pour tout ce que tu nous donnes.

À la fin de notre prière, nous disons Umsit-nogomah, ce qui signifie « toutes mes relations ». On reconnaît ainsi notre lien avec l’énergie que nous partageons avec tous les organismes vivants. On désigne par l’« Esprit » notre relation avec l’énergie qui nous entoure.

Chers collègues, j’aimerais conclure en vous offrant une bénédiction dans l’esprit des Fêtes. Cette bénédiction vient d’une vision que j’ai reçue pendant plusieurs années. Chers collègues, je vous demande de vous détendre, de fermer les yeux et d’imaginer que vous êtes assis autour du feu du grand conseil. Une aînée est assise en face de vous. Elle a les yeux sombres. Elle vous regarde et dit : « Vous êtes une étincelle qui vient d’une grande source, et vous portez cette lumière en vous. Vous la portez dans votre cœur. Vous la portez avec vos pensées, vos paroles et vos actions. »

Elle fait ensuite une pause et vous dit : « Faites briller votre lumière. »

Wela’lioq. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada

Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moodie, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-35, Loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada.

Comme les sénateurs le savent sans doute, dans ce dossier, le gouvernement fédéral a conclu avec toutes les provinces et tous les territoires des ententes qui s’appliqueront jusqu’au 31 mars 2026. Le projet de loi C-35 vise à établir les paramètres des futures ententes sur l’éducation préscolaire et les services de garde, entre le gouvernement fédéral et les diverses administrations provinciales et territoriales, en inscrivant dans la loi le financement et les principes directeurs des services d’éducation préscolaire et des services de garde au Canada.

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel je siège, a été chargé d’étudier ce projet de loi. Nous avons consacré 12 heures à entendre une diversité de témoins, notamment des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux, des chercheurs et des parties prenantes, entre autres de la communauté des personnes handicapées, des représentants des communautés de langues officielles et des dirigeants autochtones.

Mes observations porteront principalement sur trois questions soulevées dans le cadre de notre étude du projet de loi. Premièrement, l’absence de définition des concepts d’éducation préscolaire et de services de garde; deuxièmement, le manque de cohérence en ce qui concerne les groupes minoritaires de langue officielle; et, troisièmement, la nécessité d’inclure davantage d’exigences en matière de données.

(1600)

Le comité a questionné la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jenna Sudds, au sujet du fait que le terme « apprentissage et garde des jeunes enfants » n’est pas défini dans le projet de loi C-35. En effet, le gouvernement n’y indique pas ce qu’il entend par ce terme. Pour justifier ce choix, il soutient qu’on disposera ainsi de plus de souplesse pour adapter les ententes à chaque province et qu’il préfère ne pas se montrer prescriptif dans la mesure législative.

Par contre, de nombreux témoins ont dit trouver préoccupant que le projet de loi C-35 ne définisse pas clairement ce qu’on entend par « apprentissage et garde des jeunes enfants ». Sans arriver à un consensus autour d’une définition possible, la plupart des témoins s’entendaient sur les éléments nécessaires. Premièrement, la définition devrait concorder avec la Classification internationale type de l’éducation de l’UNESCO. Deuxièmement, elle devrait inclure les termes « agréés et réglementés », qui figurent déjà dans les accords en vigueur. Troisièmement, la définition devrait être inclusive, de manière à englober le mieux possible le contexte de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants d’un océan à l’autre.

Comme l’a dit Taya Whitehead, de la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance :

Une définition bien formulée pourrait jouer un rôle important dans le soutien et la protection des programmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’avenir.

Chers collègues, il me serait impossible de dire quelle serait la meilleure façon de définir l’apprentissage et la garde des jeunes enfants dans le projet de loi C-35. Étant donné les témoignages que nous avons entendus en comité, je dois toutefois me ranger à l’avis des experts : l’ajout, dans le projet de loi, d’une définition du terme « apprentissage et garde des jeunes enfants » pourrait à la fois éliminer toute ambiguïté et offrir la souplesse dont tous ont besoin.

En ce qui concerne l’incohérence au sujet des langues officielles minoritaires dans le projet de loi, au cours de l’étude article par article, le comité a examiné une série d’amendements concernant les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le Comité des ressources humaines de l’autre endroit a accepté d’amender l’article 7 en ajoutant un engagement de financement pour les langues officielles. Cet amendement visait simplement à déclarer que les accords de financement doivent se fonder sur les engagements énoncés dans la Loi sur les langues officielles.

François Larocque, professeur, chercheur et avocat travaillant dans le domaine des droits linguistiques, a informé le Comité des affaires sociales de la nécessité d’amender également l’article 8 du projet de loi. L’amendement qu’il a proposé protégerait le financement à long terme des programmes et des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au pays.

Chers collègues, en tant que membre de la minorité anglophone du Québec, je suis très bien placée pour comprendre l’importance de l’amendement à l’article 8 afin de garantir un financement à long terme. Depuis la création de la Loi sur les langues officielles au Canada, les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont prises dans une boucle sans fin où elles doivent recourir aux tribunaux pour faire valoir leurs droits. Les communautés de langue officielle en situation minoritaire ont besoin de notre aide en tant que législateurs pour que nous veillions à ce que le gouvernement fédéral donne suite à ses engagements et à ses obligations et à ce qu’il y ait une référence explicite dans la loi lorsqu’elles plaident leur cause devant les tribunaux.

Le professeur Larocque a déclaré ceci au Comité des affaires sociales :

[…] si l’article 8 ne mentionne pas explicitement les programmes destinés aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, il est plus que vraisemblable qu’un tribunal conclurait que le gouvernement n’est pas obligé de leur garantir un financement à long terme.

Malgré cela, le gouvernement n’a pas inclus cette mention dans l’article 8, et le Comité des affaires sociales n’a pas reçu d’amendement pour en insérer une.

On a également avisé le Comité des affaires sociales d’une autre incohérence dans la mesure législative. L’article 7(1)c) du projet de loi fait explicitement référence aux « minorités linguistiques francophones et anglophones » alors que l’article 11(1) fait référence aux « communautés de langue officielle en situation minoritaire ». Cette incohérence aurait pu être corrigée si le gouvernement s’était montré plus ouvert aux amendements.

En ce qui concerne la nécessité de disposer de davantage de données, les témoins qui ont comparu devant le Comité des affaires sociales ont été clairs : pour mettre en œuvre une politique sociale nationale comme celle qui vise l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada, il est essentiel de disposer de données solides. On a informé le comité de l’importance de recueillir des données afin de comprendre l’impact et l’efficacité de ces investissements.

Lors de la réunion du comité du 16 octobre, la ministre a confirmé que Statistique Canada avait récemment lancé une nouvelle enquête qui fournirait des renseignements dans différents domaines. La ministre a également mentionné que les accords actuels prévoient déjà des exigences en matière de rapports.

Cependant, nous avons également entendu des témoins qui étaient préoccupés par le fait que les provinces ne transmettaient pas les données comme prévu. Le professeur Gordon Cleveland, président du Groupe d’experts fédéral sur les données et la recherche sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants du Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, nous a dit : « […] le problème, c’est que bon nombre de provinces et de territoires n’ont pas la capacité » de recueillir des données robustes.

[ou ils] n’ont pas rangé cette activité dans leurs priorités. Les rapports qu’ils produisent ne sont pas conformes à ce que prévoyaient les accords. Ils ne fournissent pas d’informations en temps opportun comme nous nous y attendions, et lorsqu’ils le font, il y a des problèmes majeurs de comparabilité.

Martha Friendly, fondatrice et directrice générale de Childcare Resource and Research Unit, ou CRRU, a dit au comité :

Le CRRU recueille et rend certaines formes de données aussi comparables que possible entre les provinces [...] Mais ce n’est pas une stratégie statistique [...]

Elle a également déclaré: « Nous avons besoin d’une stratégie statistique qui nous permette de recueillir officiellement certains types de données. »

On nous a dit aussi qu’un manque de données complique la défense des droits des enfants de groupes méritant l’équité. Krista Carr d’Inclusion Canada a dit au comité :

Du côté des groupes de personnes handicapées, il est très difficile d’obtenir des données exactes et à jour, surtout à propos de l’inclusion des enfants handicapés, peu importe si c’est à l’école ou dans les systèmes d’apprentissage et de garde de jeunes enfants.

Ces renseignements sont extrêmement importants pour défendre nos arguments à l’égard des politiques ou des mesures législatives, car toutes les instances gouvernementales provinciales, territoriales ou fédérales demandent ces données.

Les témoignages que nous avons entendus de la part d’experts concernant l’absence de mécanismes de cueillette de données dans le projet de loi confirment mes préoccupations. Comment pouvons‑nous investir correctement et à long terme dans un système canadien d’éducation préscolaire et de garde des jeunes enfants si nous n’avons pas de données pour orienter les investissements futurs? Il est inconcevable de lancer un projet aussi important sans avoir des données de base pour guider les ententes futures.

En tant que fière Québécoise, je suis consciente des avantages que présentent des services de garde abordables et accessibles pour les mères et les familles. Le Québec s’est doté d’un programme universel financé par le gouvernement il y a plus de 25 ans. Le taux de participation au marché du travail des mères d’enfants âgés de 3 à 5 ans est passé de 67 % en 1998, lors du lancement du programme, à 82 % en 2014. De plus, une étude de Statistique Canada menée en 2018 a confirmé les avantages de ce régime pour les Québécoises au sein de la population active :

Par rapport à l’Ontario, la récente augmentation du taux d’activité des femmes au Québec est survenue essentiellement chez les femmes pour lesquelles les services de garde d’enfants d’âge préscolaire et de garde d’enfants avant et après l’école sont les plus pertinents, c’est-à-dire celles ayant de jeunes enfants. Au Québec, l’activité sur le marché du travail des femmes dont le plus jeune enfant était âgé de moins de 13 ans et qui n’avaient pas de diplôme universitaire s’est également accrue, ce qui laisse entendre que les politiques familiales de la province font en sorte qu’il est économiquement avantageux pour celles qui gagneraient probablement un salaire moins élevé d’entrer sur le marché du travail et d’y rester.

Selon l’économiste Pierre Fortin de l’Université du Québec à Montréal, en 2008, l’accès universel à des garderies à frais modiques a permis à près de 70 000 mères de plus d’occuper un emploi que si un tel programme n’avait pas existé; le PIB du Québec a augmenté d’environ 5 milliards de dollars en conséquence; et le rendement des transferts d’impôt que les gouvernements fédéral et québécois obtiennent grâce au programme dépasse largement son coût.

Chers collègues, nous convenons de l’importance d’avoir des garderies de qualité qui sont abordables et accessibles pour tous les Canadiens, mais nous avons besoin de définir plus clairement les services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants et de faire preuve d’un meilleur leadership pour appliquer une stratégie nationale de collecte de données. Les Canadiens ont besoin d’aide pour accéder à des garderies abordables et de qualité. Nous manquons de places, il y a des listes d’attente partout au Canada et nous avons besoin d’un plus grand nombre d’éducateurs de la petite enfance qualifiés. Espérons que les investissements fédéraux aideront les familles canadiennes. Toutefois, sans données appropriées, il sera difficile d’évaluer les répercussions de l’investissement et d’adapter les futurs accords aux défis auxquels sont confrontés les Canadiens.

(1610)

Merci.

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Moodie, avez-vous une question?

L’honorable Rosemary Moodie : Sénatrice Seidman, je voudrais simplement vous poser une question au sujet du point que vous avez soulevé au sujet de la définition. Je sais qu’au comité, la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance a été l’un des principaux groupes à soulever ce point. Récemment, soit au cours des trois ou quatre derniers jours, nous avons tous reçu une lettre de la part de la part de 20 parties prenantes clés dans ce domaine, dont la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance. Dans cette lettre, elles retirent toute demande de changement à la définition.

Qu’avez-vous à dire au sujet du fait que ces parties prenantes étaient déterminées, mais que maintenant elles se rétractent?

La sénatrice Seidman : Comme je l’ai dit dans la première partie de mon discours, en tant que fière Québécoise, je comprends les avantages associés au fait de bénéficier de services de garde abordables et accessibles. C’est vraiment le cas. Je l’ai constaté dans ma province. Je comprends donc le sentiment d’urgence qui habite des parties prenantes ailleurs au pays.

L’honorable Ratna Omidvar : La sénatrice Seidman accepte-t-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Seidman : Bien entendu.

La sénatrice Omidvar : Sénatrice Seidman, votre plaidoyer en faveur des données probantes s’avère constant pour tous les textes législatifs que nous étudions. Je pense que c’est vraiment important et je vous en félicite.

Cette mesure législative prévoit une stratégie en matière de données, mais elle ne dispose d’aucun moyen — d’aucun levier — pour la mettre en œuvre, car la stratégie est entre les mains des gouvernements provinciaux. Devons-nous en conclure que nous allons errer en terrain inconnu ou avons-nous des instruments que nous pouvons utiliser pour obtenir les données des provinces d’une manière cohérente et standardisée? Ou suis-je en train de poser l’éternelle question canadienne?

La sénatrice Seidman : C’est l’éternelle question canadienne. Les questions de compétence sont en cause. On le constate dans le domaine des soins de santé et on le voit tout le temps au sein du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, en particulier. Nous étudions de nombreux textes législatifs relatifs aux soins de santé et à la politique sociale et, inévitablement, nous nous retrouvons dans un bourbier de compétences.

Il m’est arrivé à plusieurs reprises de prendre la parole dans cette enceinte pour demander des données durant la pandémie, et nous avons eu de sérieuses difficultés à obtenir des données cohérentes et homogènes de la part des provinces, parce qu’elles ne recueillent pas le même type de données et, par ailleurs, elles ont pour principe de ne pas divulguer toutes les données qu’elles recueillent.

C’est un véritable défi, j’en conviens. Je pense que mon temps de parole est écoulé.

[Français]

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

Je tiens à souligner que les terres à partir desquelles je m’adresse à vous font partie du territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Je remercie la marraine du projet de loi, la sénatrice Moodie, et mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie d’avoir étudié ce projet de loi avec la plus grande considération.

En bref, le projet de loi C-35 vise à enchâsser dans un cadre législatif l’engagement financier du gouvernement envers les systèmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants au Canada.

Il importe de mentionner, chers collègues, que, dans sa version initiale à l’étape de la première lecture à l’autre endroit, ce projet de loi n’assurait aucune prise en considération des communautés de langue officielle en situation minoritaire. En conséquence, certains ajouts ont été effectués sur le plan des principes directeurs à l’article 7 et du Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’article 11 lors de l’étude article par article.

Je tiens à préciser que, lors de son étude à l’autre endroit, l’article 8 n’a pas fait l’objet d’un examen rigoureux afin d’en assurer la cohérence avec les ajouts visant les communautés de langue officielle en situation minoritaire, les CLOSM. Rappelons que l’article 8 est au cœur de ce projet de loi et qu’il codifie l’engagement financier à long terme du gouvernement fédéral.

Considérant ce qui précède, l’étude du projet de loi dans sa forme actuelle par le Comité des affaires sociales a révélé d’importants écueils quant à la terminologie utilisée et au manque de cohérence et de précision eu égard aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.

[Traduction]

Chers collègues, comme l’a mentionné la sénatrice Seidman, il y a une incohérence dans la terminologie du projet de loi. L’alinéa 7(1)c) fait référence aux « […] minorités linguistiques francophones et anglophones […] », tandis que le paragraphe 11(1) fait référence aux « […] communautés de langue officielle en situation minoritaire […] ».

Par ailleurs, des organismes et des experts des communautés de langue officielle en situation minoritaire ont exprimé, lors de l’étude en comité, de sérieuses préoccupations quant au manque d’engagement financier à long terme envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8.

En outre, les témoins qui ont comparu devant le comité ont démontré un lien de causalité clair entre la mise en œuvre de l’engagement financier prévu à l’article 8 et la vitalité des garderies dans les communautés linguistiques en situation minoritaire. Permettez-moi de rappeler la situation du fait français au Canada et de décrire la réalité des garderies en milieu linguistique minoritaire.

Comme vous le savez peut-être, chers collègues, il a été reconnu maintes fois lors de l’étude du projet de loi C-13, qui a modernisé la Loi sur les langues officielles, que le français est en déclin au Canada. C’est un fait incontestable, une réalité incontournable dont nous devons tenir compte dans tout notre travail de législateur.

Vous ne serez pas surpris d’apprendre que l’apprentissage de la langue minoritaire — le français à l’extérieur du Québec et l’anglais au Québec — dès le plus jeune âge est essentiel au maintien de nos deux langues officielles et à la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Il est évident qu’un jeune né dans une famille où le français est la première langue parlée et qui fréquente par la suite une garderie francophone a beaucoup plus de chances de poursuivre ses études primaires, secondaires et postsecondaires en français. Cependant, chers collègues, ce jeune doit d’abord avoir accès à des garderies francophones.

[Français]

Par ailleurs, faut-il ajouter qu’il a été prouvé que l’apprentissage et le développement d’un français de haute qualité à l’étape préscolaire ont une incidence directe sur les compétences académiques ultérieures d’un jeune qui poursuivra ses études dans un milieu scolaire francophone?

[Traduction]

Bien qu’imparfait, le cadre législatif fédéral actuel fournit des outils pour protéger la continuité et la qualité des services d’éducation qui sont offerts aux minorités linguistiques afin d’assurer leur développement et leur épanouissement, ce qui est appelé le « continuum ».

Comme la sénatrice Moncion nous l’a rappelé dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits à l’instruction dans la langue de la minorité, et l’accès à des services de garde dans la langue de la minorité est essentiel à la mise en œuvre de ces droits prévus dans la Charte.

De plus, comme l’indique la Loi sur les langues officielles :

Le gouvernement fédéral s’engage à renforcer les possibilités pour les minorités francophones et anglophones de faire des apprentissages de qualité, en contexte formel, non formel ou informel, dans leur propre langue tout au long de leur vie, notamment depuis la petite enfance jusqu’aux études postsecondaires.

Étant donné la réalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire, le risque de compromettre l’accès à des services de garde dans la langue de la minorité et le cadre législatif existant qui reconnaît ce fait en établissant les droits à l’éducation dans la langue de la minorité et les engagements du gouvernement, nous pouvions espérer un projet de loi clair et robuste qui refléterait tout cela. Cependant, je dois dire avec respect que ce n’est pas le cas avec le projet de loi C-35.

[Français]

Dans la structure du projet de loi C-35, l’article 7 énonce des principes directeurs guidant les investissements fédéraux ayant trait à l’établissement et au maintien d’un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du pays.

Pour sa part, l’article 8 comporte un engagement financier contraignant et constitue, par le fait même, le cœur du projet de loi C-35. Autrement dit, c’est l’élément concret de mise en œuvre du continuum en éducation pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Voilà pourquoi je nous interpelle tous à ce sujet aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture.

Dans sa forme actuelle, la première phrase de l’article 8 énonce ce qui suit, et je cite :

Le gouvernement du Canada s’engage à maintenir le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, notamment ceux destinés aux peuples autochtones.

La deuxième phrase de cet article prévoit ce qui suit, et je cite :

Ce financement doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec les gouvernements provinciaux, les corps dirigeants autochtones et autres entités autochtones [...]

Textuellement, cet article semble viser deux objectifs précis. Il précise à la fois l’engagement financier à long terme du gouvernement fédéral et le mécanisme par lequel il accordera ce financement.

Considérant l’importance de bien soutenir le continuum en éducation, il va sans dire que la mise en œuvre de l’article 8 aura un impact considérable sur la vitalité des CLOSM.  Me Michel Bastarache, ancien juge à la Cour suprême du Canada et sommité en matière de droits linguistiques, a affirmé ce qui suit dans un message envoyé au Comité des affaires sociales, et je cite :

À l’article 8, il me semble que l’intention est de garantir un financement continu pour les groupes faisant face à l’assimilation, les Autochtones et les francophones hors Québec.

(1620)

Chers collègues, l’article 8 demeure cependant muet quant à l’engagement du gouvernement fédéral envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

[Traduction]

En comité, on nous a dit que l’article 8, sous sa forme actuelle, pourrait donner l’impression à un juge qui entend une affaire que son silence par rapport aux communautés de langue officielle en situation minoritaire constitue un choix intentionnel délibéré de la part du législateur. Autrement dit, il donne l’impression que le législateur voulait implicitement exclure les communautés de langue officielle en situation minoritaire de la portée de l’article 8, puisqu’elles sont explicitement incluses ailleurs dans le projet de loi, notamment à l’article 7.

Ce principe d’exclusion implicite est appuyé par des travaux réalisés par la distinguée professeure Ruth Sullivan. En bref, on nous a expliqué que les principes de l’interprétation des lois, de même que la jurisprudence de la Cour suprême du Canada en matière de droits linguistiques — notamment dans l’affaire Caron c. Alberta — laissent croire que le projet de loi doit être clair et explicite si l’on veut que les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire soient dûment respectés.

Chers collègues, par le passé, des ambiguïtés dans les lois ont entraîné bien des préjudices pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, et trop souvent, ce sont elles qui ont dû assumer le fardeau de défendre leurs droits devant les tribunaux. Un article 8 qui énonce explicitement l’engagement du gouvernement fédéral envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire éviterait essentiellement aux organismes de défense de ces communautés de devoir assumer le fardeau de tout litige éventuel dans le but de faire reconnaître leurs droits.

J’aimerais remercier la sénatrice Moodie d’avoir déclaré officiellement que l’article 8 inclut implicitement une garantie de financement pour les garderies destinées aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, mais cette déclaration n’est pas juridiquement contraignante.

[Français]

Lors de l’étude article par article du projet de loi au comité, j’ai présenté un amendement visant à ajouter les termes « communauté de langue officielle en situation minoritaire » à la première phrase de l’article 8, après les mots « notamment ceux destinés aux peuples autochtones ». Cet amendement visait à corriger l’absence de mention explicite des CLOSM, précisant ainsi l’intention du législateur à ce que le gouvernement fédéral s’engage notamment à maintenir le financement à long terme destiné à ces communautés linguistiques. Cet amendement a, malheureusement, été rejeté au comité.

Je réitère qu’un tel ajout n’aurait pas créé un nouveau mécanisme de négociation obligeant le gouvernement fédéral à négocier directement avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Une telle interprétation repose sur des témoignages d’experts entendus par le comité.

Selon le professeur François Larocque, avocat-conseil chez Juristes Power, et je cite :

L’article 8 spécifie que le financement est transmis dans le cadre d’ententes entre le fédéral, les provinces et territoires, et pas directement aux communautés, et ce n’est pas ce qui est demandé et reflété dans l’amendement suggéré.

Afin de préciser clairement cette intention de ne pas créer de nouveau mécanisme de financement avec les CLOSM, mon amendement scindait d’ailleurs l’article 8 en deux paragraphes distincts.

[Traduction]

Chers collègues, comme nous l’avons entendu au comité, il y a consensus entre les communautés anglophones au Québec et les communautés francophones hors Québec quant au caractère essentiel de l’amendement à l’article 8 qui a été rejeté. Ces communautés considèrent toutes que l’article 8 manque de clarté et que l’engagement du gouvernement fédéral envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire doit être précisé.

[Français]

Le commissaire aux langues officielles du Canada, un mandataire indépendant du Parlement, affirme que si un financement adéquat n’est pas accordé aux CLOSM dans le contexte du plan d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, les capacités du secteur de la petite enfance dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire continueront d’être compromises. Il est aussi d’avis que l’article 8 doit être modifié afin d’inclure explicitement les CLOSM. 

Manifestement, le gouvernement ne partage pas nos préoccupations quant aux effets potentiels de l’omission d’une référence explicite aux CLOSM à l’article 8, même s’il se dit le champion des langues officielles, notamment dans le cadre du processus de modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Lors de l’étude article par article du projet de loi au comité, nous avons entendu, de la part des représentants du gouvernement, des propos peu nuancés quant au bien-fondé de mon amendement sollicité à l’article 8. Je vais donner des précisions.

Ces représentants ont affirmé que l’inclusion explicite des provinces et des peuples autochtones à l’article 8 est un choix délibéré, car ils sont responsables de la conception et de la prestation des programmes et des services de garde d’enfants. En d’autres mots, selon leurs propos, l’article 8 ne concernerait que le mécanisme financier par lequel le gouvernement fédéral accorde des fonds aux partenaires qui sont responsables de la conception et de la prestation des programmes et des services de garde d’enfants.

Or, toujours selon les représentants du gouvernement qui se sont exprimés au comité, l’inclusion des CLOSM à l’article 8 ferait en sorte de créer une attente vis-à-vis d’un financement accru, exclurait le soutien fédéral à d’autres groupes systématiquement marginalisés et soulèverait des questions quant à l’appui aux langues autochtones. Chers collègues, en tout respect, ce raisonnement me semble bien incohérent.

Par ses propos, le gouvernement admet implicitement que la portée de l’article 8 est beaucoup plus large que la simple codification d’un mécanisme de négociation avec certains partenaires clés. En effet, le gouvernement concède que cet article entraîne des répercussions financières sur de nombreux groupes minoritaires et autochtones au pays.

[Traduction]

Je veux clarifier ceci : il n’y a rien dans le libellé de l’amendement rejeté par le comité qui aurait créé des attentes quant à une augmentation du financement pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire ou qui aurait reconnu à ces communautés linguistiques le même statut que les provinces ou les peuples autochtones en ce qui a trait à la conception et à la prestation des programmes et services de garde d’enfants.

Par conséquent, pour les raisons que je viens d’évoquer, considérant le rôle que joue le Sénat du Canada en tant qu’organe législatif complémentaire à la Chambre des communes chargé du second examen objectif qui vise à éviter que des communautés minoritaires soient laissées pour compte, je dépose un amendement qui ajoute les mots « et aux communautés de langue officielle en situation minoritaire » à la première phrase de l’article 8, après « aux peuples autochtones », et qui scinde l’article 8 en deux paragraphes. Le premier paragraphe décrit l’engagement financier du gouvernement. Le deuxième paragraphe décrit les mécanismes que le gouvernement emploiera pour accorder le financement.

[Français]

Motion d’amendement

L’honorable René Cormier : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-35 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 8, à la page 6, par substitution, aux lignes 14 à 22, de ce qui suit :

« 8 (1) Le gouvernement du Canada s’engage à maintenir le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, notamment ceux destinés aux peuples autochtones et aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.

(2) Ce financement doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec les gouvernements provinciaux et les corps dirigeants autochtones et autres entités autochtones qui représentent les intérêts d’un groupe autochtone et de ses membres. ».

Son Honneur la Présidente : En amendement, l’honorable sénateur Cormier propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, que le projet de loi C-35 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 8...

Des voix : Suffit!

L’honorable Pierrette Ringuette : J’aimerais poser une question au sénateur Cormier.

Son Honneur la Présidente : Il reste très peu de temps. Sénateur Cormier, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Cormier : Bien sûr.

La sénatrice Ringuette : Si je comprends bien, l’amendement propose une demande précise d’investissement de la part du gouvernement fédéral. Toutefois, est-ce que le projet de loi prévoit un mécanisme pour s’assurer que les francophones du Nouveau‑Brunswick ou les anglophones du Québec recevront ces sommes destinées spécifiquement aux communautés de langue officielle en situation minoritaire?

Le sénateur Cormier : Je vous remercie de votre question. En fait, l’objectif principal de mon amendement à l’article 8 est de s’assurer que si un cas est porté devant le tribunal — puisque, historiquement, c’est de cette façon que les droits des minorités linguistiques ont avancé —, l’amendement vient protéger la question de l’interprétation si un cas devait être présenté en cour, étant donné qu’il y a une cohérence d’interprétation entre les articles 7 et 8. De plus, bien sûr, cela engage un financement à long terme pour le gouvernement fédéral. Merci.

(1630)

Son Honneur la Présidente : Le temps alloué au débat est écoulé.

[Traduction]

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je crois fermement que tous les Canadiens doivent avoir accès à des services de garde pour leurs enfants dans la langue de leur choix, et que tous les gouvernements et toutes les administrations doivent avoir pour ambition d’offrir un jour un véritable accès à ces services aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je suis persuadée que personne dans cette enceinte ne s’oppose à cette ambition.

Je tiens à vous remercier, sénateur Cormier, pour votre leadership sur ces questions et pour la passion avec laquelle vous défendez cet amendement. Même si je vais passer les prochaines minutes à exprimer mon profond désaccord avec vous, je vous respecte et je vous admire.

Comme je l’ai indiqué dans mes récentes observations, je ne suis pas d’accord avec les préoccupations que vous avez exprimées, sénateur Cormier, mais je les reconnais. Je suis d’avis que l’intention de ce projet de loi est d’inclure les communautés de langue officielle en situation minoritaire à long terme.

Chers collègues, je tiens également à vous rappeler que le projet de loi C-35 a été adopté avec l’appui de tous les partis à l’autre endroit. En outre, le projet de loi C-35 contient de nombreuses dispositions qui soulignent que le financement des services de garde d’enfants doit inclure des investissements pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. L’alinéa 7(1)c) stipule que le financement doit appuyer :

[...] la prestation [...] de programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants [...] issus des minorités linguistiques francophones et anglophones, qui respectent et valorisent la diversité de tous les enfants et de toutes les familles et qui répondent à leurs besoins variés;

Selon le paragraphe 7(3), les investissements fédéraux concernant les programmes de garde des jeunes enfants doivent être guidés par la Loi sur les langues officielles. Le paragraphe 11(1) stipule que le ministre doit tenir compte de l’importance de former un Conseil comprenant des membres issus de communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Vous vous souviendrez que j’ai longuement parlé de l’article 7 lors de mon discours il y a quelques semaines. Cet article présente les règles d’engagement, autrement dit les modalités. À mon avis, c’est ce qui compte le plus.

À cet égard, je ne crois pas que l’amendement à l’article 8 serait utile — non seulement en raison du libellé existant de l’article 7, mais aussi parce que, de concert avec le libellé des ententes et les pressions politiques que tous les Canadiens peuvent exercer, ces facteurs offrent une protection adéquate aux communautés de langue officielle en situation minoritaire et une garantie de financement à long terme pour ces communautés.

Chers collègues, l’amendement à l’article 8 n’améliore pas cette réalité. En fait, l’assertion, en l’occurrence, est qu’il n’est pas garanti que les entités qui ne sont pas incluses dans l’article 8 vont bénéficier d’un financement malgré l’article 7. Si c’est le cas, est-ce que cela signifie que le financement destiné aux enfants handicapés ne serait pas garanti s’ils ne sont pas nommés dans l’article 8? Qu’en est-il des familles des collectivités rurales? Ce paragraphe de l’article 7 est-il insuffisant pour elles également? Si on suit ce raisonnement jusqu’au bout, cela signifie que les dispositions de l’article 7 sont inutiles et dénuées de sens.

Je crois qu’il est plus raisonnable de supposer que les principes directeurs pour le financement sont suffisants et que l’article 7 vise à assurer un financement continu pour les partenaires en fonction de l’orientation prévue dans cet article.

Permettez-moi de donner un exemple parallèle. Prenons la Loi canadienne sur la santé. Nous connaissons tous cette loi, qui énonce aux articles 7 à 12 les critères d’un transfert de fonds du gouvernement fédéral aux provinces. Je me souviens que l’article 5 se lit comme suit :

Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Canada verse à chaque province, pour chaque exercice, une pleine contribution pécuniaire à titre d’élément du Transfert canadien en matière de santé [...]

Tout ce que cet article nous indique, c’est que des fonds seront versés. La manière dont ils seront versés figure dans d’autres parties du projet de loi. Veuillez noter que personne ne pense que certains types de financement ou que les fonds destinés à certains groupes ne sont pas garantis parce qu’ils ne figurent pas à l’article 5 de la Loi canadienne sur la santé, car nous savons que cet élément est traité dans d’autres articles, à savoir les articles 7 à 12.

Voilà l’objet de l’article 8 du projet de loi C-35. Il fait état de l’argent qui sera transféré. Les conditions, les règles d’engagement et les destinataires sont énoncés à l’article 7.

J’ai deux autres choses à mentionner, chers collègues. J’ai parlé des ententes. Vous vous souviendrez que, dans toutes les ententes — sauf pour le Québec, qui a une entente asymétrique —, il est indiqué que les communautés de langues officielle en situation minoritaire doivent avoir un nombre de places proportionnellement égal ou supérieur à leur proportion de la population.

De plus, je veux mentionner l’enveloppe de plus de 60 millions de dollars sur cinq ans qui est prévue pour l’éducation préscolaire et la garde des jeunes enfants dans les communautés francophones et minoritaires, et qui comprend en outre des montants pour former la main-d’œuvre par le truchement du plan d’action pour les langues officielles 2023-2028.

Je ne vais pas répéter tout ce que j’ai dit il y a quelques semaines, mais je tiens à souligner pour notre gouverne à tous que le projet de loi, dans sa forme actuelle, accomplit ce que cherchent à faire ceux qui souhaitent y apporter cet amendement. L’amendement est redondant et n’apporte aucune précision supplémentaire, à mon avis.

Je tiens à être claire : aujourd’hui, à peine deux ans après le lancement de ce régime pancanadien d’éducation préscolaire et de garde des jeunes enfants, bon nombre de familles ont encore beaucoup de difficulté à obtenir des services. Nous savons tous qu’un projet d’une telle ampleur mettra certainement une dizaine d’années à régler les problèmes d’accès.

Chers collègues, je suis convaincue que, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-35 permettra à des générations de communautés de langue officielle en situation minoritaire d’avoir accès à des services de garde, pour dire les choses simplement. Nous ne le voyons peut-être pas encore. Cependant, si nous ressentons un sentiment d’urgence, comme je crois que nous le ressentons tous, alors amender ce projet de loi pour faire ce qu’il fait déjà et retarder sa sanction n’est pas la bonne décision.

Chers collègues, il est également important de souligner que cette question a déjà été étudiée. À la Chambre des communes, des intervenants ont présenté ces amendements. Bien que des modifications aient été apportées aux articles 7 et 11, cet amendement n’a jamais été déposé. Lorsqu’il a été présenté au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, il a été rejeté par 7 voix contre 4, avec 1 abstention.

Votre comité a entendu des heures de témoignages de personnes provenant de partout au pays — des experts, des universitaires, des exploitants de garderies, des dirigeants autochtones et d’autres personnes. Après avoir pris connaissance de ces renseignements et les avoir examinés pendant de nombreuses semaines, votre comité a voté contre cet amendement. Lorsque vous déciderez comment vous voterez sur cet amendement, veuillez tenir compte de la décision que votre comité a prise.

En ce qui concerne le caractère urgent de ce dossier, chers collègues, j’ai expliqué, il y a quelques semaines, ma réflexion pour décider si je voterai pour ou contre des amendements. Compte tenu de la situation politique à la Chambre des communes, la question est de savoir si l’adoption de cet amendement justifierait le fait de retarder l’adoption du projet de loi. Ces délais peuvent avoir des conséquences importantes.

Les délais créent de l’incertitude. Les provinces, les administrations autochtones, les communautés, les municipalités, les organismes sans but lucratif, les travailleurs en garderie, les parents et d’autres suivent nos travaux aujourd’hui. Les provinces et les territoires sont en train d’évaluer la fiabilité de leur partenaire fédéral. Les municipalités et les organismes sans but lucratif planifient la création de nouvelles places et le perfectionnement de leur main-d’œuvre. Les travailleurs se demandent s’ils vont avoir du soutien continu et si ce secteur mérite qu’ils y restent. Les parents se demandent s’ils doivent renoncer à leur rêve ou si les services de garde abordables deviendront bientôt réalité. Retarder ce projet de loi nuira considérablement au développement des services d’éducation préscolaire et de garde des jeunes enfants au Canada. Je considère que ce délai n’est pas nécessaire.

(1640)

J’aimerais terminer en lisant la lettre à laquelle j’ai fait référence plus tôt, dans ma question. Plusieurs d’entre vous ont déjà vu cette lettre, car elle a été envoyée à tous les sénateurs au cours de la dernière semaine. Cette lettre est signée par plus de 20 défenseurs des services de garde, notamment des experts, des chercheurs, des administrateurs et des travailleurs dans le secteur de l’éducation préscolaire et de la garde des jeunes enfants de partout au pays :

Le mouvement des services de garde au Canada est composé d’un vaste ensemble d’organisations diversifiées. Toutes les parties exhortent les sénateurs à adopter le projet de loi C-35 à l’étape de la troisième lecture, sans autre amendement. Il y a plus de 50 ans déjà que la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme a recommandé que le gouvernement fédéral prenne immédiatement des mesures pour adopter une « loi sur les garderies et les crèches » afin de rendre des fonds fédéraux disponibles pour la mise sur pied et le fonctionnement des programmes de garde d’enfants. Nous avons assurément attendu assez longtemps pour l’adoption d’un tel projet de loi.

Nous sommes conscients que de nombreux organismes, dont certains du milieu des services de garde, ont proposé des amendements au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. La plupart tiennent compte d’importantes préoccupations liées à l’éducation préscolaire et à la garde d’enfants. Nous croyons qu’il faudrait s’attaquer à ces préoccupations non pas en amendant le projet de loi C-35, mais en renvoyant la question à un comité permanent. Nous jugeons qu’à cette étape, le projet de loi C-35 est assez solide pour assurer un accès équitable à des services de garde pour des générations à venir.

Chers collègues, je vous demande de ne pas retarder l’adoption du projet de loi C-35. Ne laissez pas une autre année commencer sans loi fédérale sur la garde des enfants.

Merci.

L’honorable Ratna Omidvar : Sénatrice Moodie, merci de défendre le projet de loi. Cette mesure législative est une aspiration nationale depuis des décennies. Elle est maintenant à deux doigts de se concrétiser, et je vous félicite, vous et d’autres collègues, de l’avoir présentée ici. Nous devons toutefois bien faire les choses. Je pense que nous sommes tous d’accord là-dessus.

Vous dites que les principes directeurs énoncés à l’article 7 vous rassurent suffisamment. Le sénateur Cormier veut faire en sorte que les articles 7 et 8 soient dépourvus de toute ambiguïté juridique. Il s’agit de deux articles distincts qui suscitent une certaine confusion. J’ai remarqué que vous avez invoqué la Loi canadienne sur la santé, qui est probablement la référence par excellence en matière de loi embrouillée, et les querelles entourant la Loi canadienne sur la santé ne me rassurent pas beaucoup.

Je pense au projet de loi C-48, dont il a été question la semaine dernière ou l’autre d’avant. Nous avons approuvé un amendement, et il a été envoyé à l’autre endroit. D’après ce que je comprends, il est maintenant revenu. On a procédé assez rapidement. Disons que l’amendement est adopté. Ma question est la suivante : pourquoi devrions-nous craindre de torpiller le projet de loi si nous apportons cette amélioration?

La sénatrice Moodie : Je ne crois pas que cela torpillerait le projet de loi. Je n’ai jamais affirmé cela. Je suis d’avis que les retards entrainent de l’incertitude. J’estime toutefois que le Sénat a pour tâche d’apporter toutes les améliorations possibles. Le sénateur Cormier a présenté ses arguments en comité et au Sénat.

Je vais conclure ainsi : il appartiendra à l’ensemble du Sénat, dans sa sagesse, d’en juger.

Recours au Règlement

L’honorable Percy E. Downe : J’invoque le Règlement, Votre Honneur. Il semble que nous ayons un problème dans cette section de la Chambre. Je ne sais pas s’il y a un problème d’audition ou de vue de ce côté-là de la Chambre, mais depuis une semaine voire 10 jours, les sénateurs ici ont du mal à obtenir la parole pour poser leurs questions. La sénatrice Patterson est intervenue plus tôt dans la journée. La sénatrice Wallin et le sénateur Patterson ont tous deux dû crier pour qu’on s’abstienne de lire la motion parce que personne dans ce coin-ci de la Chambre ne pouvait entendre. Je ne sais pas s’il s’agit d’un problème technique ou de communication, mais c’est un problème et nous aimerions qu’il soit résolu le plus rapidement possible.

Son Honneur la Présidente : Je vous remercie pour cette observation. Je tiens à préciser que lorsque le sénateur Patterson s’est levé, j’ai dit en français que le temps imparti pour le débat était écoulé. Par conséquent, je ne lui ai pas donné la parole.

L’honorable Dennis Glen Patterson : J’invoque le Règlement, Votre Honneur. Je dois dire, très respectueusement, que j’ai bien compris quand vous avez dit que le temps était écoulé à la fin du débat — ou à la fin du discours de la sénatrice Seidman — et qu’il ne restait plus de temps pour les questions. Je tiens donc à souligner en tout respect, Votre Honneur, que je m’étais levé pour intervenir dans le débat. Je me suis levé avant la sénatrice Moodie, et vous lui avez donné la parole; je me suis ensuite levé pour la troisième fois quand vous avez donné la parole à la sénatrice Boyer. Voilà pourquoi mon honorable collègue a signalé que les sénateurs qui se trouvent dans ce coin-ci du Sénat semblent être invisibles. Je vous le signale très respectueusement.

Son Honneur la Présidente : Je vous remercie. Je tenterai de tenir cette section du Sénat à l’œil. Je suis désolée de ne pas vous avoir donné la parole — parce que le temps était écoulé et que j’avais vu la sénatrice Boyer. Je lui ai donné la parole en premier.

[Français]

L’honorable Jean-Guy Dagenais : J’aurais également un recours au Règlement. Jeudi dernier, j’ai eu le même problème. Je m’étais levé pour poser une question. Évidemment, il manquait cinq minutes, alors on a demandé le consentement pour avoir cinq minutes de plus, mais quelqu’un a refusé. Le fait qu’on ne m’ait pas vu... C’est comme si j’avais été ignoré.

Je ne sais pas si c’est en raison de l’endroit où nous nous trouvons dans cette Chambre, mais depuis un certain temps, on nous ignore. Vous n’étiez pas au fauteuil — c’était plutôt Son Honneur la Présidente intérimaire, la sénatrice Ringuette. Je ne la blâme pas; cependant, si l’endroit où nous nous trouvons dans cette Chambre nous nuit, changeons-nous de place.

Jeudi, je suis intervenu, on ne m’a pas vu et je n’ai pas eu le droit de poser ma question; c’est maintenant le cas du sénateur Patterson. Je trouve cela dommage. Je l’ai d’ailleurs mentionné jeudi, et cela se produit de nouveau aujourd’hui.

Son Honneur la Présidente : Si vous êtes d’accord, je vais demander le consentement de la Chambre pour vous donner l’occasion de poser des questions, même si le temps de parole de la sénatrice Moodie est écoulé. Le consentement est-il accordé?

Des voix : Oui.

[Traduction]

Troisième lecture—Motion d’amendement—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moodie, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Cormier, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne,

Que le projet de loi C-35 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 8, à la page 6, par substitution, aux lignes 14 à 22, de ce qui suit :

« 8 (1) Le gouvernement du Canada s’engage à maintenir le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, notamment ceux destinés aux peuples autochtones et aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.

(2) Ce financement doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec les gouvernements provinciaux et les corps dirigeants autochtones et autres entités autochtones qui représentent les intérêts d’un groupe autochtone et de ses membres. ».

L’honorable Yvonne Boyer : Sénatrice Moodie, vous avez mentionné qu’on avait consulté des dirigeants autochtones au sujet du projet de loi et qu’ils l’appuyaient. Les a-t-on aussi consultés quand un amendement a été proposé par le comité? Si oui, qu’en pensaient-ils?

L’honorable Rosemary Moodie : Nous en avons effectivement discuté au comité. Lorsque nous avons posé la question au dirigeant autochtone, le président Natan Obed, il a fait une observation. Je vais le citer parce que j’ai la réponse sous les yeux.

(1650)

La question était la suivante : « Est-ce qu’un tel amendement aurait un quelconque impact pour les peuples autochtones, à votre avis? Si oui, lequel? »

M. Obed a répondu :

Je n’étais pas au courant de l’amendement dont vous faites mention, mais très souvent, le statut de langue officielle du français et de l’anglais amène les autorités à imposer par la manière forte ces deux langues et à les rendre dominantes dans nos communautés. L’histoire de la participation des Inuits au Canada dans les systèmes de santé, d’éducation et de gouvernance en est une de dépossession de l’inuktitut face aux lois fédérales, provinciales et territoriales qui donnent préséance à l’anglais et au français, même dans nos communautés où l’inuktitut prédomine.

La sénatrice Boyer : Si l’un des témoins autochtones a dit cela, ne croyez-vous pas qu’en ce qui concerne toutes ces dispositions qui touchent les peuples autochtones, nous devrions les consulter au sujet d’un amendement aussi important qui pourrait avoir des répercussions sur leurs droits?

La sénatrice Moodie : Ce serait judicieux, en effet.

[Français]

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’appuyer l’amendement du sénateur Cormier au projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

Comme le sénateur l’a si bien expliqué, l’amendement à l’article 8 du projet de loi C-35 confirmerait l’engagement du gouvernement fédéral à financer à long terme des programmes et des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Chers collègues, en tant que sénatrice issue d’une communauté de langue officielle en situation minoritaire — la communauté de Saint-Louis-de-Kent — et fière Acadienne, je dois me joindre au débat et appuyer mon collègue le sénateur Cormier.

Depuis que le gouvernement fédéral a signé des ententes bilatérales avec les provinces, les communautés de langue officielle en situation minoritaire s’inquiètent du fait que le financement accélérera l’assimilation des générations futures.

Tant dans les témoignages entendus au Comité sénatorial permanent des langues officielles que dans les communications que mon bureau a reçues, les parents ont montré leur inquiétude pour la survie de leur langue.

[Traduction]

Pour certains d’entre vous, c’est peut-être la première ou l’une des rares fois que vous entendez parler des difficultés qu’éprouvent les francophones à l’extérieur du Québec pour accéder à une éducation dans leur langue maternelle. Cela demeure une préoccupation importante pour bien des parents. Dans mon discours sur le projet de loi C-13 à l’étape de la deuxième lecture, j’ai parlé des difficultés qu’éprouvent les communautés de langue officielle en situation minoritaire pour accéder efficacement à une éducation dans la langue officielle de leur choix pour leurs enfants âgés de 5 à 17 ans. J’ai expliqué qu’à l’extérieur du Québec, environ 35 % des enfants de cet âge admissibles ne reçoivent pas leur éducation en français, malgré leurs droits.

Un problème comparable existe pour les enfants de 4 ans et moins. À l’heure actuelle, il n’y a pas suffisamment de places en garderie pour les enfants francophones hors Québec. Le directeur général de la Commission nationale des parents francophones, Jean‑Luc Racine, a confirmé cette difficulté pendant l’étude du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie :

La situation est alarmante. Selon le dernier recensement, en 2021, 141 635 enfants de 0 à 4 ans ont droit à l’éducation en français à l’extérieur du Québec. Cependant, le nombre de places autorisées ne permet de servir que 20 % de ces enfants. Dans 80 % des cas, les parents doivent donc se tourner vers les garderies anglophones.

Comme tous les francophones le savent, il s’agit d’une lutte permanente. Chers collègues, c’est ainsi que l’assimilation a lieu et qu’elle s’accélère. Partout au pays, un trop grand nombre de parents francophones s’inquiètent de l’éducation de leurs enfants : cette assimilation sera-t-elle d’abord culturelle, linguistique, ou commencera-t-elle à l’âge de 2 ans? Un trop grand nombre de parents se voient contraints d’inscrire leur nom sur une liste d’attente avant même la naissance de leur enfant. Chers collègues, imaginez leur inquiétude de ne pas savoir si leur enfant aura ne serait-ce que la possibilité de fréquenter une garderie dans sa langue et dans sa culture.

Nicole Arseneau Sluyter, présidente de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, en a donné un exemple concret au Comité des affaires sociales dans le cadre de son étude du projet de loi C-35 :

Permettez-moi de vous parler d’une expérience personnelle que je vis depuis que je suis à Saint-Jean et qui montre bien l’importance du continuum en éducation. Si on échoue par rapport à ce continuum, on contribue directement à l’assimilation à l’anglais. Il n’y a pas assez de garderies en français, et certains parents n’ont d’autre choix que d’inscrire leurs enfants dans des écoles anglophones. Résultat : leurs enfants finissent par perdre leur langue maternelle.

Une de mes amies de Saint-Jean, Acadienne francophone, n’a pas eu le choix d’inscrire ses enfants dans une école anglophone. Elle m’a dit : « Nicole, j’ai honte, mon enfant ne parle plus français. »

La situation est semblable en Ontario et dans chaque province. La survie des communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’échelle du pays dépend d’engagements financiers à long terme de la part du gouvernement fédéral. Nous ne pouvons pas prendre le risque que le gouvernement fédéral alimente le processus d’assimilation en n’assurant pas d’engagements financiers à long terme dans les accords bilatéraux sur les garderies. Il est irresponsable de la part du gouvernement de refuser un amendement aussi raisonnable.

Comme le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, l’a dit dans le mémoire qu’il a présenté au comité :

[…] investir dans des centres de la petite enfance destinés à des CLOSM [communautés de langue officielle en situation minoritaire] renforce le processus de transmission de la langue et, par le fait même, contribue à la vitalité de ces communautés. Comme le commissaire Fraser l’a mentionné dans son étude de 2016, « le développement de la petite enfance est un domaine d’intervention positive, préventive et précoce pour la revitalisation des langues et des communautés francophones. »

[Français]

Si la situation ne change pas, chers collègues, le fait français au Canada disparaîtra lentement, mais sûrement. Le gouvernement fédéral doit être responsable lorsqu’il octroie des sommes d’argent importantes, comme il le fait pour le programme des garderies. Il doit y avoir des engagements clairs envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Avec le projet de loi C-13, le gouvernement s’est engagé à rétablir le poids démographique des francophones du Canada à 6,1 %, comme il l’était en 1971. Cet engagement doit être un effort collectif de la part du gouvernement fédéral, et le projet de loi C-35 en fait partie. Grâce à l’amendement proposé par le sénateur Cormier, on donne un coup de pouce aux communautés de langue officielle en situation minoritaire afin de maintenir leur poids démographique. On leur donne non seulement un outil pour s’assurer que le gouvernement honore son engagement lors des négociations futures, mais on leur donne aussi un outil pour les aider si elles doivent aller devant les tribunaux. En effet, trop souvent, les francophones du Canada doivent se tourner vers les tribunaux pour que leurs droits soient respectés.

Les minorités linguistiques au Canada sont une réalité. Trop souvent, il faut demander aux tribunaux d’affirmer nos droits.

[Traduction]

Chers collègues, comme je l’ai mentionné à quelques reprises, je suis un exemple de cette forme d’assimilation. Parce qu’il n’y avait pas d’écoles francophones dans la région de Miramichi à l’époque, j’ai dû fréquenter des écoles anglophones alors que je vivais dans un foyer francophone. À l’extérieur de la maison, tout se passait en anglais. Lentement, mais sûrement, l’anglais a pris plus de place que le français. Mes capacités en lecture et en écriture du français en ont souffert. Encore aujourd’hui, je parle souvent en anglais aux membres de ma famille. Chers collègues, dans le contexte actuel avec Internet, les réseaux sociaux et toutes les technologies, les enfants francophones risquent encore plus de perdre leur français par rapport à l’époque où nous avons grandi avec la radio et quelques chaînes de télévision.

Honorables sénateurs, l’amendement proposé par le sénateur Cormier s’applique aux futurs accords avec les provinces sur les services de garde. Nous votons pour aider les générations futures à maintenir la vitalité de leur langue, de leur culture et de leur identité. En amendant l’article 8 du projet de loi C-35, nous aidons le gouvernement à remplir son engagement envers les communautés de langues officielles, un engagement qu’il a réitéré lors des débats au sujet du projet de loi C-13.

(1700)

Je tiens à répéter trois mots tirés du rapport du commissaire Graham Fraser de 2016 sur le développement de la petite enfance : positive, préventive et précoce. C’est l’essence de l’amendement du sénateur Cormier. Chers collègues, nous nous plaignons souvent de l’approche réactive du gouvernement fédéral face à différents problèmes. Dans le cas présent, c’est bien l’approche qu’il adopte. Par conséquent, optons pour une approche préventive et précoce au moyen d’un amendement positif au projet de loi C-35 et assurons le financement à long terme des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Je tiens à remercier personnellement mon collègue le sénateur Cormier des efforts qu’il déploie inlassablement pour défendre les Acadiens et les francophones de tout le pays. Honorables sénateurs, envoyons un message fort à toutes les communautés de langue officielle en situation minoritaire au pays et appuyons l’amendement à l’étude.

Merci, chers collègues.

L’honorable Lucie Moncion : À trois reprises cet après-midi, il a été question de l’interprétation des lois. Je voudrais faire un contraste avec la question d’un « libellé juridiquement contraignant », parce qu’il y a une nuance importante à apporter à ce contexte. Je vais donc commencer sans texte, puis je passerai à mon discours.

[Français]

Je prends la parole sur l’amendement proposé par le sénateur Cormier à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

L’amendement vise à inclure de manière explicite une garantie de financement à long terme aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, les CLOSM, à l’article 8 du projet de loi C-35. Je le remercie, ainsi que son équipe, pour tout le travail qui a été entrepris dans ce dossier. Son bureau et le mien ont travaillé ensemble à ce projet. Dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai exprimé mes préoccupations sur le fait qu’un ministère peut élaborer un projet de loi aussi crucial pour la vitalité et la survie des CLOSM sans toutefois en faire mention.

Mes préoccupations se sont accentuées au moment de l’étude article par article au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. J’ai constaté une grande méconnaissance des droits et garanties constitutionnels des CLOSM chez les fonctionnaires d’Emploi et Développement social Canada, ainsi qu’un manque de curiosité et de sensibilité envers les réalités vécues par ces communautés, ainsi que par rapport à l’impact potentiel du projet de loi sur leur vitalité et leur épanouissement.

Dans ce discours, je vais exposer les risques associés à l’absence d’une telle garantie à l’article 8 ainsi que les impacts de l’amendement proposé, en tenant compte de la jurisprudence pertinente. Dans le cadre de cette analyse, je m’efforcerai de réfuter l’interprétation avancée par le gouvernement quant aux soi-disant probables désagréments que pourrait engendrer l’amendement en question.

À mon avis, les interprétations avancées sont erronées et même préoccupantes, surtout si les tribunaux devaient s’inspirer des propos tenus au comité par certains fonctionnaires pour faire l’analyse de l’intention du législateur, au regard de l’interrelation entre les droits des peuples autochtones et ceux des minorités de langue officielle en situation minoritaire.

Premièrement, je vais vous parler des dangers avérés d’une omission pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Pourquoi cet amendement est-il si important? Comme je l’ai fait valoir à l’étape de la deuxième lecture, l’accès à des services de garde dans la langue de la minorité est indispensable à la mise en œuvre de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit le droit à l’instruction dans la langue des minorités de langue officielle.

Le projet de loi vise à créer un système national de garde et d’apprentissage des jeunes enfants afin de rendre les services accessibles pour tous. Conformément aux ententes bilatérales actuelles, les fonds sont notamment dépensés de manière à garantir les services pour les enfants des ayants droit et des peuples autochtones. Le gouvernement et les fonctionnaires ont tenté de nous rassurer en faisant valoir les termes de ces ententes, mais vous comprendrez que l’objet de l’étude est le projet de loi C-35, et non les ententes.

De plus, en tant que francophone en situation minoritaire, je comprends fort bien la hiérarchie juridique entre une entente bilatérale et une loi fédérale. Ainsi, l’inclusion des CLOSM dans ces accords ne me rassure pas à long terme. Je tiens également compte du fait que les gouvernements changent, alors que les lois perdurent — d’où l’importance d’envisager une modification à l’article 8, comme le suggère le sénateur Cormier.

Par ailleurs, lorsqu’il s’agit des services financés dans le cadre de l’exercice des pouvoirs de dépenser du gouvernement fédéral, nous devons nous attendre à ce que des services d’une qualité équivalente soient offerts tant aux francophones qu’aux anglophones du pays. Il est aussi impératif que les peuples autochtones reçoivent un financement adéquat, conformément à l’exercice de leurs droits garantis en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

En ce qui concerne les CLOSM plus particulièrement, les faits, tels que documentés au fil de nombreuses années de jurisprudence et par les parties prenantes qui ont été entendues au comité, mettent en lumière les barrières systémiques et structurelles auxquelles ces communautés font face dans la reconnaissance et l’exercice de leurs droits constitutionnels en matière d’accès à l’éducation dans leur langue.

Cette jurisprudence met également en lumière une histoire de tensions entre les CLOSM et les gouvernements provinciaux en ce qui concerne le respect des droits de ces minorités. Ces tensions sont alimentées par des omissions semblables à celles que nous retrouvons actuellement à l’article 8, ce qui permet aux provinces et aux territoires de justifier des atteintes aux droits des CLOSM partout au pays depuis des années. Il est temps de changer cette dynamique et d’octroyer à ces communautés les moyens de faire valoir leurs droits devant les tribunaux.

Le projet de loi, dans sa forme initiale, ne prévoyait aucune garantie spécifique pour les CLOSM. Bien que trois mentions aient été ajoutées au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de l’autre endroit, le professeur, avocat et expert en droits linguistiques François Larocque, ainsi que l’honorable Michel Bastarache, ancien juge à la Cour suprême du Canada, ont tous deux souligné, dans leurs témoignages au Comité des affaires sociales, les incohérences persistantes et les risques liés à l’omission des communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8 du projet de loi.

La clarification directement inscrite dans la loi revêt une importance cruciale, car elle joue un rôle déterminant dans l’analyse de l’interprétation de l’intention du législateur par les tribunaux, en tenant compte de la preuve intrinsèque.

Effectivement, la jurisprudence canadienne en matière de droits linguistiques est très claire à ce sujet. Me François Larocque, dans le mémoire qu’il a soumis au comité, a fait référence à l’arrêt Caron c. Alberta, dans lequel la Cour suprême du Canada a refusé de reconnaître l’existence de droits linguistiques, en raison de l’absence de garanties explicites dans les documents constitutionnels et législatifs pertinents.

Chers collègues, les risques juridiques liés à cette omission sont réels et étayés par les faits et par la jurisprudence pertinente en droits linguistiques. L’absence d’une mention explicite à l’article 8 est donc source d’une grande inquiétude pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. À mon avis, le comité aurait dû profiter de cette occasion pour clarifier l’intention du législateur directement dans le texte de loi, afin de minimiser au maximum les risques de préjudices envers les minorités de langue officielle en situation minoritaire.

[Traduction]

Cependant, le gouvernement s’est opposé catégoriquement à tout amendement et a induit le comité en erreur à plusieurs égards dans ses arguments.

En ce qui concerne le nouveau mécanisme de financement, à l’origine, le gouvernement a prétendu que l’amendement proposé établirait un nouveau mécanisme de financement pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. J’estime respectueusement que cette interprétation de l’amendement proposé est inexacte.

Michelle Lattimore, directrice générale du Secrétariat fédéral responsable de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants à Emploi et Développement social Canada, a déclaré ceci :

[...] sur le plan juridique, les minorités francophones et anglophones n’ont pas le même statut ni le même rôle que les partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones dans la prestation des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et dans l’élaboration et la préservation de ce système pancanadien. Le fait d’inclure une référence à ce groupe, à l’article 8, créerait une attente relativement à un financement accru qui lui serait réservé.

Bien que la fonctionnaire ait eu raison d’établir des distinctions entre les rôles dans la prestation des programmes, l’interprétation de l’amendement est trompeuse. Nulle part dans l’amendement il n’est question de traiter les communautés de langue officielle en situation minoritaire comme des corps dirigeants ayant droit à un financement direct du gouvernement fédéral.

En réponse à une question posée par le parrain du projet de loi au Comité des affaires sociales, le professeur Larocque a fait la déclaration suivante pour aider le comité dans ses délibérations :

L’article 8, par ailleurs, spécifie que le financement est transmis dans le cadre d’ententes entre le fédéral, les provinces et les territoires, et pas directement aux communautés, et ce n’est pas ce qui est demandé et reflété dans les amendements suggérés.

Donc, ce n’est pas un nouveau mécanisme qui est proposé ici, mais tout simplement, comme le suggère mon collègue, la prise en compte des droits linguistiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans l’engagement ferme à long terme.

(1710)

L’article 8, dans sa forme actuelle, se lit ainsi :

Le gouvernement du Canada s’engage à maintenir le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, notamment ceux destinés aux peuples autochtones.

On peut donc voir que l’engagement inscrit à l’article 8 concerne le système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et précise que cet engagement vise le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pour les Autochtones. Toutefois, l’article n’est pas explicite quant à savoir si les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont incluses dans cet engagement ou non, et là est le problème. Voici la suite de l’article 8 :

Ce financement doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec les gouvernements provinciaux, les corps dirigeants autochtones et autres entités autochtones qui représentent les intérêts d’un groupe autochtone et de ses membres.

Cette énumération établit que le financement doit être versé au moyen du mécanisme approprié. Pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, si elles étaient couvertes par l’article 8, ce mécanisme serait les provinces. Les communautés de langue officielle en situation minoritaire n’ont pas de relation de nation à nation avec le gouvernement fédéral, contrairement aux corps dirigeants autochtones. L’ajout d’une référence aux communautés de langue officielle en situation minoritaire ne changerait pas le droit canadien en profondeur. Il est absurde de prétendre le contraire.

L’ajout d’une référence explicite aux communautés de langue officielle en situation minoritaire concernant le financement garanti à long terme par le gouvernement fédéral n’affaiblit en rien la protection et les garanties accordées aux peuples autochtones au titre de cette loi et de la Constitution. Elle n’accorde pas non plus aux communautés de langue officielle en situation minoritaire des droits qu’elles ne possèdent pas déjà. Elle leur fournit un outil juridique si les services dans leurs langues sont moins nombreux et de moindre qualité que ceux fournis à la majorité d’une province donnée.

Le deuxième argument invoqué par le gouvernement concerne les droits concurrents. Des fonctionnaires ont déclaré que l’amendement pourrait nuire aux langues autochtones. Cheri Reddin, directrice générale du Secrétariat de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants autochtones à Emploi et Développement social Canada, a déclaré ce qui suit :

Je tiens à souligner que nous, les fonctionnaires, avons écouté les témoignages des représentants autochtones qui ont comparu la semaine dernière. Comme l’a mentionné la sénatrice Moodie, le président Obed s’est exprimé haut et fort sur l’absence de références à la Loi sur les langues autochtones et a laissé entendre que les références exclusives aux langues officielles se faisaient au détriment des langues autochtones.

D’abord et avant tout, cette déclaration serait incompatible avec l’article 3 du projet de loi, qui garantit explicitement les droits des peuples autochtones. Il indique ceci :

La présente loi maintient les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; elle n’y porte pas atteinte.

La déclaration de Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, a été déformée, à la fois devant le comité et à l’étape de la troisième lecture du projet de loi. En comité, quand j’ai demandé à M. Obed de nous faire part de ses impressions sur cet amendement potentiel à l’article 8, il a répondu ceci :

Je n’étais pas au courant de l’amendement dont vous faites mention, mais très souvent, le statut de langue officielle du français et de l’anglais amène les autorités à imposer par la manière forte ces deux langues et à les rendre dominantes dans nos communautés. L’histoire de la participation des Inuits au Canada dans les systèmes de santé, d’éducation et de gouvernance en est une de dépossession de l’inuktitut face aux lois fédérales, provinciales et territoriales qui donnent préséance à l’anglais et au français, même dans nos communautés où l’inuktitut prédomine.

Dans ce contexte, M. Obed parlait des langues officielles alors que les membres du comité ont cru que sa déclaration portait sur l’amendement, qui concerne spécifiquement les communautés de langue officielle en situation minoritaire plutôt que sur les langues officielles. L’emploi des termes « langues officielles » et « communautés de langue officielle en situation minoritaire » de façon interchangeable par les représentants du gouvernement et la marraine du projet de loi a semé la confusion quand on a informé les sénateurs des répercussions de l’amendement sur les peuples autochtones. Permettez-moi de vous expliquer la distinction entre ces deux notions.

[Français]

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, je dois interrompre les travaux. Conformément à l’article 9-3 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 17 h 30 sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

[Traduction]

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Adoption de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wells, appuyée par l’honorable sénatrice Batters, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy :

Que le projet de loi C-234 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a) à l’article 1 :

(i) à la page 1, par substitution, aux lignes 4 à 17, de ce qui suit :

« 1 (1) L’alinéa c) de la définition de machinerie agricole admissible, à l’article 3 de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, est »,

(ii) à la page 2, par suppression des lignes 1 à 8;

b) à l’article 2, à la page 2, par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit :

« 2 (1) Les paragraphes 1(2.1) et (5) ».

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Dalphond propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Cordy :

Que le projet de loi C-234 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié...

Puis-je me dispenser de lire la motion, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Dalphond, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Aucoin Kutcher
Audette LaBoucane-Benson
Bellemare Lankin
Boehm Loffreda
Cardozo MacAdam
Clement Massicotte
Cordy McNair
Cormier Mégie
Coyle Miville-Dechêne
Cuzner Moncion
Dalphond Moodie
Dasko Omidvar
Dean Pate
Dupuis Petitclerc
Forest Petten
Gerba Ringuette
Gold Saint-Germain
Harder Simons
Hartling White
Kingston Yussuff—40

CONTRE
Les honorables sénateurs

Arnot McPhedran
Ataullahjan Mockler
Batters Oh
Boyer Osler
Busson Patterson (Nunavut)
Carignan Patterson (Ontario)
Cotter Plett
Dagenais Poirier
Deacon (Nouvelle-Écosse) Prosper
Deacon (Ontario) Quinn
Downe Richards
Duncan Ross
Francis Seidman
Gignac Smith
Greene Sorensen
Housakos Tannas
Klyne Verner
Marshall Wallin
Martin Wells—39
McCallum

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

[Français]

La sanction royale

Son Honneur la Présidente informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 5 décembre 2023

Madame la Présidente,

J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l’annexe de la présente lettre le 5 décembre 2023 à 17 h 11.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.

Secrétaire du gouverneur général,

Ken MacKillop

L’honorable

La Présidente du Sénat

Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le mardi 5 décembre 2023 :

Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution) (projet de loi C-48, chapitre 30, 2023)

(1740)

[Traduction]

Projet de loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada

Troisième lecture—Motion d’amendement—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moodie, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Cormier, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne,

Que le projet de loi C-35 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 8, à la page 6, par substitution, aux lignes 14 à 22, de ce qui suit :

« 8 (1) Le gouvernement du Canada s’engage à maintenir le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, notamment ceux destinés aux peuples autochtones et aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.

(2) Ce financement doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec les gouvernements provinciaux et les corps dirigeants autochtones et autres entités autochtones qui représentent les intérêts d’un groupe autochtone et de ses membres. ».

L’honorable Lucie Moncion : Les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont des groupes qui ont été victimes de discrimination à travers l’histoire et qui continuent d’être victimes de discrimination par le truchement de certaines politiques, de certaines lois et du financement de leurs institutions par les gouvernements fédéral et provinciaux. Ces communautés jouissent de garanties constitutionnelles pour les aider à surmonter les difficultés qu’elles ont vécues par le passé et celles qu’elles vivent toujours.

L’envers de la médaille, c’est que les langues officielles ont indéniablement servi d’outil de colonisation. Elles ont contribué à l’affaiblissement ou à l’éradication de nombreuses langues autochtones — un héritage déplorable que nous tentons de corriger. J’espère que le projet de loi C-35 ainsi que d’autres mesures législatives proposées par le gouvernement, comme la Loi sur les langues autochtones, sauront stimuler la revitalisation de ces langues et leur réappropriation par les peuples autochtones.

Nous devons collaborer et parler d’une même voix en faveur de la réconciliation. Les politiques polarisantes ne devraient pas avoir leur place au Sénat. Tant le gouvernement que le Sénat ont le devoir de protéger les minorités.

Les communautés de langue officielle en situation minoritaire et les peuples autochtones ont des droits précis garantis par la Constitution. Il est essentiel que nous prenions ces droits en considération dans notre étude du projet de loi C-35. Comme c’est souvent le cas avec les projets de loi du gouvernement, plusieurs droits et garanties constitutionnels coexistent dans le même cadre juridique. Cela ne signifie toutefois pas qu’ils sont identiques ou qu’il faille les comparer. Faire une référence explicite aux titulaires d’un droit en particulier n’enlève absolument rien aux droits d’autres groupes.

[Français]

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Moncion, votre temps de parole est écoulé.

[Traduction]

La sénatrice Moncion : Puis-je avoir cinq minutes de plus, chers collègues?

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Non.

La sénatrice Moncion : Merci, sénateur Plett.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, quand le sénateur Cormier a présenté cet amendement au comité, plusieurs personnes ont invoqué, pour rejeter l’amendement, le témoignage de Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami ou ITK.

Pendant l’étude article par article, la sénatrice Moodie a dit :

Ce qui est tout aussi inquiétant, ce sont les commentaires du président d’ITK, Natan Obed, qui s’est dit préoccupé et qui nous a dit ici au comité que cet amendement causerait du tort aux droits langagiers des Inuits.

Il s’agissait toutefois d’une erreur d’interprétation de la part de la sénatrice Moodie. Permettez-moi d’expliquer cette affirmation.

Comme je ne suis plus membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, je n’assistais pas à la réunion pendant laquelle le président de l’ITK, M. Obed, a témoigné, mais je voulais vraiment en apprendre davantage sur la position de l’ITK. Mon personnel et moi-même avons donc communiqué avec le président de l’ITK et son bureau pour obtenir des précisions. Nous avons alors appris que — du point de vue de l’ITK — ces deux dispositions peuvent très bien coexister. Sa préoccupation, chers collègues, porte sur un élément que nous avons raté l’occasion de traiter pendant l’étude du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones. Voici de plus amples explications.

J’étais porte-parole pour ce projet de loi. À partir des commentaires faits par les Inuits, j’ai proposé plusieurs amendements qui avaient tous pour but de prévoir des ressources suffisantes pour les langues autochtones en fonction de la population présente dans une zone donnée. J’ai aussi tenté d’amener le gouvernement à s’engager à fournir des services essentiels dans les zones où le nombre de personnes le justifiait.

Tous les amendements ont été rejetés par le comité ou ont été supprimés par le gouvernement libéral majoritaire une fois le projet de loi renvoyé à l’autre endroit. Si les dispositions vous semblent un peu familières même si vous connaissez peu le projet de loi C-91, c’est parce que ces dispositions sont déjà offertes aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Voilà, chers collègues, le cœur de mon argument.

Il faut que la protection offerte aux communautés de langue officielle en situation minoritaire soit également offerte aux langues autochtones. Si nous prenons au sérieux tout le texte du préambule de la Loi sur les langues autochtones, y compris ce qui suit —

que les langues autochtones sont fondamentales pour les peuples autochtones sur le plan identitaire et en rapport avec leurs cultures, leurs liens avec la terre, leur spiritualité, leurs visions du monde et leur autodétermination [...]

que les peuples autochtones ont joué un rôle important dans le développement du Canada et que les langues autochtones contribuent à la diversité et à la richesse des patrimoines linguistiques et culturels du Canada [...]

 — alors nous devons enfin prendre au sérieux l’idée de traiter les langues autochtones comme si elles étaient à égalité avec l’anglais et le français.

Nous ne pouvons pas opposer les langues autochtones aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le fait de soutenir les unes ne devrait aucunement constituer une menace pour les autres ou les affaiblir.

C’est une question qui me tient à cœur, car un jour — et ce jour viendra probablement très bientôt —, nous devrons de nouveau en débattre, mais nous devrons prendre la question dans l’ordre inverse. D’autres sénateurs pourraient dire que nous devons adopter un amendement pour inclure des protections équivalentes pour les langues autochtones dans un autre projet de loi.

Je suis favorable à cet amendement, car la seule façon d’arriver au point où les langues autochtones seront traitées de la même façon que l’anglais et le français au Canada, c’est d’en faire une habitude. Nous devons arriver au point où tous les projets de loi qui comportent un volet linguistique mettent sur un pied d’égalité les communautés de langue autochtone et les communautés de langue officielle en situation minoritaire. C’est ce que cet amendement propose, tout simplement.

Lorsque cela arrivera, j’espère que nous pourrons enfin redonner de la dignité aux peuples autochtones en leur donnant accès à des services essentiels dans leur propre langue, que les enfants autochtones pourront recevoir une éducation dans leur propre langue, et que les peuples autochtones pourront retrouver leur fierté et se réapproprier leur langue. C’est ce qui arrivera lorsque nous mettrons sur un pied d’égalité les communautés de langue autochtone et les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

En présentant son amendement, le sénateur Cormier a plaidé avec force et clarté en faveur de la clarté et de la spécificité. Pourquoi? Eh bien, nous avons une disposition faible concernant l’obligation fédérale de financer un système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’article 7(1), qui fait référence à de simples principes directeurs selon lesquels les programmes devraient — et non pas « doivent » — être accessibles, abordables, inclusifs et de grande qualité. Je le répète : le projet de loi dit que le gouvernement fédéral doit être guidé par les principes selon lesquels les programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants doivent être accessibles et abordables. C’est un contraste avec l’amendement proposé par le sénateur Cormier. Le financement doit être fourni et non pas être guidé par des principes.

Permettez-moi de dire, au nom des résidents inuits du Nunavut — et je suis sûr de pouvoir le dire aussi au nom de ceux qui sont représentés par le président Obed dans tout l’Inuit Nunangat —, que nous sommes heureux de voir qu’à l’article 8, tel qu’il est rédigé, le gouvernement du Canada s’engage à maintenir le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, y compris ceux pour les Autochtones.

C’est une excellente disposition. Toutefois, comme l’a souligné le sénateur Cormier, le même engagement n’est pas clairement pris à l’égard des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Cet amendement ne fait qu’ajouter un libellé parallèle pour les communautés de langues officielles en situation minoritaire. Comme l’a dit M. Obed au comité, dans le passage cité par la sénatrice Moodie, les droits linguistiques des Autochtones ont été supprimés par l’accent mis sur les deux langues officielles du Canada.

La même menace existe encore, à moins que ce projet de loi ne soit clarifié, et elle soulève de sérieuses questions quant à savoir si les communautés de langue officielle en situation minoritaire bénéficieront du même engagement à maintenir un financement à long terme.

Il est inacceptable de mettre en concurrence les langues officielles — le français et l’anglais —, et les communautés de langues autochtones, et il est inacceptable de faire de même avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Ce projet de loi ne nuit aucunement aux langues autochtones et aux services de garde d’enfants autochtones. Faisons les choses correctement et accordons aux communautés de langue officielle en situation minoritaire la même reconnaissance et les mêmes conditions de financement dans le cadre de ce projet de loi. Je vous invite à appuyer cet amendement. Je vous remercie. Qujannamiik.

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, j’appuie cet amendement pour plusieurs raisons, la première étant notre responsabilité à l’égard des minorités.

[Français]

Devenir sénatrice, c’est réaliser que l’un des aspects essentiels de notre rôle, soit la protection des minorités, permet à plusieurs groupes sous-représentés d’être entendus et de pouvoir compter sur le Sénat lorsque leurs droits sont menacés ou ne sont pas solidement protégés.

Permettez-moi de commencer en citant notre ancien collègue le sénateur Joyal, qui nous disait ceci :

[...] ces nouvelles catégories de droits s’ajoutant à la Constitution, le rôle du Sénat au Parlement à titre de chambre où s’expriment les droits des minorités et les droits de la personne, a été confirmé, élargi et renforcé.

(1750)

La Cour suprême, dans son Renvoi relatif à la réforme du Sénat de 2014, a souligné que la tribune du Sénat a servi à plus d’une reprise à faire avancer les droits des groupes sous-représentés, notamment ceux des communautés linguistiques minoritaires.

Mon appui à cet amendement repose sur ce que j’ai lu et entendu depuis que nous avons entrepris l’étude de ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Les communautés francophones hors Québec et les communautés anglophones du Québec savent mieux que quiconque la complexité des enjeux qu’elles doivent gérer quotidiennement pour contribuer à préserver notre dualité linguistique. Nous nous devons de les écouter lorsqu’elles nous demandent de les appuyer à freiner l’érosion de leurs droits.

Le sénateur Cormier l’a mentionné dans son discours. Lors de leur témoignage au Comité des affaires sociales, Nicole Arseneau Sluyter, présidente de Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, et Jean-Luc Racine, directeur général de la Commission nationale des parents francophones, ont partagé avec nous le désarroi des parents francophones qui sont obligés d’inscrire leurs enfants dans des écoles anglophones. La conséquence est que ces derniers — on l’a dit à quelques reprises ce soir — finissent par perdre leur langue maternelle.

La sénatrice Poirier l’a mentionné, mais je tiens à le répéter, car c’est important. Lors de son témoignage devant le Comité des affaires sociales, Mme Arseneau Sluyter, présidente de Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, nous a dit qu’il n’y a pas assez de garderies en français à Saint-Jean. Ce manque de choix oblige certains parents à inscrire leur enfant dans des écoles anglophones; la conséquence de tout cela, c’est que ces derniers finissent par perdre leur langue maternelle.

Comme la sénatrice Poirier nous l’a dit — encore une fois, je tiens à le répéter, car c’est important —, une de ses amies qui est dans cette situation lui a confessé, et je cite : « Nicole, j’ai honte : mon enfant ne parle plus français. »

L’article 7 du projet de loi C-35 prévoit que le gouvernement doit inclure les communautés de langue officielle minoritaire dans ses futurs investissements dans la petite enfance. Il s’agit toutefois d’un principe directeur, et non d’un engagement. La composition du futur Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, prévue par l’article 11, doit tenir compte de ces communautés. Ces dispositions du projet de loi ne sont manifestement pas suffisantes pour assurer que les générations à venir seront bien protégées.

Dans son mémoire, le commissaire aux langues officielles nous a invités, lui aussi, à modifier l’article 8 dans le sens souhaité par le sénateur Cormier.

Par ailleurs, je suis d’accord avec le commissaire Théberge pour dire qu’un investissement constant dans les centres de la petite enfance destinés à ces communautés contribue à renforcer le processus de transmission de la langue et à assurer leur vitalité.

Michel Bastarache, professeur et ancien juge à la Cour suprême, dans une correspondance à notre comité, a dit ceci : « [...] il faut éviter les ambiguïtés et savoir distinguer entre les intentions politiques et les engagements juridiques ».

À son avis, et je le cite :

[...] on parle d’ententes intergouvernementales dans un domaine de juridiction provinciale. Il faut donc ajouter l’obligation de mettre dans l’entente l’obligation de financer la formation en français [...]

Il fait ici référence aux francophones.

C’est aussi l’avis du professeur Larocque, qui a comparu à titre de témoin. Selon lui, sans une référence explicite aux communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8, ces communautés risquent de se voir privées du financement fédéral nécessaire au maintien à long terme. Le professeur Larocque, en praticien du droit, se fonde sur la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et sur les principes ordinaires d’interprétation des lois pour avancer que, sans cet amendement du sénateur Cormier :

[...] un tribunal pourrait raisonnablement conclure que l’article 8, tel qu’il est rédigé à l’heure actuelle, engage uniquement le gouvernement fédéral à garantir le financement à long terme des programmes et services « destinés aux peuples autochtones ».

La modification proposée par cet amendement n’est pas substantielle; l’amendement ne demande pas un nouveau droit. Le texte de l’amendement ne demande pas non plus qu’un nouveau cadre de négociation soit créé. On ne demande pas au gouvernement fédéral d’engager des négociations directement avec les communautés linguistiques minoritaires. Le cadre prévu dans le projet de loi C-35 prévoit que ce financement est transmis dans le cadre d’ententes entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. Cela ne change pas. Les communautés ne se substitueraient pas aux gouvernements provinciaux et territoriaux pour se donner une responsabilité dans la conception et la prestation des programmes. De plus, cet amendement ne retire aucun financement à quiconque. Il ne met pas en compétition les langues autochtones et les langues officielles.

On le dit souvent, et avec raison : les lois résistent mieux au temps que les gouvernements.

Honorables sénateurs, je voudrais, pour conclure, rappeler que l’insécurité des communautés linguistiques dans toutes les régions du pays est une réalité. La reconnaissance de leurs droits est parsemée de luttes juridiques qui demandent du temps, de l’énergie et des ressources financières, malgré l’existence de mécanismes de soutien comme le Programme de contestation judiciaire.

Ces communautés sont souvent dépendantes de la place que le gouvernement du jour accorde à leurs priorités. Grâce à cet amendement que je vois comme une protection, nous avons la possibilité de ne pas laisser ces communautés à elles-mêmes et de les obliger à ce qu’elles soient forcées potentiellement, encore une fois, à présenter devant les tribunaux pour faire valoir qu’elles sont bien comprises dans l’engagement financier prévu à l’article 8 de ce projet de loi.

Donc, cet amendement représente une occasion de les appuyer, et c’est la raison pour laquelle je l’appuie. Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je remercie la sénatrice Moodie, qui parraine habilement cet important projet de loi et répond aux questions avec brio.

Je prends la parole brièvement pour appuyer l’amendement de mon estimé collègue le sénateur Cormier. Je saisirai toutes les occasions d’intervenir pour garantir que les langues officielles et les langues autochtones au Canada soient respectées, traitées comme elles le méritent et dûment protégées.

Dans le cadre du débat sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, j’ai parlé longuement de la grande importance de faire une place aux langues autochtones. Je suis ravie que le projet de loi C-35 prévoie un financement à long terme réservé aux services et aux programmes d’éducation préscolaire et de garde d’enfants pour les Autochtones. J’espère qu’il y aura là une occasion de transmettre les langues autochtones à un âge crucial pour les jeunes.

En tant que femme touchée par l’intersectionnalité, je parle souvent des effets du colonialisme et du fait que les peuples opprimés sont privés de l’essentiel alors qu’on leur répète sans arrêt qu’il n’y en a pas assez pour tout le monde.

Je ne crois pas que cela soit vrai. Tout le monde devrait obtenir une bonne pointe de la tarte parce qu’il y en a amplement pour nous tous.

[Français]

Il y en a largement assez pour nous tous.

[Traduction]

Ne laissons pas la langue et la culture devenir un autre champ de bataille où nous luttons les uns contre les autres pour faire reconnaître nos droits. Dirigeons nos efforts vers les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Envoyons un message puissant de solidarité et d’engagement relativement à la santé de nos langues — de toutes nos langues.

L’amendement du sénateur Cormier garantirait un financement à long terme pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, et j’espère que vous vous joindrez à nous pour l’appuyer.

(1800)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’entends un non. Il en est ainsi ordonné.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Motion tendant à autoriser le comité à étudier un cas de privilège ayant trait à l’intimidation de sénateurs—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Saint-Germain, appuyée par l’honorable sénatrice Clement,

Que le cas de privilège concernant des événements reliés à la séance du 9 novembre 2023 soit renvoyé au Comité permanent de l’éthique et des conflits d’intérêts des sénateurs pour étude et rapport;

Que, sans limiter l’étude du comité, il prenne en considération, à la lumière de ce cas de privilège :

1.des mises à jour au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs;

2.les obligations des sénateurs dans l’exercice de leurs fonctions;

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, lorsque le comité traite de cette affaire :

1.le comité soit autorisé à se réunir en public s’il décide de le faire;

2.un sénateur qui n’est pas membre du comité ne soit pas autorisé à être présent à moins de le faire à titre de témoin et à l’invitation du comité.

Son Honneur la Présidente : Il est maintenant 20 heures. Conformément à l’article 13-6(2) du Règlement, le débat sur la motion de la sénatrice Saint-Germain, appuyée par la sénatrice Clement, relative au cas de privilège, va maintenant commencer.

Avant de donner la parole à la sénatrice Saint-Germain, je tiens à rappeler que, conformément à l’article 13-6(3) du Règlement, le temps de parole de tous les sénateurs est de 15 minutes et qu’il n’y a pas de droit de dernière réplique. Conformément aux articles 13-6(4) et 13-6(5) du Règlement, le débat est limité à un maximum de trois heures qui peuvent normalement être réparties sur plusieurs séances. Toutefois, si le débat est encore en cours aujourd’hui à minuit, conformément à l’article 13-6(6) du Règlement, il ne peut être ajourné et la séance se poursuit.

[Français]

Si le débat se poursuit au-delà de minuit, un vote par appel nominal, s’il est demandé une fois le débat terminé, est reporté d’office, conformément à l’article 13-6(8) du Règlement.

Conformément à l’ordre du 21 septembre 2022, il aura lieu mercredi, à 16 h 15.

Une fois le débat terminé, la séance se poursuivra, conformément à l’article 13-6(10) du Règlement, jusqu’à la première des éventualités suivantes :

a) la fin de l’ordre du jour;

b) l’adoption d’une motion tendant la levée de la séance;

c) l’heure au-delà de minuit qui est l’équivalent de la durée du débat sur la motion.

[Traduction]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Votre Honneur, je tiens d’abord à vous féliciter de cette décision éclairée et rigoureusement étayée, une décision qui guidera notre doctrine dans les prochaines décennies et qui, j’en suis sûre, aura une influence positive sur notre conduite en ce qui concerne le principe de retenue.

Honorables sénateurs, en tant que sénatrice qui a soulevé cette question de privilège, j’ai présenté une motion, conformément à l’article 13-6(1) du Règlement, demandant la prise d’une mesure de réparation. Dans la motion, je propose que le cas de privilège soit renvoyé au Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs.

Maintenant que la motion est débattue au Sénat, permettez-moi d’expliquer pourquoi je propose cette mesure de réparation, qui est selon moi la façon la plus efficace et la plus appropriée de gérer la situation dont il est question.

Dans sa décision, la Présidente a clairement établi qu’il y a eu atteinte au privilège. Par conséquent, aucun article du Règlement ni élément de privilège ne doit être étudié, interprété ou modifié. Ce n’est pas le cœur du problème et ce n’est pas la mesure de réparation dont le Sénat a besoin. Plutôt, nous nous trouvons devant une question d’éthique et de conduite.

Comme nous le savons tous, chers collègues, le Comité sur l’éthique a le mandat, l’expertise et l’expérience nécessaires pour traiter ce genre de questions. Il l’a fait maintes fois par le passé quand la conduite d’un sénateur n’était pas à la hauteur des normes de cette institution. Les membres de ce comité y sont nommés par leur groupe précisément parce qu’on leur fait confiance pour traiter de questions de nature délicate.

À mon avis, la meilleure façon de donner suite à la décision rendue aujourd’hui est de permettre aux membres dignes de confiance du Comité sur l’éthique de déterminer la réparation qui s’impose. L’objectif de cette mesure corrective est d’adapter les instruments qui régissent notre conduite de manière à ce qu’ils répondent aux attentes et aux exigences plus élevées d’aujourd’hui. Nous devons garantir un environnement de travail propice à des débats qui, aussi rigoureux et passionnés soient-ils, n’entravent jamais notre liberté d’expression.

Je crois également que le Comité sur l’éthique doit étudier le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et, au besoin, y suggérer des modifications à la lumière de cette décision. Il est très plausible que l’étude de ce cas apporte des améliorations aux parties du code qui régit notre conduite au Sénat et dans les comités. Nous devons définir clairement ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.

Comme je l’ai mentionné dans la conclusion de mon intervention au sujet de cette question de privilège, le 23 novembre, je crois que la réponse se trouve en partie dans l’exemple des changements apportés au code de la Chambre des lords.

L’étude du comité devrait porter sur les articles suivants du code qui concernent précisément ce qui est reconnu comme une atteinte au privilège : les articles 7.1(1) et 7.1(2), sur la conduite générale, ainsi que l’article 7.3 sur le harcèlement et la violence. Si d’autres comportements inappropriés devaient survenir, ce serait le meilleur moyen de nous assurer d’avoir les outils pour y répondre de façon efficace et durable.

Selon son mandat, le Comité de l’éthique est chargé :

[...] des questions ayant trait au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs [...] notamment les formulaires destinés aux sénateurs pour l’application de ce code, sous réserve de la compétence générale du Sénat.

Il est tout à fait logique que ce soit à ce comité que soit confié cet important mandat. En fait, c’est la seule entité à qui on peut confier ce mandat en toute confiance.

Chers collègues, lorsque nous sommes assermentés en tant que sénateurs, on nous confère, pour le reste de notre vie, le titre « honorable ». Cela signifie que nous sommes tenus d’observer les normes de conduite et de décorum les plus élevées. C’est dans notre propre intérêt pour nous acquitter de nos devoirs correctement, mais, surtout, c’est essentiel pour que le public canadien ait confiance en la Chambre haute et en leur Parlement. Le Sénat doit être un exemple dont les Canadiens sont fiers.

Si vous me le permettez, je vais maintenant parler au nom de mes autres collègues qui ont été touchées par les événements qui se sont produits le 9 novembre et les jours suivants, la sénatrice Bernadette Clement et la sénatrice Chantal Petitclerc. Je tiens seulement à exprimer à quel point il est important pour nous d’avoir un environnement de travail sain. Par conséquent, nous tendons la main à nos collègues qui sont impliqués dans cette situation. Nous espérons que, malgré certaines différences d’opinions, nous pouvons travailler ensemble de manière constructive et que ce malheureux incident amènera une prise de conscience qui nous aidera à travailler ensemble en nous respectant les uns les autres.

Ce qui s’est passé était regrettable et difficile pour tout le monde. Le sénateur Plett a présenté ses excuses, et la sénatrice Clement les a acceptées, même publiquement, et je vois cela comme un rameau d’olivier. Je tiens à préciser que je ne cherche pas, en présentant cette motion, à faire imposer des sanctions personnelles. Je cherche plutôt à façonner un avenir meilleur.

Au Sénat, le travail que nous faisons est exigeant. Nous devons quitter nos régions et nos familles, passer beaucoup de temps en déplacement, siéger de longues heures, parfois jusque tard dans la nuit, pour étudier de près des mesures législatives importantes et complexes. Si c’est quelque chose que nous ne pouvons pas contrôler, nous pouvons en revanche contrôler la manière dont nous nous comportons les uns avec les autres et le climat dans lequel nous collaborons avec nos estimés collègues.

Pour conclure, je dirais que le pire comportement qui puisse venir s’ajouter à ce dont nous avons été témoins le 9 novembre serait de se servir du Règlement pour empêcher ce débat d’avoir lieu et retarder la prise d’une décision dans l’espoir que cette affaire meure eu Feuilleton. La chose honorable à faire n’est pas d’éluder la question, mais de travailler à la recherche d’une solution.

Chers collègues, faisons en sorte que cette question soit étudiée comme il se doit, et confions au Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs la tâche de trouver une solution afin que nous puissions aller de l’avant ensemble en laissant derrière nous ces événements, et afin qu’à titre de sénateurs honorables, nous respections les normes de conduite les plus élevées possible.

Je vous remercie encore, Votre Honneur. Merci. Meegwetch.

(2010)

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Chers collègues, selon les termes mêmes de la décision de la présidence qui a été rendue aujourd’hui et dont je vais citer ici un passage qui se trouve à la page 3 :

[...] rien ne peut justifier une réaction aussi excessive dans une Chambre qui est normalement fière de son rôle de second examen attentif [...]

La décision dit ceci à la page 11 :

Les événements du 9 novembre ont entraîné une réaction disproportionnée à une motion tendant à l’ajournement du débat.

À la page 3, encore une fois :

Le chaos exceptionnel a continué pendant que la sonnerie se faisait entendre [...]

À la page 7 :

Les sénateurs ont reconnu l’importance de l’affaire [...]

À la page 7 :

Des sénateurs nous ont parlé des effets troublants des événements du 9 novembre. Je suis certaine que vous avez tous été troublés d’entendre ces informations.

À la page 8 :

[...] comme l’ont souligné de nombreux sénateurs, nous devons garder à l’esprit que les médias sociaux peuvent être particulièrement néfastes pour les femmes, les Canadiens racialisés et les autres groupes en quête d’équité, qui sont souvent ciblés de manière disproportionnée.

À la page 9 :

[...] il ne faut jamais perdre de vue comment les mots et les gestes sont compris par celui qui les reçoit, et comment les tierces parties les perçoivent [...]

À la page 10 :

La composition et la culture du Sénat ont changé, et plusieurs collègues ont parlé avec éloquence de l’imbrication des questions de genre, d’ethnicité et de capacité physique dans les événements du 9 novembre.

À la page 11 :

Nous devons nous adapter au fait que des comportements qui ont pu être tolérés par le passé ne sont plus acceptables.

À la page 12 :

Tous ces événements peuvent être considérés comme des tentatives visant à intimider des collègues et à les contraindre indûment, voire les punir, dans l’exercice de leurs fonctions en tant que parlementaires.

À la page 12 également :

Les voies de fait, les menaces et les insultes à l’égard d’un [parlementaire] au cours des délibérations du Parlement, ou alors qu’il circule dans l’enceinte parlementaire, constituent une atteinte aux droits du Parlement.

À la page 13 :

Comme l’indique la définition du privilège dans le Règlement, « la liberté de parole au Sénat et au sein de ses comités … et, de façon générale, la protection contre l’obstruction et l’intimidation » sont des droits fondamentaux qui nous sont nécessaires pour exercer nos fonctions en tant que membres de cette Chambre.

À la page 13, encore une fois :

Les sénateurs ne devraient pas avoir à craindre pour leur sécurité ou des représailles pour le simple fait de proposer une motion ou de voter.

À la page 14 :

Si les gens sont traités de manière humiliante, cela peut avoir des effets durables, et ce de façons qui ne sont pas toujours anticipées par les autres. En bref, l’intimidation existe au moment où l’on tente de l’exercer; il n’est pas nécessaire qu’elle réussisse pour être inacceptable.

À la page 14, encore une fois :

Des sénateurs, dans la salle du Sénat, se sont sentis menacés, insultés et intimidés. (p. 14);

Aux pages 14 et 15 :

Même si des sénateurs n’avaient pas l’intention d’intimider ou d’humilier par leurs paroles et leurs gestes ce jour-là, c’est de cette façon que ces actions ont été reçues et comprises par les autres. Cette situation doit être corrigée afin que nous soyons en mesure de nous acquitter de nos responsabilités au Parlement.

À la page 15 :

[...] les actions relatives à l’intimidation de sénateurs en ce qui a trait à l’exercice de leurs fonctions parlementaires. Il y avait un lien de cause à effet extrêmement étroit qui relève clairement du privilège. Des sénateurs, agissant dans le cadre du Règlement, se sentaient intimidés.

À la page 16 :

Le droit de voter et de prendre des décisions, sans intimidation ni menace, est peut-être le privilège le plus essentiel accordé aux sénateurs, nous permettant de prendre collectivement des décisions réfléchies.

C’est pourquoi, chers collègues, j’appuie la motion tendant à envoyer la question au Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs pour étude et rapport afin d’obtenir ses recommandations relativement aux éléments suivants.

Pour le Sénat en tant qu’institution parlementaire : un amendement au paragraphe 7.3 du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs selon lequel le harcèlement et l’intimidation constituent des manquements graves aux paragraphes 7.1 et 7.2 du code; un amendement qui définit que toute conduite contraire aux paragraphes 7.1 et 7.2 du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs est couverte, peu importe le moyen d’expression ou de communication utilisé pour la propager, y compris les réseaux sociaux; un amendement au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs selon lequel des gestes d’intimidation posés devant le siège de la présidence et devant la personne qui assure la présidence constituent des manquements au paragraphe 7.11 du code.

Pour les sénatrices visées directement, intimidées et harcelées : des mesures de réparation appropriées dans les circonstances, tenant compte de la gravité de l’atteinte à leur privilège; des mesures prévoyant notamment au moins une consultation juridique sur leurs droits et leurs recours dans les circonstances de la reconnaissance du bien-fondé de la question de privilège; des mesures qui tiennent compte du fait qu’elles exercent des fonctions d’autorité au nom d’un groupe parlementaire reconnu, ce qui ajoute à la gravité de l’atteinte au privilège.

Pour tous les autres sénateurs et sénatrices et pour la communauté entière du Sénat et même à l’extérieur du Sénat : des mesures en vue de traiter l’aspect systémique soulevé par la question de privilège maintenant reconnue.

Merci.

L’honorable Diane Bellemare : J’interviens ce soir de manière très spontanée. Je n’avais pas l’intention de m’exprimer. Cependant, je le fais à titre de présidente du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. À ce titre, j’ai besoin de mettre mon grain de sel, étant donné que, par le passé, les questions de privilège sont souvent retombées sur le dos de ce comité.

J’interviens pour dire que j’appuie cette motion, d’autant plus que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement n’est pas adéquat pour traiter de cette conversation que l’on devrait tenir entre membres de différents groupes, puisque ce comité est formé de 15 personnes avec une composition proportionnelle, alors que le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs est composé de 6 personnes. On sera en mesure d’avoir une conversation plus saine par rapport à des questions de procédure et de code de conduite.

Nous sommes en 2023, nous sommes dans un Sénat paritaire, qui est aussi composé de divers groupes. Le décorum et la procédure ne sont plus comme avant. Il faut en prendre acte.

J’appuie totalement la motion.

On propose aussi que le comité soit autorisé à se réunir en public. C’est intéressant. C’est une pratique que nous avons commencé à adopter au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement : toutes nos séances sont publiques. Cela oblige chacun à réfléchir à ce qu’il va dire et donc à exercer une certaine retenue, si l’on pense à notre collègue qui est disparu et qui prônait toujours la retenue. Siéger en public est une bonne chose.

C’est ce que je voulais souligner au sujet de cette motion. Merci beaucoup.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada

Troisième lecture—Motion d’amendement—Report du vote

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moodie, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Cormier, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne,

Que le projet de loi C-35 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 8, à la page 6, par substitution, aux lignes 14 à 22, de ce qui suit :

« 8 (1) Le gouvernement du Canada s’engage à maintenir le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, notamment ceux destinés aux peuples autochtones et aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.

(2) Ce financement doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec les gouvernements provinciaux et les corps dirigeants autochtones et autres entités autochtones qui représentent les intérêts d’un groupe autochtone et de ses membres. ».

L’honorable Réjean Aucoin : Il est quand même un peu tard. Je pensais pouvoir compter sur mon collègue le sénateur Cuzner pour me mettre la main sur le bras au cas où je tomberais endormi, mais il n’est pas là.

Merci à tous ceux qui ont parlé avant moi en faveur de la motion. Je suis d’accord avec vos commentaires. Merci au sénateur Patterson, qui a précisé que les communautés autochtones et les communautés de langue officielle devraient travailler de concert, et que ce projet de loi et cet amendement ne vont pas à l’encontre de l’un ou l’autre.

Chers collègues, merci de me donner cette tribune ce soir et merci des éloges que vous avez prononcés à mon égard lorsque j’ai été assermenté. C’était très touchant. J’espère pouvoir rendre compte de tous les éloges que vous m’avez faits.

(2020)

Je m’adresse à vous peu après ma nomination, car je ne peux rester silencieux au sujet de la motion d’amendement sur le projet de loi C-35. Qui suis-je? Cela vous donnera une petite idée de la raison pour laquelle j’interviens.

Je suis originaire de Chéticamp, une petite enclave acadienne où l’on parle français, qui est située au Cap-Breton, en Nouvelle‑Écosse. Aujourd’hui, environ 2 500 personnes y parlent encore le français.

En 1991, les francophones et les Acadiens de la Nouvelle-Écosse étaient répartis dans une dizaine de villages et formaient environ 3,9 % de la population, ou 35 000 personnes. Aujourd’hui, on en compte 26,775 dont le français est toujours la langue première, soit 2,8 % de la population sur plus d’un million d’habitants.

Pour ma part, j’ai grandi à Chéticamp, mais j’ai étudié à Moncton et à Paris. Avant de devenir avocat à l’âge de 37 ans, j’ai travaillé comme journaliste et réalisateur radio à Radio-Canada et j’ai aussi travaillé dans le secteur du développement communautaire auprès de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse. Je connais bien les communautés acadiennes et francophones du pays, car j’ai sillonné ma province et le pays d’un bout à l’autre.

À l’école, j’ai fait toutes mes études en anglais dans mon village, sauf le cours de français et, à partir de la neuvième année, le cours d’histoire. À l’époque, le conseil scolaire était composé d’environ neuf membres unilingues anglais qui décidaient du programme scolaire pour des dizaines d’écoles anglaises, mais aussi pour l’école située à Chéticamp, qui était peut-être une école anglaise, elle aussi. Il est inutile de vous dire que les études en français pour les Acadiens n’étaient pas la priorité de ce conseil scolaire. Les sénateurs autochtones peuvent sans doute comprendre ce à quoi je fais référence.

Pour ce qui est de l’éducation en Nouvelle-Écosse et de l’article 23, en 1982, avec l’adoption de la Charte, je croyais que notre communauté aurait enfin son école française. Quelle illusion! En 1985, nous avons dû organiser une campagne du « oui », une pétition pour répondre à un plébiscite de la municipalité qui n’avait aucun recours ou aucune compétence en la matière. Nous avons dû aussi montrer au gouvernement que nous voulions bel et bien une école homogène française. Nous avons dû nous battre contre les médias anglophones et l’opinion publique, qui nous traitaient notamment de séparatistes et de racistes.

Les gens qui étaient contre l’école française clamaient que les diplômés qui sortaient d’une école homogène française de Chéticamp ne parleraient pas du tout anglais. Je peux vous dire qu’à l’âge de 5 ans, ma fille parlait déjà anglais. Ce n’est pas moi qui l’ai encouragée à le faire.

Le préfet de la municipalité du comté d’Inverness à l’époque, lors d’une réunion publique à laquelle assistaient environ 500 personnes, a dit, et je cite : « Over my dead body that there will be a unilingual French school in Chéticamp! » Eh bien, ce préfet, il est décédé aujourd’hui, et que Dieu le bénisse, car nous avons eu notre école! Toutefois, ce ne fut pas sans séquelles. Des gens ont été menacés, une voiture a été incendiée par les gens qui étaient contre et encore aujourd’hui, certaines personnes sont encore identifiées selon le camp du « oui » et du « non ». Je vous laisse décider de quel camp je faisais partie.

À l’époque, j’étais loin de penser que, sept ans plus tard, je serais avocat et encore moins que je me trouverais devant vous aujourd’hui pour vous raconter tout ceci.

La Nouvelle-Écosse, nonobstant le parti au pouvoir, a fait un peu la même chose dans toutes les communautés acadiennes de la province en demandant aux communautés si elles voulaient une école homogène française. Cela a entraîné des conflits dans chaque communauté et a retardé au maximum les obligations du gouvernement provincial pour qu’il nous donne des écoles homogènes françaises, malgré l’article 23 et la Charte promulguée en 1982.

Pour ma part, mes filles sont nées en 1988 et 1990 et elles ont obtenu leur diplôme en 2000 et en 2002, toujours dans notre vieille école qui avait plus de 40 ans. Durant cette période, on a construit une école anglaise flambant neuve, comme on le dirait à Chéticamp, à Margaree ou à Belle Côte, et bon nombre de nos élèves acadiens l’ont fréquentée. Inutile de vous dire que plusieurs d’entre eux ont été assimilés.

[Traduction]

Honorables sénateurs, vous vous demandez peut-être pourquoi je vous raconte tout cela. Je vous prie d’être patients. J’ai l’intention de faire un parallèle entre le projet de loi C-35 et l’amendement proposé par le sénateur Cormier. Je vais vous parler de l’histoire de l’éducation dans la langue de la minorité en Nouvelle-Écosse. Pour ce faire, je dois parler de l’affaire Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation).

Cette affaire, qui s’est rendue jusqu’à la Cour suprême du Canada, portait sur le droit des Acadiens et des francophones de la Nouvelle-Écosse à des écoles francophones. En 1998, 16 ans après l’adoption de la Charte et de l’article 23 garantissant le droit à l’instruction dans la langue officielle de la minorité, la province n’avait toujours pas octroyé les fonds nécessaires à la construction et à la rénovation des établissements nécessaires et à la prestation des programmes requis.

Dans sa décision, le juge Leblanc a déclaré que, bien que la province n’ait pas nié qu’elle avait promis aux minorités acadiennes et francophones sur son territoire une éducation dans leur langue, elle n’avait pas tenu ses promesses. Il a dit ce qui suit aux paragraphes 4, 5 et 6.

Le paragraphe 4 souligne ceci :

Malgré l’annonce faite en ce sens par le gouvernement, la mise en chantier des nouvelles écoles francophones promises n’a jamais eu lieu.

Le paragraphe 5 souligne ceci :

[...] ce qui est véritablement en cause est non pas l’existence et le contenu des droits que l’art. 23 garantit aux appelants, mais plutôt la date à laquelle ils pourront finalement bénéficier des programmes et des écoles.

Le paragraphe 6 souligne ceci :

[...] les défendeurs n’ont pas attaché assez d’importance à l’inquiétant taux d’assimilation des Acadiens et des francophones de la Nouvelle‐Écosse. [...] la province a considéré que les droits garantis par l’art. 23 n’étaient rien de plus qu’une autre demande de programmes éducatifs et d’établissements d’enseignement, et elle ne leur a pas accordé la priorité qui leur est due en tant que droits conférés par la Constitution.

Cette situation de la Nouvelle-Écosse n’est pas unique. On trouve des cas comme l’affaire Doucet-Boudreau dans la plupart des provinces et des territoires, puisque les parents des minorités francophones ont dû aller devant les tribunaux pendant un certain nombre d’années pour obtenir le droit de faire instruire leurs enfants dans leur langue.

[Français]

J’en viens maintenant à l’amendement proposé. Les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont mentionnées trois fois dans le projet de loi C-35, mais n’apparaissent ni dans le préambule ni dans l’article 8, qui porte sur le financement.

Cet amendement n’enlève rien au projet de loi. Essentiellement, on ajoute à l’article 8 que le financement est aussi destiné aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Les cours seraient donc obligées d’en tenir compte si jamais une action était présentée.

C’est une déclaration permettant d’éliminer toute ambiguïté pour déterminer si le financement s’applique aux communautés linguistiques. Voici ce que disait en comité le professeur Larocque, titulaire de la Chaire de recherche en droits et enjeux linguistiques de l’Université d’Ottawa. Il est possible que vous ayez déjà entendu cette citation :

Sans la modification proposée à l’article 8, les communautés de langues officielles en situation minoritaire (CLOSM) risquent de se voir priver le financement fédéral nécessaire au maintien à long terme des programmes et des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.

Il est allé plus loin en disant que nous aurions tort de croire que le projet de loi, tel qu’il est rédigé sans amendement, garantit que les communautés linguistiques auront leur part du financement. Vendredi, j’ai parlé à Suzanne Saulnier, directrice générale du Centre d’appui à la petite enfance de la Nouvelle-Écosse (CAPENÉ), créé il y a une trentaine d’années. Cette association regroupe environ 16 garderies francophones en Nouvelle-Écosse, en d’autres mots toutes les garderies francophones en Nouvelle‑Écosse.

(2030)

Voici ce qu’elle m’a dit :

Malgré qu’une entente fédérale-provinciale fut signée le 13 juillet 2021, peu de nouvelles places ont été créées spécifiquement dans les centres de la petite enfance de langue française pour la communauté acadienne. En dépit des dix-huit nouvelles places annoncées pour la région de Wedgeport, ces places ne sont toujours pas disponibles en raison des délais de la construction de l’école. De notre part, nous avons fait une demande de fond en février 2022 et à nouveau en octobre 2022, mais nous n’avons toujours pas eu de fonds additionnels de cette entente. Il n’y a même pas de place pour les petits de 18 mois à 3 ans.

On représente les 16 centres de la petite enfance acadiens et francophones de la province, mais on ne sait aucunement combien d’argent nous aurons de cette nouvelle entente, combien est réservé pour les Acadiens et quand on pourra en bénéficier.

De plus, notre association ne siège pas à la table de consultation formée suite à l’entente malgré notre implication depuis 30 ans.

Je note les commentaires de la sénatrice Cordy au sujet des sommes que la Nouvelle-Écosse va attribuer à la petite enfance. Toutefois, quelle garantie avons-nous que les Acadiens et les francophones de la province obtiendront leur part?

Pour sa part, Nicole Arseneau Sluyter, présidente de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, à qui j’ai parlé vendredi, s’est dite en faveur d’ajouter les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8, ce qui assurerait plus concrètement le financement, si jamais l’affaire allait devant les tribunaux.

Elle dit, ce qui suit :

Il n’y a pas assez de garderies francophones, et certains parents n’ont pas d’autre choix que d’inscrire leurs enfants dans des garderies anglophones, ce qui engendre leur inscription aux écoles anglophones. Résultat, leurs enfants finissent par perdre leur langue maternelle.

Peut-être que les parents francophones dans chaque province et territoire ne seront pas obligés, à tour de rôle, de poursuivre leur gouvernement ou leur administration pour obtenir des garderies francophones et leur administration, mais comme sénateur, êtes‑vous prêts à prendre ce risque? Moi, je ne le suis pas, étant donné le recours de la Nouvelle-Écosse et ce que Suzanne Saulnier nous a dit. Je ne vois pas encore de résultat à la suite de la signature de la nouvelle entente, en 2002.

Aux peuples autochtones de ce pays, même si le projet de loi leur attribue de nombreuses références, rien n’est garanti.

Nos communautés ne sont pas en concurrence l’une contre l’autre, mais c’est de pair qu’elles doivent revendiquer leur part afin d’avoir des garderies pour la petite enfance pour des générations à venir.

Je suis ici pour vous dire que même si ce petit amendement est adopté — ce n’est même pas dans le préambule de la loi —, rien ne garantit que ma province donnera des places aux francophones et à quel moment on va leur donner, et c’est à peu près la même situation dans les autres provinces.

Je vous conjure, chers sénateurs et sénatrices, de voter en faveur de la motion. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Joan Kingston : Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi de prendre la parole pour la première fois dans cette enceinte. Je ne pensais pas prendre la parole si peu de temps après mon entrée en fonction. Je n’ai aucune anecdote à raconter, mais je suis certaine que je ne pourrai jamais égaler le talent de conteur du sénateur Prosper. Je vais en rester là.

J’ai cependant l’espoir qu’au cours des prochains mois et des prochaines années, je vais montrer mon étincelle, comme il nous a demandé de le faire.

Je me prononce en faveur de cet amendement au projet de loi C-35 parce qu’il correspond à mon objectif de donner la parole aux groupes en quête d’équité et d’aborder les questions qui ont une incidence sur les déterminants sociaux de la santé et la justice sociale.

Chers collègues, le projet de loi C-35 est une importante mesure législative qui permettra au gouvernement fédéral de collaborer avec les provinces, les territoires et les populations autochtones afin d’instaurer un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants abordable, inclusif et de grande qualité pour les familles de tout le Canada et de favoriser un accès équitable à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants.

Je dois dire qu’en raison des répercussions qu’elle a sur le développement pendant la petite enfance, l’éducation préscolaire est pour moi une priorité.

Le projet de loi C-35 constitue une autre étape importante pour garantir que le système restera en place très longtemps, afin que des générations de jeunes Canadiens puissent avoir le meilleur départ possible dans la vie.

[Français]

Ma famille vit dans les deux langues officielles du Nouveau-Brunswick. Mon mari est un fier Acadien.

[Traduction]

Nos proches et nos enfants ont eu la chance de vivre près de la capitale du Nouveau-Brunswick, où ils avaient accès, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, à des services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants de qualité et en français, grâce au centre communautaire Sainte-Anne. Ils ont aussi fréquenté l’école Sainte-Anne.

J’aimerais seulement dire que cela a été rendu possible grâce à Louis Robichaud, puis à Richard Hatfield. Ces deux anciens premiers ministres du Nouveau-Brunswick étaient dans des camps opposés et ont dirigé la province l’un après l’autre, mais ils étaient tous deux favorables à l’égalité des chances pour tous.

C’est pour cela que mes enfants ont eu cette possibilité.

Je souhaite et je veux que tous les enfants puissent vivre ces expériences, en particulier ceux des communautés anglophones et francophones du pays. L’éducation préscolaire est essentielle au développement de la petite enfance, et cela fait partie des déterminants sociaux de la santé.

L’éducation préscolaire devrait être considérée comme un aspect important de l’éducation des enfants. Nous devrions prendre tous les moyens possibles pour protéger et promouvoir ces services d’éducation dans les communautés linguistiques. D’ailleurs, au Nouveau-Brunswick, l’éducation est protégée en vertu des articles 16 et 16.1 de la Loi constitutionnelle. Cependant, on n’a jamais vraiment intégré l’éducation préscolaire au système d’éducation, et il faut le faire.

Je vais voter en faveur de cet amendement. Je vous exhorte à faire de même.

Merci. Meegwetch.

[Français]

L’honorable Jim Quinn : Merci à mes collèges de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, et merci, sénateur Aucoin, d’avoir partagé votre histoire qui a vraiment souligné, pour moi, l’importance de l’amendement de notre collègue, le sénateur René Cormier.

[Traduction]

Je remercie la sénatrice Kingston de ses observations sur l’importance de ce que les précédents dirigeants du Nouveau-Brunswick ont fait pour la population de notre province.

Ce soir, j’aimerais faire quelques dernières observations. Je pense que le sénateur Cormier a très bien expliqué pourquoi l’article 8 mérite de faire l’objet de l’amendement qu’il a proposé.

J’aimerais souligner une ou deux autres choses. L’autre endroit nous a fait parvenir ce projet de loi avec les amendements de son comité. Cela nous a permis de nous pencher sur un bon projet de loi, de le soumettre à un second examen objectif, et de réfléchir à la manière de l’améliorer. C’est, je crois, la tâche qui nous incombe. Or, je comprends les pressions qui s’exercent à ce moment-ci de l’année pour ce qui est de faire aboutir des mesures législatives. Cependant, je crois aussi que la Chambre, l’autre endroit, a apporté des amendements à l’article 7. Or, comme nos collègues l’ont si fréquemment souligné, cela n’a pas vraiment assuré la viabilité à long terme des programmes en veillant à ce que l’aspect financier soit traité de façon satisfaisante dans l’article 8 du projet de loi. Je crois que c’est quelque chose de vraiment primordial.

(2040)

J’ai eu le plaisir de siéger au comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour remplacer l’un de mes collègues qui ne pouvait pas être présent. J’étais donc ce qu’on appelle un membre votant, et il était très impressionnant d’entendre les discussions qui avaient lieu à cette réunion du comité. Ce soir-là, des représentants de ma province, le Nouveau-Brunswick, étaient là. J’ai donc eu l’occasion de m’entretenir avec eux avant et après la séance. Je pense qu’ils ont donné un excellent exposé et qu’ils ont répondu aux questions de manière juste, équitable et transparente.

On leur a notamment demandé si le projet de loi était convenable dans sa version actuelle et s’il pouvait aider leur province. Ils ont répondu que oui. Nous avons dû mettre fin au débat, faute de temps. La présidente du comité a bien indiqué qu’il y avait d’autres questions. J’avais une question complémentaire à poser, mais j’ai eu l’occasion de parler aux fonctionnaires par la suite, et je leur ai posé ma question. Même si le projet de loi améliorerait la situation, je leur ai demandé s’il serait plus avantageux pour la province si l’on apportait à l’article 8 l’amendement dont nous avons parlé ce soir. Ils ont répondu que oui. Je n’ai pas eu l’occasion de poser cette question au comité, mais je tenais à apporter cette précision ce soir.

Je m’exprime non seulement en tant que sénateur du Nouveau-Brunswick, mais également en tant que sénateur du Canada. Comme l’a si éloquemment décrit le sénateur Aucoin lorsqu’il a raconté sa jeunesse dans la province voisine de la mienne, les minorités linguistiques ont des droits partout au pays. Sénateurs, d’autres régions de la Nouvelle-Écosse ont vécu la même chose. Comme vous le savez tous, la partie sud-ouest de la Nouvelle-Écosse connaît des difficultés comparables. Je crois que nous avons la responsabilité d’exercer notre devoir de second examen objectif et de renforcer le projet de loi sans lui porter injustement préjudice, en tenant compte du fait que l’autre endroit a adopté le projet de loi à l’unanimité. Toutefois, je crois qu’il a commis une légère omission en ne faisant pas exactement ce que le sénateur Cormier tente d’accomplir au moyen de son amendement. Nous avons le devoir à tout le moins d’apporter de nouveau cet amendement.

Mon collègue le sénateur Ravalia a fait remarquer aujourd’hui que nous venons de faire la même chose avec un autre projet de loi que nous avons renvoyé avec un amendement. Il a été accepté, et le Sénat en est de nouveau saisi, si je comprends bien. Je suis convaincu que l’autre endroit avait l’intention de présenter un document plus robuste. Je crois que le second examen objectif l’a renforcé, de sorte qu’il sera un peu plus difficile pour les futurs gouvernements de modifier les ententes de financement pour les groupes linguistiques minoritaires dans n’importe quelle région de notre pays.

Par conséquent, je prends la parole ce soir pour remercier le sénateur Cormier de sa prévoyance et de faire en sorte que notre pays embrasse réellement le bilinguisme officiel. Nous devons également garder à l’esprit les droits des Autochtones au Canada. Très franchement, ce sont des amendements que nous avons le devoir d’adopter et de renvoyer à l’autre Chambre pour qu’elle puisse les adopter ou les rejeter. C’est une décision qui lui appartient.

Je pense qu’il est de notre devoir de renforcer ce projet de loi, comme on l’a expliqué avec beaucoup d’éloquence ce soir.

Je vous remercie.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénateur Cormier, d’avoir proposé cet amendement. Je remercie tous ceux qui ont participé au débat.

J’ai préparé un texte que je vais lire.

D’abord, permettez-moi de souligner que j’entends essayer de présenter la position du gouvernement. Le gouvernement n’appuie pas cet amendement, et le sénateur Cormier est au courant. J’étais présent lors de l’étude article par article menée par le comité. Je vais tenter d’être aussi clair que possible en tant que membre d’une communauté linguistique en situation minoritaire envers laquelle le gouvernement provincial n’est pas vraiment bienveillant, même si ma communauté jouit de privilèges depuis des siècles. Nous avons eu la vie beaucoup plus facile que les membres des communautés francophones hors Québec.

J’ai conscience de l’importance de cet enjeu pour vous. Je comprends tout à fait certains d’entre vous et d’autres sénateurs de défendre cet amendement avec autant de conviction. Je n’ai rien à y redire. Tout le monde a son identité à cœur. Chacun y tient. Elle fait partie de nous. Notre langue est notre fenêtre ouverte sur le monde, celle qui nous permet de nous exprimer à la face du monde.

J’espère que vous écouterez mes observations sans me prêter de mauvaises intentions. Je ne prendrai pas mon point de vue de constitutionnaliste, même si vous aurez probablement l’impression du contraire lorsque je vous présenterai l’analyse juridique que le gouvernement, en tout cas, estime être juste. De plus, je ne vais pas prétendre que cet amendement, s’il est adopté, torpillera le projet de loi ou — je cherche la bonne image — qu’il causera l’effondrement des cathédrales. J’y suis : faire couler l’armada. Quoi qu’il en soit, je ne ferai rien de tel.

J’ai déjà fait valoir des arguments contre des amendements au Sénat, mais je semble avoir de moins en moins de succès. L’appétit des sénateurs pour les amendements semble s’aiguiser plus que je ne le souhaiterais. Cependant, la volonté du Sénat est que... Nous sommes tous ici pour servir les Canadiens, et j’ai accepté de siéger ici il y a sept ans en croyant à l’indépendance du Sénat et à notre devoir de faire de notre mieux pour améliorer les projets de loi. J’y crois toujours, d’ailleurs.

Je suis aussi convaincu qu’il n’est jamais possible pour les humains d’être soit rationnels, soit émotifs. Comme l’explique maintenant la neuroscience et comme le veut même la sagesse de nos traditions, d’ailleurs — nous n’avions pas besoin de la neuroscience pour le savoir —, en ce qui concerne leur intelligence et leur jugement, les êtres humains ne peuvent pas faire abstraction d’une partie de ce qu’ils sont.

Vous pouvez lire l’analyse vous-mêmes. Ce que je vais vous dire découle de ma propre vision des choses et du chapeau que je porte. Vous pouvez l’accepter ou le rejeter. Merci de m’avoir écouté pendant ce préambule. Je passe maintenant à mon discours.

Je vais parler brièvement de l’amendement. Le gouvernement ne peut pas l’appuyer, mais ce n’est pas parce que le but que vise l’amendement n’est pas valable. C’est parce que, selon le gouvernement, il n’est pas conforme à l’objet fondamental du projet de loi. L’objet est défini à l’article 5.

L’objet du projet de loi est :

a) d’énoncer la vision du gouvernement du Canada pour un système communautaire d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada ainsi que son engagement de collaborer de manière continue avec les provinces et les peuples autochtones afin d’appuyer leurs efforts pour établir et maintenir un tel système [...]

La responsabilité de la garde des jeunes enfants incombe exclusivement aux provinces, aux territoires et aux communautés autochtones qui ont le droit constitutionnel à l’autonomie gouvernementale. Ce sont eux qui ont la responsabilité d’établir, de gérer et de maintenir le système.

L’objet du projet de loi est également :

b) de prévoir l’engagement du gouvernement [...]

 — du gouvernement du Canada —

[...] de maintenir un financement à long terme aux provinces et aux peuples autochtones pour l’établissement et le maintien de ce système;

c) d’établir les principes qui guident les investissements continus du gouvernement dans ce système [...]

[Français]

Chers collègues, le projet de loi C-35 s’applique uniquement au gouvernement fédéral qui inscrit dans la loi un engagement fédéral à long terme pour construire et maintenir un système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Le projet de loi respecte les compétences des provinces et des territoires et n’impose pas de conditions ou d’exigences aux gouvernements provinciaux et territoriaux ni aux peuples autochtones. Toutes les provinces et tous les territoires conserveront leurs compétences et leurs responsabilités en matière d’apprentissage à l’égard des jeunes enfants.

Je rappelle à mes collègues que tous les accords pancanadiens sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants signés avec les provinces et les territoires, à l’exception du Québec, contiennent des clauses qui visent à soutenir et à respecter les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire en fonction des priorités et des contextes propres à chaque administration.

(2050)

[Traduction]

À titre d’exemple, l’accord bilatéral sur les garderies qui existe déjà entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Nouveau‑Brunswick comprend ce qui suit :

le Nouveau-Brunswick s’engage à élaborer et à financer un plan pour s’assurer que le processus de création de nouvelles places tient compte des enfants et des familles diversifiés ou vulnérables — y compris les enfants handicapés et les enfants ayant besoin d’un soutien accru ou individuel, les enfants autochtones, les enfants noirs et autres enfants racisés, les enfants de nouveaux arrivants et les minorités de langue officielle — afin qu’ils aient accès à un nombre de places équivalent ou supérieur à leur proportion de la population dans la province.

Comme nous le savons, l’amendement proposé par le sénateur Cormier vise à mentionner les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8 du projet de loi. Chers collègues, l’intention est certes louable, mais il serait incohérent de reconnaître les minorités francophones et anglophones aux côtés des provinces, des territoires et des peuples autochtones responsables de la conception et de la prestation des programmes et des services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants énoncés à l’article 8 du projet de loi. Sur le plan juridique, les minorités francophones et anglophones n’ont pas le même statut ni le même rôle que les partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones dans la prestation des programmes et services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants, pas plus que dans l’élaboration et la pérennisation de ce système pancanadien.

On a déjà mentionné que le projet de loi contient de nombreuses dispositions qui soulignent que le financement des services de garde d’enfants doit inclure des investissements pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. L’article 7 énonce clairement les principes fédéraux qui régissent les investissements fédéraux dans l’éducation préscolaire et la garde d’enfants partout au Canada. Ces principes comprennent les efforts déployés pour la conclusion d’accords avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones, c’est-à-dire les accords bilatéraux sur lesquels repose ce cadre et qui garantissent le financement fédéral continu à ces partenaires financiers.

Le gouvernement du Canada est absolument déterminé à soutenir les communautés de langue officielle en situation minoritaire dans le domaine de l’éducation préscolaire et de la garde d’enfants. Par exemple, le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 du gouvernement prévoit un investissement de plus de 60 millions de dollars sur 5 ans en éducation préscolaire et garde d’enfants dans les communautés francophones en situation minoritaire.

En ce qui concerne le projet de loi C-35, l’article 7 souligne les engagements financiers pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Permettez-moi d’apporter ces précisions de manière officielle :

[Français]

L’alinéa 7(1)(c) affirme que l’investissement doit appuyer la prestation de garde des jeunes enfants :

[...] issus des minorités linguistiques francophones et anglophones, qui respectent et valorisent la diversité de tous les enfants et de toutes les familles et qui répondent à leurs besoins variés;

Le paragraphe 7(3) affirme que les investissements fédéraux concernant les programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants doivent être « guidés par les engagements énoncés dans la Loi sur les langues officielles. »

Le paragraphe 11(1) affirme que le ministre doit tenir compte de l’importance de former un conseil incluant les communautés de langue officielle en situation minoritaire, faisant référence ici au Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants.

[Traduction]

Chers collègues, je tiens à souligner que, à l’alinéa 7(1)c) et au paragraphe 7(3), on emploie le présent de l’indicatif, ce qui exprime l’obligation en droit, plutôt qu’un autre temps qui laisserait place à l’interprétation. C’est donc un engagement du gouvernement fédéral à l’égard de sa responsabilité de financer les partenaires agissant dans leur sphère de compétence.

L’article 8 du projet de loi porte sur les mécanismes de financement et de prestation des services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants. Ce sont les provinces, les territoires et les partenaires autochtones qui en sont constitutionnellement responsables, et non les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Le projet de loi a été rédigé de manière à ce que le gouvernement respecte les compétences constitutionnelles des provinces et des territoires, ainsi que les droits des peuples autochtones, notamment le droit à l’autodétermination.

Chers collègues, le projet de loi n’est ni incohérent ni ambigu. Il ne s’agit pas d’un oubli. C’était tout à fait délibéré. Il s’agit d’une distinction délibérée entre les principes qui guident le financement et les bénéficiaires, dont les communautés de langue officielle en situation minoritaire ainsi que d’autres personnes pour qui l’accès à des services de garde équitables et abordables est une priorité, et les instances, qu’elles soient provinciales, territoriales ou autochtones, qui ont la responsabilité constitutionnelle de créer et d’offrir ces systèmes et de recevoir le financement correspondant.

Je soutiens respectueusement que, malgré les arguments que vous avez entendus, il y a effectivement un problème potentiel qui découle de l’inclusion des communautés linguistiques en situation minoritaire à l’article 8. Une fonctionnaire l’a dit en comité. Je vais répéter pour ceux d’entre vous qui ne siégeaient pas au comité. Je reprends dans une certaine mesure ce que je viens de dire, mais je cite la fonctionnaire en comité, qui a dit :

[...] sur le plan juridique, les minorités francophones et anglophones n’ont pas le même statut ni le même rôle que les partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones dans la prestation des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et dans l’élaboration et la préservation de ce système pancanadien. Le fait d’inclure une référence à ce groupe, à l’article 8, créerait une attente relativement à un financement accru qui lui serait réservé [...]

[L]’article 7 qui énonce les principes directeurs — et qui a déjà été modifié par le comité HUMA aux paragraphes 7(1) et 7(3) — souligne et inclut de façon adéquate le soutien à des groupes précis, comme les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire.

La fonctionnaire a ajouté ceci :

D’après ce que nous comprenons, le fait de mentionner les langues officielles ailleurs dans le projet de loi C-35 pourrait donner l’impression que la loi exclut expressément du soutien fédéral d’autres groupes systématiquement marginalisés qui ne figurent pas dans la liste, comme les enfants en situation de handicap.

Ensuite, à part les rôles et des responsabilités des différentes instances, je pense que cet amendement soulève des questions quant à l’appui aux langues autochtones, dont on ne parle pas dans le projet de loi [...]

Chers collègues, les meilleurs efforts peuvent parfois avoir des conséquences imprévues. Je suis certain que ni le sénateur Cormier ni aucun autre sénateur qui s’est exprimé ou qui votera en faveur de l’amendement n’ont l’intention de potentiellement priver de soutien d’autres communautés marginalisées qui ne figurent pas sur la liste. Cependant, l’équilibre entre la compétence constitutionnelle et l’engagement fédéral de financement dépend d’un libellé précis — ou de l’absence de libellé dans le cas qui nous occupe.

On a évoqué l’interprétation des lois, mais c’est une lame à double tranchant. Si l’exclusion d’une formulation risque d’entraîner des conséquences pour les communautés qui cherchent à obtenir gain de cause auprès de leur province — car cela relève de la compétence provinciale —, il en va de même pour l’inclusion de certains mots qui pourraient causer des problèmes, car les mêmes principes d’interprétation des lois s’appliquent à ceux qui ne seraient pas inclus dans l’amendement à l’article 8. Les avocats du gouvernement ont examiné la question avec soin. Ils l’ont étudiée à l’autre endroit. Ils estiment que l’amendement n’est pas approprié pour ces raisons.

(2100)

La sénatrice Moodie a souligné ceci dans le cadre de son discours à l’étape de la deuxième lecture :

[...] l’article 8 du projet de loi engage le Canada à maintenir un financement à long terme, principalement par la voie d’accords avec les provinces, les gouvernements autochtones et les organismes autochtones.

Amender l’article 8 en y ajoutant une autre entité pourrait, sur le plan de l’interprétation des lois, ajouter d’autres engagements financiers. C’est ce qui sous-tend l’opposition du gouvernement à cet amendement, car les provinces et les peuples autochtones ont des rôles juridiques et juridictionnels à jouer dans leur création et leur prestation, tandis que les communautés linguistiques en situation minoritaire — comme la mienne, au Québec, ou d’autres dans d’autres provinces — n’en ont tout simplement pas.

Nonobstant le fait que nos droits sont protégés à plusieurs titres — l’éducation, entre autres — par la Constitution, notre statut est néanmoins différent de celui des provinces, des territoires et des gouvernements autochtones.

[Français]

Le projet de loi C-35 vise également à respecter et à faire respecter les droits des peuples autochtones, y compris le droit à l’autodétermination. Comme l’ont souligné les fonctionnaires, l’amendement du sénateur Cormier pourrait soulever des questions sur le soutien aux langues autochtones. Ce n’est certainement pas l’intention du sénateur Cormier ni de ceux et celles qui appuient son amendement, mais cela pourrait mener à une modification ou à une division de l’article 8.

Le sénateur Cormier a raison de dire que la formulation qu’il propose dans son amendement figure dans d’autres projets de loi. Cet argument n’a pas nécessairement été soulevé dans le débat aujourd’hui, mais il l’a été, et avec raison, lors de l’étude des projets de loi C-11 et C-18 en comité.

Par ailleurs, dans ces projets de loi, la formulation est utilisée dans un contexte précis. La même formulation suggérée à l’article 8 du projet de loi C-35 ne figure pas dans le contexte de ces projets de loi. Comme je l’ai dit plus tôt, ce n’est pas nécessairement conforme à l’objectif fondamental du projet de loi C-35, qui est de garantir du financement fédéral aux provinces, territoires et gouvernements autochtones qui ont la responsabilité de livrer la marchandise par rapport aux places en garderie pour les familles canadiennes.

[Traduction]

Comprenez-moi bien. Le gouvernement du Canada est conscient de la valeur des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans les services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants. Voilà pourquoi c’est inscrit dans toutes les ententes bilatérales avec les provinces et les territoires, encore une fois à l’extérieur du Québec, qui bénéficie d’une entente asymétrique. Les ententes de financement actuelles présentent les intentions des communautés linguistiques en situation minoritaire et l’article 7 de la loi-cadre prévue dans le projet de loi C-35 en fait une question de principe.

Le gouvernement juge qu’il serait inapproprié d’amender l’article 8. Je mets votre patience à l’épreuve en répétant constamment la même chose, mais l’article 8 se concentre exclusivement sur qui met en pratique les promesses contenues dans ces accords bilatéraux — les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones — et leur manière de le faire.

[Français]

De plus, comme vous l’avez peut-être vu cette semaine, des défenseurs des services de garde pour les jeunes enfants de tout le pays, y compris du Nouveau-Brunswick, ont publiquement demandé d’adopter ce projet de loi sans proposer d’autres amendements. Des groupes comme le YWCA, Un enfant Une place et le Congrès du travail du Canada ont écrit pour nous rappeler que, il y a 50 ans, la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada a recommandé au gouvernement fédéral de prendre immédiatement des mesures pour adopter une « loi nationale sur les garderies », afin d’investir des fonds fédéraux dans la construction et le fonctionnement de programmes de garde d’enfants.

[Traduction]

Ces groupes ont écrit qu’à ce stade, chers collègues, le projet de loi C-35 est assez solide pour garantir un accès équitable aux services de garde pendant des générations.

Pour toutes ces raisons — et je vous sais gré de m’avoir laissé parler plus longtemps que je l’avais prévu —, ni le gouvernement du Canada ni moi, qui le représente, ne pouvons appuyer l’amendement bien intentionné du sénateur Cormier, tout simplement. Je vous invite à tenir compte de mes observations et à voter contre l’amendement.

Je vous remercie grandement de votre patience.

L’honorable Jim Quinn : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Merci pour vos observations, monsieur le sénateur. Ma question est assez simple. Nous avons tous, lorsque nous avons été nommés — certainement depuis 2016 —, eu une formidable interaction avec le premier ministre, qui nous a rappelé qu’il souhaitait que nous examinions sérieusement ses politiques et que nous y apportions des améliorations lorsque nous l’estimions nécessaire, et que nous renforcions le processus.

Je pense que l’amendement proposé à l’article 8 procure une plus grande certitude. Si, dans sa sagesse, le Sénat décidait d’accepter l’amendement, conviendriez-vous que ce n’est pas au gouvernement que nous renverrions le projet de loi amendé? Nous le renverrions à la Chambre élue, qui comprend les députés ministériels, bien sûr, mais aussi les députés de tous les partis représentés à la Chambre. Si nous acceptons l’amendement proposé, ne devrions-nous pas laisser la Chambre élue se prononcer sur celui-ci en le mettant aux voix?

Le sénateur Gold : Eh bien, la réponse est oui, évidemment.

J’ai été nommé en tant que sénateur indépendant. Certains parmi vous n’étaient pas encore ici à l’époque, mais, en tout respect, c’est vrai. Cependant, la question demeure. Nous sommes ici pour faire de notre mieux pour améliorer les projets de loi et pour peser le pour et le contre des arguments présentés afin d’exercer adéquatement notre jugement.

J’ai tenté de vous présenter une analyse du projet de loi et d’expliquer pourquoi l’article 7 est organisé tel qu’il l’est et pourquoi l’article 8 est conçu différemment, parce que je crois — et je soumets ceci à votre réflexion — que cette différence a été soigneusement réfléchie et qu’elle est le reflet de l’engagement du gouvernement — et de chacun des gouvernements qui ont conclu des ententes bilatérales antérieures à ce projet de loi — à respecter les droits des minorités linguistiques à avoir accès à des services de garderies dans leur langue. D’ailleurs, dans de nombreux cas, les provinces peuvent très bien conclure des contrats avec les communautés et les aider à créer ou à élargir les services tout en respectant leurs obligations constitutionnelles envers les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones, à qui la Constitution reconnaît la compétence exclusive de décider — à tort ou à raison, pour le meilleur et pour le pire — du nombre de places et de l’organisation de ces dernières dans l’intérêt de leurs résidants.

Bien sûr, si le Sénat adopte cet amendement, le projet de loi sera renvoyé à la Chambre. Nous sommes en situation de gouvernement minoritaire, mais c’est un projet de loi du gouvernement, donc celui-ci en sera saisi, comme le reste de la Chambre, et les députés décideront de comment répondre à nos amendements.

Malgré ce que l’on entend parfois dans cette enceinte, la Chambre a été très respectueuse des amendements du Sénat. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’elle acceptera n’importe quel amendement simplement parce que nous estimons qu’il est préférable et qu’il améliore le projet de loi. Dans le cas présent, le gouvernement ne pense pas que l’amendement améliore le projet de loi. Il pense même que ce serait une erreur.

Non, l’armada ne sombrera pas. Désolé, sénatrice Omidvar, mais je m’accroche à cette image. Le temple ne s’effondrera pas. Le ciel ne nous tombera pas sur la tête. Toutefois, ce n’est pas dans cette optique que nous déterminons si nous devons appuyer ou non un amendement.

Nous sommes des législateurs sérieux — nous le sommes tous —, et cet amendement a été présenté de manière absolument sérieuse et responsable. Or, cela ne signifie pas nécessairement qu’il est juste. Il existe différents points de vue. Le gouvernement a un point de vue différent de cet amendement, et j’ai fait de mon mieux pour le présenter.

C’était une longue réponse à une question simple.

Le sénateur Quinn : Je serai également bref, monsieur le sénateur, si vous acceptez de répondre à une autre question.

(2110)

La sénatrice Poirier et le sénateur Aucoin nous ont fait part de leur expérience d’avoir grandi dans leur communauté et des répercussions de cette expérience sur eux et leur famille. Pensez-vous que l’amendement contribuerait à réduire le risque d’assimilation?

Le sénateur Gold : Je serai bref uniquement parce qu’on m’a invité à faire des conjectures sur des sujets que je ne connais pas très bien. Très franchement, je pense que le gouvernement du Canada ne devrait pas non plus prétendre avoir une connaissance approfondie de ces enjeux.

Le fait est que nous sommes saisis d’un amendement à une mesure législative qui traite de la disposition centrale de financement dans un projet de loi, qui est en outre guidée par un ensemble de principes. La position du gouvernement est que cet amendement est inapproprié et n’a pas sa place dans la disposition de financement pour les raisons que j’ai rabâchées avec votre indulgence. Je ne peux pas faire de commentaires sur cette question. Ce n’est pas ce que j’espérais pour les communautés francophones hors Québec, ni d’ailleurs pour ma propre communauté au Québec, pour être bien franc.

L’honorable Frances Lankin : Sénateur Gold, je vous remercie pour votre discours. Vous avez soulevé bon nombre de considérations importantes que nous devons tous prendre en compte. Je remercie toutes les autres personnes qui ont participé au débat ce soir.

D’une part, l’amendement me plaît beaucoup, de même que la nature, l’objectif et l’esprit qui sous-tendent la volonté du Sénat de soutenir des mesures d’égalité, mais je suis très préoccupée par les points que vous soulevez en ce qui concerne les questions de compétences fédérales-provinciales.

Ayant fait partie d’un gouvernement provincial et sachant que nous nous insurgions contre le fédéral qui empiétait sur nos compétences, et qu’il s’agit d’une compétence exclusive des provinces, je pense que nous risquons de faire ce qui, selon nous, d’un point de vue politique, améliorerait le projet de loi. Cependant, est-ce là notre tâche d’un point de vue de politique? En fait, si cela peut mettre en péril le projet de loi ou son efficacité, je veux en savoir davantage.

Pouvez-vous expliquer plus clairement pourquoi cela pourrait nuire à l’objectif que nous appuyons tous ici en ce qui concerne l’amendement du sénateur Cormier? Existe-t-il d’autres exemples du même genre, comme les soins de santé — un secteur dans lequel les provinces fournissent la plupart des services, mais qui relève d’un champ de compétence un peu partagé par rapport à d’autres —, ou bien l’immigration ou les accords de lutte contre les changements climatiques avec les provinces, ou y a-t-il quelque chose de différent dans la méthode d’élaboration? Si c’est le cas, dites-le-nous. Si ce n’est pas le cas, je commencerai peut-être à remettre en question mon appui à l’amendement, car il ne relève peut-être pas de notre compétence.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, qui est excellente. Il n’est toutefois pas facile d’y répondre. Elle s’apparente davantage au cas de la santé qu’à celui du climat puisque, d’un point de vue constitutionnel, le climat est véritablement une responsabilité partagée, comme l’a souligné la Cour suprême. Ce n’est toutefois pas le cas de la santé : la santé et l’éducation relèvent exclusivement de la compétence provinciale.

Ceux d’entre nous — je ne dirai pas ceux d’entre vous, puisque j’ai vécu au Centre du Canada, au Québec et dans l’Ouest. Bref, certains sénateurs déplorent qu’à une époque lointaine, le conseil privé judiciaire a fait une interprétation très étroite des compétences du fédéral et a tellement élargi les compétences provinciales que les principaux leviers de l’État moderne — la santé, l’éducation, les relations de travail — sont tous provinciaux. Cela dit, il en est ainsi depuis 100 ans et nous avons dû trouver des façons de nous débrouiller.

Le gouvernement fédéral joue un rôle dans le secteur de la santé par la voie du financement, donc en utilisant son pouvoir de dépenser, une pratique qui ne fait d’ailleurs pas l’unanimité dans ma province. Nous le tenons pour acquis. J’ai vécu en Ontario pendant des années et j’y ai enseigné le droit. J’ai étudié le droit en Colombie-Britannique. Je suis en faveur du pouvoir de dépenser du fédéral parce que, très franchement, il nous permet d’accomplir des choses.

C’est comme en santé. On peut, dans une certaine mesure, imposer des conditions au financement qui est offert aux provinces et aux territoires, comme on le fait en santé. On dit aux provinces qu’on peut récupérer l’argent qu’on leur donne si les services ne sont pas accessibles à tous, ou alors on peut imposer des conditions comme la déclaration de certaines données, pour revenir à une discussion précédente sur un autre projet de loi. Cependant, dans le cas de la santé, on ne dit pas aux provinces qu’elles doivent dépenser cet argent. Nous ne pouvons pas légiférer en fonction du pouvoir de dépenser.

Dans ce cas-ci également, le gouvernement du Canada a conclu des ententes avec l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta. Précisons que, selon ces ententes, l’argent doit aider les communautés linguistiques en situation minoritaire, les personnes handicapées, les communautés racialisées, les communautés autochtones et les habitants des régions éloignées. C’est très bien, parce que ce sont des contrats, mais l’argent est fourni sans les conditions. Les conditions sont négociées de façon bilatérale. Je suis désolé, c’est le professeur un peu rouillé qui parle.

C’est plutôt ainsi que cela fonctionne. Lorsqu’il offre du financement, le gouvernement du Canada ne peut pas nécessairement prévoir un engagement financier permanent de sa part, et surtout de la part des provinces, pour que l’on continue de financer, dans ce cas-ci, les communautés linguistiques en situation minoritaire. Le gouvernement fédéral n’a tout simplement pas le pouvoir d’imposer de telles conditions aux provinces.

C’est pourquoi, du moins de l’avis du gouvernement du Canada, des juristes et des responsables politiques qui ont rédigé ce projet de loi, l’article 8 devrait rester tel quel et ne concerner que ceux qui distribuent les fonds et ceux à qui les fonds sont destinés. Je ne sais pas si cela répond à la question.

La sénatrice Lankin : C’est utile. Merci.

L’honorable Ratna Omidvar : Merci, sénateur Gold, de vos observations, en particulier pour le préambule sur l’identité. Je vous suis reconnaissante de ces observations à la fois authentiques et sincères.

Je vais faire appel au professeur de droit qui est en vous — qu’il soit rouillé ou non — en lisant un extrait du témoignage du professeur Larocque, qui avait beaucoup à dire au sujet de l’article 8. Voici ce qu’il a dit :

[...] lorsque le législateur est muet dans une partie de la loi, mais explicite dans d’autres, les tribunaux ont le droit d’en déduire qu’il s’agit d’un mutisme intentionnel.

Il a ajouté :

En ne mentionnant pas les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8, on permet essentiellement à un tribunal de conclure éventuellement que c’était l’intention du législateur, puisqu’on inclut des mentions spécifiques ailleurs dans le projet de loi, mais qu’on a voulu être silencieux [...]

dans le principe fondateur.

Je me demande comment le professeur de droit qui est en vous pourrait réfuter cette affirmation.

Le sénateur Gold : Merci. J’ai énormément de respect pour les professeurs de droit. Je pense entre autres à notre collègue Brent Cotter. Ceux d’entre vous qui connaissent le métier savent que nous ne sommes pas toujours d’accord. En fait, nous bâtissons nos réputations en étant en désaccord les uns avec les autres. Il y a aussi de la politique dans le milieu universitaire, comme plusieurs d’entre vous le savent.

Je crois que je vais devoir m’inscrire en faux contre le point de vue du professeur. À mon avis, quand les tribunaux seront appelés à se pencher sur cette mesure législative, ils comprendront aisément que l’exclusion des groupes linguistiques minoritaires de l’article 8 était délibérée, dans le but d’établir clairement que le gouvernement du Canada n’a aucune obligation de financement à cet égard. Le gouvernement fédéral accorde énormément de financement aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, Dieu merci. On pourrait même affirmer que ce financement devrait être bonifié.

Or, le gouvernement fédéral ne prend aucun engagement en matière de financement dans l’article 8 du projet de loi et il n’impose pas aux provinces et territoires d’en prendre par rapport aux communautés linguistiques dont ils sont responsables.

Sauf le respect que je dois au professeur, je crois que les tribunaux vont conclure que cet article cherche à établir, de manière cohérente et sans ambiguïté, une distinction entre les principes qui régissent la mise en œuvre de ce programme dans les provinces et les territoires et dans les communautés qui relèvent des gouvernements autochtones et ce que le gouvernement fédéral s’engage à fournir comme financement à ses partenaires mandatés par la Constitution pour en assurer la prestation.

(2120)

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Est-ce que le sénateur Gold accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Bien sûr.

La sénatrice Dupuis : Je suis ravie si vous répondez bien sûr!

Sénateur Gold, j’aimerais que vous nous expliquiez le raisonnement du gouvernement dans ce cas-ci. Vous avez fait le parallèle avec la santé, qui est également de compétence provinciale. Ici, on parle de programmes de garde et de services d’apprentissage pour les enfants. On parle aussi de droits fondamentaux.

Vous avez insisté sur le caractère délibéré du choix du gouvernement dans le cadre du projet de loi C-35. Ce caractère délibéré revient-il à dire qu’il n’y a pas de volonté de la part du gouvernement d’inclure une condition claire d’assurer des services aux minorités dans les provinces ou territoires? Est-ce que cela revient à dire que c’est davantage une question de volonté politique de ne pas l’inclure, plutôt que n’importe quelle autre obligation?

C’est pour cela que je veux faire le lien avec les droits fondamentaux. On parle du droit de s’exprimer dans sa langue. Le gouvernement fédéral dit vouloir protéger et encourager le respect des deux langues officielles et des langues autochtones, mais il me semble que votre justification indique plutôt qu’il n’y a pas de volonté d’aller jusque-là.

Le sénateur Gold : Merci pour la question, sénatrice. Cela me donnera l’occasion, j’espère, de préciser la raison d’être de ma position.

Le point de départ, ce sont les accords bilatéraux négociés par le passé avec les provinces et les territoires, en respectant les champs de compétence, soit ceux du Parlement du Canada et la compétence exclusive dans ce domaine, dans les provinces et les territoires.

Dans le contexte de ces négociations, comme je l’ai souligné — à part pour le Québec —, dans chaque accord, il y a un engagement bilatéral à protéger et respecter non seulement le droit aux services pour les enfants issus des communautés linguistiques en situation minoritaire, mais aussi pour d’autres groupes dans la province ou le territoire, parce que chaque administration a ses propres particularités.

C’est le point de départ : dans ce contexte, il y a un respect pour la compétence de l’administration des provinces et territoires et des gouvernements autochtones qui ont négocié ces accords, mais tous les accords contiennent ces garanties.

Si on veut aller de l’avant, il faut compter sur les provinces et les territoires pour mettre de l’argent et des ressources sur la table et former ceux et celles qui vont prendre soin de nos enfants. Ce n’est pas juste un chèque du fédéral qui va, de façon miraculeuse, faire apparaître des milliers ou des centaines de milliers de places. Je ne sais pas le nombre exact de places dont nous avons besoin, mais c’est énorme.

On compte sur l’engagement continu des provinces et territoires et des gouvernements autochtones pour qu’on réussisse à donner aux Canadiens et Canadiennes les places dont ils ont besoin pour que les hommes et les femmes — qu’ils soient en situation monoparentale ou dans la situation de plus en plus commune où les deux parents doivent travailler — aient une place abordable en garderie pour leurs enfants. Il ne faut pas oublier la dynamique intergouvernementale de ce programme, qui est fondé sur la coopération provinciale-fédérale.

C’est un peu long comme réponse, et je m’en excuse, mais il est fondamental de saisir d’où cela provient. Le point de départ, ce sont les accords provinciaux-fédéraux qui contiennent les garanties et respectent les droits constitutionnels de nos communautés linguistiques en situation minoritaire.

Je ne sais pas si cela répond adéquatement à votre question, mais c’est le mieux que je puisse faire.

L’honorable Rose-May Poirier : Sénateur Gold, est-ce que vous répondriez à une autre question?

Le sénateur Gold : Oui, certainement.

La sénatrice Poirier : Merci. Vous parliez dans votre discours — et j’ai entendu les mêmes paroles à plusieurs reprises — du respect que le gouvernement a pour les communautés linguistiques en situation minoritaire.

Au Nouveau-Brunswick, ces dernières années, la population francophone se situe entre 30 % et 33 % de la population totale. Cependant, quand on se penche sur le financement pour les garderies, pour les jeunes enfants, le pourcentage n’est pas de 30 à 33 %; il est plutôt de 16 %.

[Traduction]

Comment pouvons-nous dire que nous sommes respectés en tant que minorité linguistique alors que nous ne recevons même pas le financement nécessaire bien que celui-ci soit prévu? Nous ne demandons pas — et l’amendement ne le demande pas non plus — davantage de financement. L’amendement ne change rien à cela. Tout ce que nous disons, c’est que nous devrions travailler ensemble pour nous assurer que — d’ici les prochaines négociations et dans les pourparlers bilatéraux qui nous occuperont jusqu’en 2025 — le pourcentage augmente un peu afin que les francophones puissent obtenir ce dont ils ont besoin pour pouvoir vivre dans la langue de leur choix et dans la culture qui est la leur depuis leur plus jeune âge. C’est de cela qu’il s’agit : réduire le nombre de personnes qui doivent passer par les tribunaux pour tout régler.

Si vous dites que c’est le respect qu’on nous accorde, alors rien dans l’amendement ne change quoi que ce soit au financement. Rien dans l’amendement n’enlève quoi que ce soit aux peuples autochtones ou ne porte atteinte à leurs droits linguistiques. Nous essayons de trouver une façon de nous rapprocher de la réalité. Il y a, certainement, un grand respect pour les gens qui sont en situation de minorité linguistique.

Le sénateur Gold : Je comprends vraiment ce que vous voulez dire. J’ai essayé et j’espère avoir réussi. J’ai certainement essayé parce qu’il est important pour moi de ne pas suggérer que nous essayons d’une manière ou d’une autre de semer la division, et encore moins d’encourager celle-ci. Ce n’est pas l’objectif du gouvernement dans ce projet de loi et ce n’est pas au cœur de son opposition à cet amendement.

Il n’est pas juste que le financement des places en garderie dans votre province, ou dans toute autre province, ne corresponde pas aux besoins. Grosso modo, je reconnais que le financement est bien inférieur au pourcentage de la population. Je pars du principe que cela est exact. Cependant, il s’agit essentiellement d’un financement inadéquat de la part de votre province, n’est-ce pas?

Le financement supplémentaire que le gouvernement fédéral met à la disposition des provinces une fois qu’elles ont signé un accord — ce que votre province a fait et qui comprend les engagements financiers — constitue le moyen par lequel le gouvernement du Canada espère que davantage de places seront comblées pour répondre à l’ensemble des besoins de tous les Néo-Brunswickois, qu’ils soient anglophones, francophones, ruraux ou urbains.

Ce que la mesure législative ne fait pas — ou ne veut même pas proposer de faire —, c’est imposer des obligations financières précises aux provinces en ce qui concerne les groupes qui sont les bénéficiaires légitimes des places qui seront créées. Ces groupes, qu’on appelle communautés linguistiques et ainsi de suite dans les autres parties du projet de loi, sont désignés parce qu’ils sont importants. La responsabilité du gouvernement fédéral, telle qu’il la conçoit, est de fournir le financement aux provinces. Ils doivent négocier des ententes bilatérales qui incluent et respectent les principes constitutionnels et les droits des Canadiens, y compris ceux des communautés linguistiques.

(2130)

Je suis désolé si cela ne semble pas respectueux. Le gouvernement du Canada est d’avis qu’il respecte sa compétence constitutionnelle. Il respecte les droits des minorités linguistiques dans chacune des ententes bilatérales qu’il a signées. Ce n’est pas suffisant et je le comprends. J’ai entendu les discours et j’y suis sensible.

C’est toutefois ainsi que le gouvernement voit ses responsabilités et la mesure législative qu’il a présentée.

[Français]

Son Honneur la Présidente : Est-ce que la sénatrice a une question complémentaire?

La sénatrice Poirier : Oui.

Son Honneur la Présidente : Accepteriez-vous de répondre à une question complémentaire, sénateur Gold?

[Traduction]

La sénatrice Poirier : Même en tenant compte de tout ce que vous venez de dire, je ne vois pas de risque à appuyer cet amendement. L’amendement vise la poursuite des négociations et les futures ententes bilatérales jusqu’en 2025, en prévoyant que cet aspect soit à tout le moins inclus dans les discussions avec les provinces afin que nous nous approchions de cet objectif.

Ne convenez-vous pas que cet amendement n’a rien de nuisible? En fait, il pourrait ouvrir une porte permettant aux gens de penser aux dispositions incluses qui pourraient ne pas être respectueuses des langues minoritaires.

Le sénateur Gold : Encore une fois, je comprends l’argument. Cependant, et je ne m’excuserai pas de vous donner une réponse de nature juridique, les avocats du gouvernement qui ont analysé l’amendement proposé à l’article 8 sont d’avis que cet amendement, même s’il est bien intentionné, comporte malheureusement des risques. Le gouvernement le considère comme inutile parce que le projet de loi en soi engage déjà le gouvernement fédéral à respecter systématiquement la Loi sur les langues officielles.

Tout ce que fait le gouvernement fédéral doit respecter la Constitution du Canada. La Constitution du Canada inclut l’éducation et le respect des droits des minorités linguistiques dans leurs institutions, que ce soit dans l’article 16 ou dans des articles portant sur d’autres domaines. La Constitution crée des obligations pour les deux ordres de gouvernement. Il n’y a aucun moyen — à part le recours à la disposition de dérogation, que le gouvernement actuel n’a pas l’habitude d’utiliser — de se soustraire à ces obligations constitutionnelles.

Pendant la rédaction du projet de loi, des juristes ont dit au gouvernement que l’inclusion d’une telle mesure était inappropriée et pourrait avoir des conséquences imprévues, comme j’ai déjà tenté de le dire, et qu’elle était inutile compte tenu des principes et des obligations qui existent déjà, que ce soit dans les accords bilatéraux ou dans la Constitution elle-même.

[Français]

L’honorable René Cormier : Sénateur Gold, je voudrais vous entendre sur la responsabilité du gouvernement fédéral en fonction de la Loi sur les langues officielles, et particulièrement en fonction de la partie VII de la Loi et de la prise de mesures positives. Le gouvernement, au moyen de la nouvelle Loi sur les langues officielles, s’est engagé, dans ses relations avec ses partenaires, à prendre des mesures positives pour assurer le développement et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Dans ce que vous avez énoncé comme étant des problèmes, comment le gouvernement peut-il justifier son engagement envers la prise de mesures positives en fonction de la partie VII de la loi? Comment peut-il justifier le fait de ne pas accepter d’inclure quelque chose qui, comme on l’a déjà exprimé, ne porte pas atteinte aux droits des peuples autochtones, ne porte atteinte à aucun droit?

Ma question sous-jacente est la suivante : pouvez-vous me dire comment vous déterminez la différence entre un principe directeur et ce qu’on appelle un engagement financier dans l’article 8?

Le sénateur Gold : Merci pour la question. Les obligations énoncées dans la Loi sur les langues officielles sont importantes. C’est un instrument quasi constitutionnel. Je pense que le gouvernement prend très au sérieux toutes ses responsabilités.

Néanmoins, ce projet de loi ne porte pas sur les langues officielles. C’est un projet de loi qui créerait un cadre pour continuer le financement des places en garderie pour les enfants négociées et livrées par les provinces et les territoires. Comme je l’ai dit, je ne veux pas me répéter, mais c’est... J’ai peut-être manqué quelque chose, mais il s’agit de deux situations distinctes. Ce n’est pas nécessaire, et cela ne nie pas l’obligation assumée par le gouvernement du Canada auprès des communautés linguistiques au Canada dans le contexte de la Loi sur les langues officielles de dire que, dans un autre contexte... Cela m’amène à votre deuxième question.

Quand il y a des principes qui guident les ententes et la livraison de ce programme, je pense que c’est complètement cohérent que le gouvernement du Canada dise, d’un côté, qu’on fait une distinction entre ceux et celles qui reçoivent l’argent et sont responsables de créer les places et, en même temps, que le gouvernement détermine les principes qui doivent guider la livraison des places dans les provinces et les territoires et dans les négociations entre le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux et territoriaux. Voilà la raison de l’importance des principes qui figurent dans l’article 7 et dans les autres articles déjà mentionnés. Cela guidera le gouvernement fédéral quand il renouvellera les ententes avec les provinces. Une référence à la Loi sur les langues officielles est aussi incluse dans le projet de loi.

Encore une fois, je pense que je me répète un peu, mais c’est la façon dont le gouvernement voit les choses.

L’honorable Diane Bellemare : J’ai une question très brève à poser au représentant du gouvernement. Avez-vous une alternative à proposer pour ce qui est de la protection des minorités linguistiques?

Le sénateur Gold : Pour une fois, je serai très bref en répondant.

Non, je n’ai pas d’alternative à proposer. C’est la position du gouvernement : cet amendement n’est pas nécessaire et n’est pas approprié. Ultimement, on pourra bientôt — je l’espère — passer au vote et on verra. Ultimement, c’est à nous de décider. J’ai fait de mon mieux pour expliquer le point de vue gouvernemental. Ultimement, on va procéder au vote. Si l’amendement est adopté, la Chambre des communes va le considérer avec tout le respect qu’il accorde à nos amendements et on verra s’il y a un message qui revient au Sénat ou non. C’est tout ce que je peux dire. Non, je n’ai pas d’alternative à proposer.

[Traduction]

L’honorable Brent Cotter : Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une ou deux questions sur ce projet de loi et sur l’amendement?

Le sénateur Gold : La réponse est oui. J’accepte, sénateur.

Le sénateur Cotter : Je vous remercie. Sénateur Gold, sommes-nous d’accord pour dire que l’article 8 de ce projet de loi porte sur l’exercice du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans des domaines de compétence provinciale, comme vous l’avez indiqué tout à l’heure, dans le domaine de l’éducation préscolaire et d’autres domaines semblables?

Le sénateur Gold : C’est une bonne question. Vous êtes un excellent professeur de droit et un bon juriste, et c’est une question un peu délicate. Ce n’est pas une critique.

Le sénateur Cotter : Ce n’est pas une question piège, bien que cela y ressemble. Je m’en excuse.

Le sénateur Gold : Non. Je faisais une analogie avec la santé. Je ne veux absolument pas laisser entendre que la responsabilité du gouvernement fédéral — que ce soit à l’égard des Autochtones, des personnes handicapées ou des communautés linguistiques —, consiste uniquement à s’en laver les mains moyennant quelques dollars. Ce n’est pas ce que je veux laisser entendre. En réponse à la question de la sénatrice Lankin, la meilleure analogie que je peux faire est que cela se compare davantage au domaine de la santé qu’à celui des changements climatiques, où interviennent un système d’échanges et de pouvoirs, et le pouvoir général. Vous voyez ce que je veux dire? C’est tout ce que j’entendais par là.

(2140)

Le sénateur Cotter : J’accepte l’analogie, et je pense qu’elle est bonne. L’amendement du sénateur Cormier ajoute ensuite une autre catégorie de personnes visées par l’engagement financier du gouvernement du Canada. On autoriserait ainsi le gouvernement du Canada à faire des dépenses dans des champs de compétences fédéraux et provinciaux, comme vous venez vous-même de le souligner. Je ne vois donc pas pourquoi on ne voudrait pas appuyer cela au nom du gouvernement ou refuser de prendre un engagement financier envers un autre ensemble de communautés qui veulent du financement.

Le sénateur Gold : Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Cotter, ce n’est pas tout à fait la raison pour laquelle le gouvernement s’y oppose. Encore une fois, nous examinons un projet de loi et nous nous demandons, comme l’ont fait le sénateur Cormier et les témoins, « C’est très bien maintenant, mais que se passera-t-il à l’avenir? » Sans le libellé, un tribunal pourrait conclure que l’absence de l’article 8 signifie que nous pouvons nous laver les mains de l’exigence. Il s’agit d’une spéculation sur l’avenir, fondée sur un principe particulier et totalement crédible d’interprétation des lois.

La préoccupation du gouvernement du Canada concernant l’amendement — la raison pour laquelle il s’y oppose — n’est pas différente. Il dit : « Écoutez, si nous l’introduisons, il pourrait y avoir des conséquences imprévues quand un juge ou les personnes chargées d’un examen en sont saisis, et ce n’est pas l’intention. » Le projet de loi n’a pas été conçu pour créer ce type d’obligations de financement.

Le projet de loi représente un engagement envers les citoyens canadiens, indépendamment de leur langue, de leur région, de leur handicap, de l’absence de handicap ou de leurs circonstances, afin de leur garantir l’accès aux places en garderie dont ils ont besoin. Il se fait attendre depuis longtemps.

Comme il a pu obtenir la collaboration et la coopération de l’ensemble des provinces et des territoires, le gouvernement du Canada a été en mesure de construire, pour la première fois, un système national. Il compte sur les provinces et les territoires pour livrer la marchandise. Il s’appuie sur la dynamique de la collaboration, de la négociation et de l’orchestration fédérale-provinciale — j’utilise le terme fédéral-provincial pour abréger — afin de réaliser ce projet dans l’intérêt des Canadiens.

Il ne faut pas croire que nous ne voulons pas ajouter un groupe de plus. Comme je l’ai dit au début de mes remarques plus ou moins préparées, nous nous inquiétons des conséquences potentielles qui seraient incompatibles avec l’objectif du projet de loi.

Je sais que cela ne satisfait pas ceux d’entre vous qui appuient le projet de loi avec ferveur et je le respecte. C’est néanmoins la position du gouvernement, et je vous la présente avec humilité et respect.

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, c’est l’un des débats les plus stimulants et les plus intéressants que j’ai vu au Sénat depuis longtemps. Si je dis « stimulant », c’est d’un point de vue intellectuel. J’ai écouté les discours des sénateurs Moodie, Cormier, Aucoin et de bien d’autres. J’aimerais reprendre à partir de la question posée par ma collègue, la sénatrice Bellemare.

Lorsque nous effectuons notre second examen objectif, nous offrons souvent nos meilleurs conseils à la Chambre élue. Si nous adoptions cet amendement, nous dirions « Voici nos meilleurs conseils, et voici pourquoi. » Mes collègues ont décrit tout cela bien mieux que moi. Cela donne au gouvernement élu et à la Chambre des communes l’occasion d’examiner ce que nous leur disons. Ils peuvent soit accepter, soit présenter autre chose. Comme la sénatrice Bellemare l’a dit : « Quelles autres suggestions y a-t-il? »

C’est souvent ce qui s’est passé lorsque nous avons apporté des amendements. La Chambre en a accepté certains, en a modifié d’autres, puis nous les a renvoyés. Nous lui disions alors : « Nous croyons que c’est ce qui devrait se passer. Vous avez peut-être des réserves au sujet de la constitutionnalité. Pouvez-vous nous présenter quelque chose qui tient compte de ces réserves et les règle? »

Ne serait-ce pas le moment d’avoir ce genre de discussion entre le Sénat et la Chambre des communes?

Le sénateur Gold : Merci, monsieur le sénateur, de cette question.

Dans une certaine mesure, oui, lorsque nous adoptons un amendement, cela donne à l’autre endroit l’occasion d’y réfléchir. Notre travail consiste à faire preuve de discernement et à suggérer, à proposer et à adopter des amendements pour améliorer le projet de loi lorsque nous estimons qu’il est approprié de le faire. Toutefois, bien entendu, vous ne me posez pas la question — en théorie, c’est vrai.

Je suis convaincu que notre rôle en tant que législateurs ne consiste pas uniquement à lancer des idées pour voir lesquelles l’autre endroit est prêt à adopter. Ce serait irresponsable. Nous ne sommes pas convoqués ici simplement pour générer des idées. Honnêtement, un algorithme pourrait faire cela.

Nous sommes ici pour effectuer un second examen objectif, et « objectif » est une importante partie de cet exercice, pas vrai? Cela signifie que nous devons réellement y réfléchir. « Second examen » implique également que nous avons un rôle différent de celui des représentants élus, que les choix qu’ils font en matière de politique publique, la décision qu’ils prennent d’adopter tel instrument plutôt qu’un autre, méritent que nous les prenions en considération.

Nous pensons peut-être avoir une meilleure idée. Nous pensons peut-être être plus intelligents qu’eux. C’est peut-être parfois le cas, et il peut arriver que nos idées soient meilleures, mais nous devons respecter le fait que nous sommes ici pour évaluer adéquatement si la mesure qu’ils ont adoptée respecte les paramètres de la constitutionnalité, respecte les minorités et respecte tous les critères que nous utilisons pour déterminer si un amendement est de mise ou non.

Enfin, ce que nous faisons, c’est un « examen ». Nous avons entendu d’excellents discours du sénateur Cormier et de beaucoup d’autres qui ont défendu avec passion les raisons pour lesquelles cette mesure est importante et ne nuit en aucun cas. Je n’ai pas cherché à entendre qu’elle était nuisible. J’ai vraiment essayé de ne pas le faire, parce que je vous dis ce que je crois. Je ne suis pas en train de tirer la sonnette d’alarme. Je ne pense pas que ce soit un exercice approprié pour nous.

À mon avis et de l’avis du gouvernement, si nous lisons attentivement le projet de loi — beaucoup l’ont fait, mais, bien sûr, nous ne l’avons pas tous fait. Pour être franc, ce serait impossible. Ceux qui ne siègent pas au comité et qui n’ont pas décidé d’en faire une priorité n’auront pas lu le projet de loi de la même manière que le sénateur Cormier, de nombreux autres sénateurs et moi-même l’avons fait, ni de la même manière que le gouvernement l’a fait lorsqu’il l’a rédigé.

Compte tenu de ce qu’on peut lire dans le projet de loi, de sa structure et de la répartition des pouvoirs prévue par la Constitution — je ne dis pas qu’il s’agit d’un amendement inconstitutionnel. Je n’ai pas dit cela. Ce n’est pas ce que je suis en train de dire. Cependant, quand on tient compte de la répartition des pouvoirs prévue par la Constitution et des champs de compétence des divers intervenants, alors le projet de loi a du sens. On peut ne pas l’appuyer; bon nombre d’entre vous voteront en faveur de cet amendement parce que vous pourriez être en désaccord avec moi même si vous croyez tout ce que je dis. C’est le Sénat qui décidera. Lorsque vous n’aurez plus de questions à me poser, nous pourrons alors passer au vote.

Le sénateur Plett : Bravo!

Le sénateur Gold : Mon ami le sénateur Don Plett dit « Bravo ».

En tout respect — et je vous remercie de votre question —, il serait irresponsable de notre part de simplement dire, au sujet de cette mesure législative ou de tout autre projet de loi : « Eh bien, peu importe, ils décideront. » Ce serait abdiquer notre rôle. Nous avons une responsabilité. Les gens ne seront pas d’accord sur les limites de notre rôle. Et, encore une fois, je ne me sers pas de l’argument — je l’ai déjà utilisé et je promets de l’utiliser encore — selon lequel nous dépassons les limites de notre rôle ici. N’est-ce pas? Ce n’est pas ce que je dis.

Je ne suis pas en train de dire que nous devons faire preuve de déférence et que, par conséquent, nous ne devrions pas apporter d’amendement. Ce que je dis, c’est que cet amendement — pour des motifs liés aux politiques, à la rédaction, à l’interprétation des lois et aux relations intergouvernementales — n’est pas approprié. Il est motivé par de bonnes intentions et nourri par un engagement ardent, nécessaire et loyal envers la survie de nos communautés linguistiques, qui sont en péril dans bien des cas.

(2150)

Je vous demande sincèrement de ne plus me poser de questions à moins que vous n’ayez vraiment pas entendu la réponse, car je me répète ad nauseam. Passons au vote, et que sera, sera.

[Français]

Son Honneur la Présidente : Sénateur Forest, vous aviez une question?

L’honorable Éric Forest : Sénateur Gold, on reconnaît bien votre génétique de professeur. Je sens que la grande préoccupation du gouvernement se situe sur le plan du respect et des obligations telles que définies dans notre Constitution. L’amendement qui est proposé dans ce cas-ci pourrait permettre de créer une ouverture.

On a souvent fait la comparaison entre l’éducation et la santé, qui sont toutes deux de compétence provinciale et territoriale. Vous l’avez dit, le rôle du gouvernement fédéral est, en concluant des accords, d’assurer du financement pour aider les provinces et les territoires à assumer cette responsabilité.

La deuxième partie de l’amendement dit exactement la même chose. Je ne comprends pas pourquoi on ne fait pas de la main gauche ce qu’on fait déjà de la main droite dans le domaine de la santé. La deuxième partie de l’amendement dit ceci, et je cite :

(2) Ce financement doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec les gouvernements [...]

S’il y a bien des accords, on peut présupposer que les deux parties conviennent d’une situation qui les satisfait mutuellement et qui respecte les obligations constitutionnelles de chacune d’elles. Je ne comprends pas. L’amendement vient préciser et confirmer certaines choses. Dans le cadre de ces ententes, le respect est donc une garantie selon laquelle les obligations constitutionnelles seront respectées.

Le sénateur Gold : Il me sera difficile de répondre brièvement, mais je vais faire de mon mieux. L’article tel qu’il a été rédigé dans le projet de loi est un sous-paragraphe et, selon l’opinion des juristes du gouvernement, comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises, il y a un risque de conséquences inattendues si l’on inclut une référence au comité qui s’occupe des questions linguistiques.

Le sénateur Cormier a scindé cette disposition en proposant et en insistant — ce n’est peut-être pas le mot exact —, en disant que cela réglait le problème, parce qu’il y en a maintenant deux. La question a été posée aux fonctionnaires au comité : « Selon vous, le fait que cet article soit scindé en deux parties fera-t-il une différence pour ce qui est de l’interprétation possible de cet article? » La réponse des fonctionnaires était claire, et ils ont dit que non. Selon eux, cela ne fera aucune différence. En fait, peu importe la façon dont l’article est rédigé, dans le contexte, que ce soit un ou deux paragraphes, que ce soit l’alinéa a) ou b), selon les fonctionnaires du gouvernement, malheureusement, cela ne règle pas le problème.

L’honorable Pierrette Ringuette : Sénateur Gold, j’ai besoin de vous poser une question. La responsabilité à l’égard des minorités au pays réside dans le pouvoir de dépenser et la responsabilité du gouvernement fédéral. Ce que je lis ici dans l’amendement, on ne l’a pas vu. En tout cas, je ne l’ai pas vu, et j’ai demandé à différentes personnes si elles avaient vu une copie de l’entente qui avait été signée entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Nouveau-Brunswick, par exemple, dans laquelle vous avez affirmé qu’il y avait des obligations.

Comme la sénatrice Poirier l’a montré, la province du Nouveau‑Brunswick fournit seulement 16 % des sièges, alors qu’elle devrait en fournir 33 % pour la communauté francophone du Nouveau‑Brunswick. Il revient donc au gouvernement fédéral, au moyen de cette disposition, de renflouer ce qu’elle ne peut pas faire par l’intermédiaire de l’entente avec la province. C’est là où je vois la responsabilité du gouvernement fédéral. Outre le Nouveau‑Brunswick, aucune autre province canadienne n’a une responsabilité constitutionnelle à l’égard de ses communautés minoritaires. Il y a des lois dans certaines provinces, mais en réalité, s’il existe une entente avec une province qui ne respecte pas les minorités et les engagements qu’on a pris envers elles, cela devient une responsabilité du gouvernement fédéral.

Le sénateur Gold : Je vais séparer ma réponse en deux. Premièrement, la responsabilité de protéger les droits des minorités linguistiques ne relève pas uniquement du gouvernement fédéral. Non. C’est la responsabilité de tous les gouvernements, selon la Constitution canadienne. L’article 16 lie tous les gouvernements. De plus, l’article 15, qui donne le droit à l’égalité, a aussi des implications indirectes qui lient tous les ordres de gouvernement. Voilà une chose.

Pour ce qui est de la responsabilité du gouvernement fédéral, si l’on parle de la Loi sur les langues officielles pour tous les programmes qui sont financés par le gouvernement pour aider les communautés en situation minoritaire ou pour financer le programme visant à faire en sorte que ceux et celles qui le souhaitent peuvent être financés ou soutenus lorsqu’ils veulent prendre une action contre le gouvernement quand leurs droits ne sont pas respectés, il est évident qu’il s’agit d’une responsabilité partagée par tous les ordres de gouvernement.

En ce qui a trait à la question du Nouveau-Brunswick, comme je l’ai dit dans mon discours, dans l’accord existant, il y a un engagement selon lequel le gouvernement fédéral exige certaines choses de la part du gouvernement du Nouveau-Brunswick. J’ai le texte en anglais.

[Traduction]

Je vais le relire :

[L]e Nouveau-Brunswick s’engage à élaborer et à financer un plan pour s’assurer que le processus de création de nouvelles places tient compte des enfants et des familles diversifiés ou vulnérables — y compris les enfants handicapés et les enfants ayant besoin d’un soutien accru ou individuel, les enfants autochtones, les enfants noirs et autres enfants racisés, les enfants de nouveaux arrivants et les minorités de langue officielle — afin qu’ils aient accès à un nombre de places équivalent ou supérieur à leur proportion de la population dans la province [...]

[Français]

Il est vrai que, apparemment et tristement, ce n’est pas le cas maintenant, mais selon cet accord, la situation est censée s’améliorer. Si elle ne s’améliore pas, grâce à ces accords, le gouvernement du Canada a le levier requis pour cesser d’appuyer le gouvernement provincial. Il ne faut pas nier le fait que c’est ultimement la responsabilité des provinces de créer les places en garderie et d’honorer leurs obligations et les ententes qu’elles concluent avec le gouvernement du Canada lorsqu’il leur donne des fonds pour administrer ces programmes.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Vous n’êtes pas prêts à vous prononcer? Pardon, mais j’ai entendu quelqu’un dire « non ».

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la durée de la sonnerie?

[Français]

Conformément à l’article 9-10(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 21 septembre 2022, le vote est reporté à 16 h 15 demain et la sonnerie retentira à 16 heures.

(2200)

[Traduction]

Le cent vingt-cinquième anniversaire de la Loi sur le Yukon

Interpellation—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de passer aux interpellations, article no 14:

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Duncan, attirant l’attention du Sénat sur le 125e anniversaire de la Loi sur le Yukon, une Loi du Parlement adoptée le 13 juin 1898.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie, honorables sénateurs. Merci de m’accorder votre temps, malgré l’heure tardive.

Je prends la parole pour lancer mon interpellation et pour attirer votre attention sur le 125e anniversaire de la Loi sur le Yukon, une Loi du Parlement adoptée le 13 juin 1898.

Il y aurait tellement d’histoires à raconter à propos du Yukon. Peut-être pourrais-je, d’ici la fin de ma carrière de sénatrice, prendre moi aussi le temps de partager un chapitre par jour pendant les déclarations de sénateurs. Bien que les histoires soient tout aussi passionnantes, il me faudrait peut-être faire quelques exercices d’éloquence et adopter un accent terre-neuvien ou labradorien. Quoi qu’il en soit, peu importe l’accent, personne ne parle du Yukon avec plus d’éloquence que notre poète Robert Service, qui a écrit ce qui suit :

[...] Il y a la terre. (Vous l’avez vue?)

Je ne connais aucune terre plus obstinée,

Depuis les montagnes vertigineuses qui la cachent

Jusqu’aux profondeurs désespérées des vallées.

Aujourd’hui, je ne veux pas m’attarder sur le poème The Spell of the Yukon, d’où j’ai tiré ces mots, mais plutôt parler de politique et de la Loi sur le Yukon. Soit dit en passant, je m’en voudrais de ne pas rendre hommage aux politiciens yukonnais qui ont laissé leur marque à Ottawa, à l’autre endroit, où la Loi sur le Yukon a été adoptée. Je m’en voudrais de ne pas les remercier. Nos députés ont été Larry Bagnell, Audrey McLaughlin, ancienne chef du NPD, Erik Nielsen, vice-premier ministre sous le premier gouvernement Mulroney, et Martha Louise Black. Vous ne savez peut-être pas que Martha Louise Black a été élue à 70 ans pour représenter le Yukon à l’autre endroit, la deuxième femme à être élue ainsi.

Honorables sénateurs, j’aimerais attirer votre attention sur une partie de leur travail et sur le nôtre concernant la Loi sur le Yukon en tant que mesure législative.

[Français]

Chers collègues, tous les jours, nous faisons un second examen objectif des projets de loi. Vous vous demandez peut-être ceci : pourquoi la Loi sur le Yukon, et pourquoi maintenant?

[Traduction]

Nous célébrons cette année le cent-vingt-cinquième anniversaire du Yukon, un jalon historique dans l’histoire de ce territoire et du Canada. Je vais demander pardon à mes érudits collègues sénateurs avocats en droit constitutionnel, plutôt que leur demander la permission de parler de la Loi sur le Yukon comme de notre « constitution ».

Les honorables sénateurs savent que la Constitution du Canada reconnaît l’individualité des provinces. Contrairement aux provinces, le Yukon est reconnu comme un territoire unique grâce à une loi du Parlement, la Loi sur le Yukon, qui a reçu la sanction royale le 13 juin 1898.

J’ai trouvé qu’il était utile dans mes réflexions que je me penche sur les débats du Sénat portant sur l’Acte ayant pour objet de pourvoir à l’administration du district du Yukon. À l’époque, les débats ont noté que cette loi avait été faite aussi courte que possible afin de permettre au gouvernement de l’époque de nommer — vous pardonnerez le langage de l’époque — un commissaire chargé d’administrer le gouvernement, de nommer un conseil chargé d’aider et de conseiller ce commissaire dans la préparation des ordonnances du gouvernement ainsi que dans l’administration de la justice.

Pour mettre les choses en contexte, le Yukon a fait son apparition sur la scène internationale lorsqu’on y a découvert de l’or en 1896, deux ans avant ce débat au Sénat. Peu de gens savent que la découverte de l’or est principalement attribuée à un groupe de trois personnes, soit Shaaw Tláa ou Kate Carmack, comme on l’appelait, une femme de la Première Nation Tagish, ainsi que son frère et son conjoint de fait. Soit dit en passant, chers collègues, les deux hommes de ce trio ont été admis au Temple de la renommée du secteur minier canadien en 1999. Kate Carmack, elle, y a été admise en 2019.

Honorables sénateurs, cette découverte et l’afflux massif de personnes venues chercher fortune ont fait de Dawson City, au Yukon, la plus grande ville au nord de San Francisco et à l’ouest de Chicago en 1897. Beaucoup de ces gens ont franchi la frontière entre le Canada et les États-Unis en passant par le col de Chilkoot, comme le montre la photo emblématique en noir et blanc d’une longue file d’aventuriers escaladant une montagne escarpée et enneigée.

En réponse à cet afflux de personnes, le Canada a affirmé sa souveraineté en postant la Police à cheval du Nord-Ouest au col de Chilkoot. Les agents ne vérifiaient pas les passeports et ne s’appuyaient pas sur l’application ArriveCAN; ils s’assuraient plutôt que chaque personne avait suffisamment de provisions pour survivre au voyage vers les champs aurifères et à l’hiver — plus précisément, 2 000 livres de provisions.

L’afflux de personnes venant de divers endroits dans le monde au Yukon a été souligné, peut-être de façon moins charitable, dans les débats du Sénat sur la Loi sur le Yukon. En effet, l’honorable M. Mills avait déclaré :

La situation au Yukon n’est pas du tout la même. Comme je l’ai dit, neuf au moins sur dix de ceux qui composent la population sont des étrangers, auxquels on ne [pourrait] pas confier le devoir de légiférer et d’administrer.

Puis, quant aux quelques rares sujets britanniques qu’il y a, ce ne sont pas des gens qui y ont fixé [en permanence] leur demeure; ils ne sont pas allés là pour y établir leur domicile. Ils se sont rendus là, dans le but de s’enrichir [...].

La Loi sur le Yukon est née du désir d’affirmer la souveraineté du Canada et de réglementer la consommation d’alcool dans le territoire. Le principe voulant que l’on affirme la souveraineté du Canada par l’entremise des populations du Nord et du soutien envers cette région constitue le fondement de la politique pour le Nord canadien depuis un certain temps.

Honorables sénateurs, la Loi sur le Yukon a été modifiée assez fréquemment depuis ces débats initiaux. Comme il s’agit de la « constitution » du Yukon et que nous célébrons un jalon important, le contexte ayant mené à l’adoption de cette loi et le contexte actuel, dans lequel nous examinons aujourd’hui des amendements — en fait, la Loi sur le Yukon a été mentionnée pendant notre étude des amendements aujourd’hui — sont la raison pour laquelle je m’adresse à vous ce soir.

En 1998, à l’occasion du centième anniversaire de la Loi sur le Yukon, l’Assemblée législative du Yukon, dont je faisais partie, a tenu une séance extraordinaire dans l’ancienne salle du conseil et a adopté la Loi sur la fête du Yukon.

Au Yukon, nous célébrons également les chiens. Même les armoiries territoriales sont surmontées d’un husky. Sur une photo d’époque du premier conseil territorial, qui avait été prise sur les marches de la salle du conseil, il y a un chien. Lors des célébrations du centième anniversaire, nous avons également inclus un chien.

Je garde dans mon bureau un souvenir précieux : un présentoir qui contient les photos du conseil territorial de 1898 et de l’Assemblée législative du Yukon de 1996, ainsi que la Loi sur la fête du Yukon.

Tandis que nous travaillons avec les Premières Nations pour garantir les infrastructures nécessaires à nos concitoyens, que nous exploitons les ressources naturelles — y compris les minéraux critiques et stratégiques —, que nous nous engageons dans la lutte contre les changements climatiques et que nous continuons de protéger les vastes étendues sauvages qui abritent les Premières Nations depuis des millénaires, il faut être conscient de ce contexte historique pour comprendre notre situation actuelle au sein du Canada et le contexte yukonnais afin d’aller de l’avant.

Pour les Yukonnais, le cent vingt-cinquième anniversaire de la Loi sur le Yukon est l’occasion de faire connaître leur point de vue sur les changements apportés à la loi et sur leur place dans le Canada d’aujourd’hui, sans oublier le contexte dans lequel ces amendements sont soumis à cette chambre.

Honorables sénateurs, le premier des trois grands moments de l’histoire sur lesquels nous allons nous pencher remonte à 1979, lorsque des discussions ont eu lieu entre le commissaire du Yukon, le conseil territorial dûment élu et le gouvernement du Canada. Depuis 1898, le rôle du commissaire consistait à administrer le territoire pour le compte d’Ottawa.

Celui qui occupait cette fonction en 1979 était Ione Christensen, sénateur du Yukon de 1999 à 2006. En 1966, le conseil territorial — installé à Whitehorse depuis 1953, date à laquelle cette ville est devenue la capitale du Yukon —, a adopté une motion demandant l’élargissement du conseil, l’obtention du statut de province dans un délai de 12 ans et la création d’un comité exécutif doté de tous les pouvoirs d’un cabinet.

La motion a été rejetée. Cependant, elle a donné lieu à des négociations et, en fin de compte, lors des élections de 1978, des candidats de trois partis politiques ont été élus à une assemblée législative composée de 16 députés. Le Yukon est le seul territoire dont le conseil est composé de députés affiliés à des partis politiques.

Les modifications apportées à la structure de gouvernance du Yukon ont été présentées dans une lettre du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de l’époque, l’honorable Jake Epp, au commissaire Christensen.

Il a écrit ce qui suit :

Je vous ordonne d’accepter les recommandations du conseil en ce qui concerne tous les aspects de la Loi [sur le Yukon] qui sont délégués au commissaire en conseil, à condition que ceux-ci répondent aux exigences de l’article 17 de cette Loi et à l’exception de l’article 46 de celle-ci.

Autrement dit, grâce à cette lettre, les députés dûment élus de l’Assemblée législative du Yukon ont commencé à être, en quelque sorte, maîtres chez eux, même s’ils n’avaient ni les moyens financiers ni le contrôle des terres et des ressources.

C’est en 1985 que ces dispositions financières ont changé, lorsque le Canada a adopté la formule de financement des territoires pour le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, qui est comparable au programme de péréquation mis en place pour les provinces.

(2210)

Honorables sénateurs, le contrôle des terres et des ressources comporte deux éléments importants : la signature par le Conseil des Premières Nations du Yukon, le gouvernement du Yukon et le gouvernement du Canada de l’accord-cadre définitif entre les parties en 1993, et l’Entente sur le transfert des responsabilités signée en 2001.

Les honorables sénateurs savent que les Premières Nations du Yukon sont actuellement à Ottawa non seulement pour célébrer le 50e anniversaire de la présentation du document intitulé Together Today for our Children Tomorrow, mais aussi les ententes habilitantes d’autonomie gouvernementale et les relations de gouvernement à gouvernement, comme en témoigne aujourd’hui le forum intergouvernemental.

Ce cadre unique au Canada a donné vie et sens à l’expression inventée par les Premières Nations, particulièrement par Kluane Adamek de l’Assemblée des Premières Nations, pour décrire notre territoire commun comme « Un Yukon qui montre la voie ».

Hier, une lettre d’intention trilatérale a été signée pour « [...] confirm[er] leur engagement à travailler collectivement à la construction et à l’exploitation d’un centre de guérison dirigé par les Premières Nations du Yukon ». Il s’agit d’une entente conclue entre le Canada, les Premières Nations et le gouvernement du Yukon.

Le Yukon a également été le premier territoire à négocier, avec l’approbation des Premières Nations, une entente de transfert de responsabilités qui conférait au Yukon l’autorité sur les terres et les ressources, entente que j’ai signée en 2001. Lors des délibérations du Sénat sur le projet de loi qui a donné force de loi à l’entente de transfert de responsabilités dans la Loi sur le Yukon en 2002, la sénatrice Ione Christensen a déclaré ceci :

[...] le projet de loi sur le Yukon reconnaît les réalités politiques du Nord et les changements radicaux qui ont été observés depuis 1979, année où l’on a reconnu pour la première fois l’existence d’un gouvernement responsable au Yukon. Le projet de loi C-39 permettra d’harmoniser le cadre législatif avec ce qui est devenu pratique courante au Yukon au cours des 20 dernières années, en reconnaissant l’existence d’un gouvernement local responsable et en habilitant son assemblée législative à fonctionner selon les mêmes modalités que les assemblées législatives provinciales.

Les sénatrices Cordy et Jaffer étaient présentes pour ces changements. La Loi modifiant la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et modifiant une autre loi en conséquence est régulièrement mentionnée dans cette assemblée. Je remercie les sénateurs de leur appui à la Loi sur le Yukon.

J’aimerais parler brièvement des séances d’information qui ont eu lieu à Ottawa pendant l’entente de transfert de responsabilités. Faisant partie de l’opposition à l’époque, il m’incombait d’informer le Bloc québécois de l’évolution du dossier. J’ai rassuré les bloquistes en leur disant que les modifications apportées à la Loi sur le Yukon n’avaient pas d’incidence sur la reconnaissance constitutionnelle du Québec. Les Yukonnais ont été sincèrement reconnaissants de la contribution dynamique de la population francophone, d’autant plus qu’à l’époque, le Yukon avait la population francophone connaissant la croissance le plus rapide par habitant, en dehors du Québec. Cette population francophone dynamique y est présente depuis l’époque de la ruée vers l’or au magasin de Mme Tremblay, qui est un lieu historique national au sein du site du patrimoine mondial de l’UNESCO qu’est Tr’ondëk-Klondike, se trouvant en partie à Dawson.

Ce contexte est essentiel pour comprendre comment et pourquoi des infrastructures essentielles telles que la reconstruction de ponts, le déploiement de connexions Internet par fibre optique et l’exploitation de ressources telles que les minéraux stratégiques peuvent être mises en place au Yukon.

J’ai également remarqué que l’Accord-cadre définitif comprenait des dispositions prévoyant que le processus d’évaluation des activités de développement soit supervisé par un conseil composé du Canada, des Premières Nations du Yukon et du gouvernement du Yukon. La Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon est la loi fédérale qui régit ce processus.

Plus tôt, dans mon discours, j’ai parlé de la Loi sur le Yukon comme étant une constitution, en référence à ce que mes éminents collègues ont dit.

Je crois que le temps qui m’était imparti arrive rapidement à sa fin. Je serai brève dans ma conclusion. Je voudrais simplement citer une déclaration d’une éminente Yukonnaise sur la question de la place du Yukon dans la Constitution du Canada. Pamela Muir, de l’University of Edinburgh, a écrit ce qui suit dans le résumé d’un article fondé sur sa thèse de maîtrise en droit :

[...] Le présent article porte sur trois piliers soutenant le statut constitutionnel normatif du Yukon. Le premier est un examen de la fonctionnalité [...] Le second pilier est la permanence [...] Le dernier pilier concerne la souveraineté [...]

J’invite mes collègues à lire le résumé dans Northern Review. Je serai heureuse de vous en remettre un exemplaire. L’article présente un examen plus détaillé des observations que j’ai faites aujourd’hui.

La connaissance de ce contexte est essentielle pour comprendre la relation entre le gouvernement du Yukon et les Premières Nations du Yukon ainsi que les rôles du Sénat, du sénateur du Yukon et du député de Yukon. Cette connaissance est nécessaire pour tous les parlementaires en ce qui concerne la Loi sur le Yukon, qu’on a parfois l’impression d’être appelés à étudier quotidiennement. L’histoire du Yukon est une histoire fascinante qui continue d’évoluer. C’est une partie de l’histoire du Canada dont je suis honorée de faire partie et de vous faire part.

Je vous remercie beaucoup de votre patience à cette heure tardive et de l’occasion que vous m’avez donnée de parler de la Loi sur le Yukon et du contexte entourant la constitution de ma région.

Je conclus en citant une dernière fois le « chantre du Yukon », Robert Service, qui a écrit quelque chose qu’on pourrait dire de l’ensemble du Canada...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Duncan, je suis désolée. Votre temps de parole est véritablement écoulé.

La sénatrice Duncan : Merci, gùnáłchîsh, mahsi’cho.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wells, appuyée par l’honorable sénatrice Batters, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, tel que modifié.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Chers collègues, à cette heure tardive, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-234.

Au fil des semaines, le projet de loi C-234 a pris une importance considérable dans nos débats. Il a donné lieu à des votes inhabituels, comme le rejet d’un rapport de comité. Il a suscité des réactions très émotives et même de l’intimidation, ici et ailleurs. Il a divisé certains groupes de sénateurs. Il a fait l’objet de campagnes d’influence de divers groupes favorables ou opposés à son adoption.

Ce projet de loi est aussi devenu un symbole politique. Le projet de loi C-234 a fini par cristalliser des postures politiques et partisanes sur la question de la taxe sur le carbone, de la lutte contre les changements climatiques, sur des tensions interrégionales, des stratégies électorales et même l’inflation. C’est aussi un symbole, car le projet de loi C-234 concerne nos agriculteurs qui, comme on le sait, travaillent très fort, pendant de très longues heures, tout faisant face à beaucoup d’incertitudes.

Comme bien d’autres dans cette Chambre, dans ma jeunesse, j’ai fait les foins et la traite des vaches plusieurs fois en été en Beauce. Je ne sous-estime donc pas ce labeur.

[Traduction]

De prime abord, j’ai hésité à prendre la parole dans ce débat parce que le projet de loi C-234 ne s’appliquerait pas aux 30 000 exploitations agricoles du Québec, étant donné que la province a son propre système de tarification du carbone. Cependant, en faisant des recherches sur le sujet, j’ai compris que le projet de loi C-234 creuserait davantage les inégalités qui existent déjà entre les producteurs de grain au Québec et ailleurs au Canada.

Je m’explique. Sous le régime québécois, aucune exemption de la taxe sur le carbone ne s’applique à l’essence et au diésel utilisés dans les exploitations agricoles. Cependant, dans les huit provinces assujetties à la taxe fédérale sur le carbone, ces carburants agricoles sont exemptés de l’impôt des entreprises. Par conséquent, les agriculteurs québécois paient la taxe sur le carbone s’appliquant à ces carburants alors que leurs homologues de huit provinces ne le font pas.

Dans le cas du gaz naturel et du propane, qui sont utilisés pour sécher le grain, les producteurs au Québec assujettis au système provincial et les producteurs sous le régime fédéral paient tous la taxe sur le carbone. Dans le système en vigueur au Québec, un système très complexe et très imparfait, la taxe sur le carbone est incluse dans le prix d’achat du propane et peut varier d’un fournisseur à l’autre selon les unités d’émissions que chacun achète. Dans le reste du Canada, à l’exception de la Colombie-Britannique, la taxe sur le carbone est uniforme pour tout le monde.

(2220)

Au cours de la dernière vente aux enchères tenue au Québec, le prix du CO2 était d’environ 53 $ la tonne, alors qu’il s’établit actuellement à 65 $ la tonne au Canada. La différence — une différence considérable —, c’est que les producteurs canadiens ont droit au crédit d’impôt remboursable dont il a beaucoup été question pendant nos débats alors qu’au Québec, ce crédit d’impôt n’existe pas. Les agriculteurs du Québec ne reçoivent aucune compensation pour la taxe sur le carbone qu’ils paient pour le propane et le gaz naturel.

Par conséquent, dans le contexte actuel, les agriculteurs du Québec sont doublement désavantagés par rapport au reste du Canada. Premièrement, ils paient une tarification du carbone pour l’essence et le diésel qu’ils utilisent à la ferme, alors que les producteurs du reste du pays bénéficient d’une exemption. Deuxièmement, ils ne sont pas admissibles à un crédit d’impôt pour la taxe sur le carbone associée au gaz naturel et au propane qui sert à chauffer les bâtiments et à sécher le grain, alors que les producteurs d’ailleurs au pays bénéficient de ce crédit d’impôt.

Si on les compare à leurs homologues d’ailleurs au pays, les producteurs du Québec sont soumis à une tarification du carbone plus importante. Si le projet de loi C-234 est adopté, cet écart se creusera encore plus.

Charles Séguin, professeur d’économie et spécialiste de la tarification du carbone, soutient que cela soulève une question d’équité et qu’il n’est pas souhaitable qu’une région du pays soit désavantagée sur le plan économique, non pas parce qu’elle est moins productive, mais parce qu’une autre région bénéficie d’une exemption de la taxe sur le carbone. M. Séguin estime que les programmes ciblés d’efficacité énergétique destinés aux agriculteurs permettent de lutter beaucoup plus efficacement contre les changements climatiques qu’une exemption de la taxe sur le carbone, qui est, de fait, contre-productive.

Un autre économiste québécois bien connu partage cet avis. Le professeur Pierre-Olivier Pineau affirme qu’il est vrai que les agriculteurs québécois se trouvent dans une situation injuste. Cependant, il affirme que la solution consiste à les aider à moderniser leurs exploitations, et non à abolir la taxe sur le carbone.

D’un point de vue plus général, le professeur Pineau nous fait remarquer que la productivité énergétique des Canadiens, toutes industries confondues, est l’une des pires au monde, car notre système n’encourage pas suffisamment l’efficacité et l’innovation. Or, le projet de loi C-234 n’améliorerait certainement pas les choses.

[Français]

Les producteurs de grain du Québec sont conscients de cette iniquité, mais ils ont également mentionné qu’il y a un problème avec les États-Unis, où aucune tarification du carbone n’est en vigueur.

Cette absence de taxe a deux conséquences.

La première, c’est qu’elle permet théoriquement aux agriculteurs américains de vendre leurs produits moins chers, ou alors de faire davantage de profits.

La deuxième conséquence est moins évidente, mais elle est pertinente pour le projet de loi C-234. Il faut savoir que l’équipement de séchage des grains au propane ou au gaz naturel que les agriculteurs québécois utilisent est fabriqué et vendu par des entreprises du Midwest américain.

Or, puisque ni ces entreprises ni la plupart de leurs clients américains ne sont assujettis à des taxes sur le carbone, elles n’ont pas d’incitation économique à modifier leur équipement pour éliminer les énergies fossiles. De plus, puisque le marché québécois est trop petit pour que nous développions notre propre équipement de séchage, les agriculteurs du Québec paient une tarification du carbone, alors même qu’ils n’ont pas la capacité autonome de changer leurs procédés.

En pratique, donc, les producteurs québécois paient une tarification du carbone liée au séchage de leurs grains, qui est censée les inciter à décarboner leurs processus, mais dans les faits, le changement doit venir des Américains, et ceux-ci ne sont pas affectés par la tarification du carbone.

Je note que c’est pour cette raison que j’ai appuyé l’amendement proposé par le sénateur Dalphond. Si le projet de loi C-234 doit être adopté, assurons-nous au moins qu’il vise uniquement les procédés que nos agriculteurs sont impuissants à modifier à court ou à moyen terme, c’est-à-dire ceux qui sont liés au séchage des grains.

Pour répondre à ces enjeux, la solution proposée par le projet de loi C-234 est simple : abolir la taxe sur le carbone sur tous les carburants agricoles.

C’est le piège du nivellement par le bas, ce que nos amis anglophones appellent la « race to the bottom ».

Or, si nous prenons au sérieux nos responsabilités envers les générations futures et l’intérêt public à long terme, le nivellement par le bas ne peut être une solution.

Face à la concurrence des producteurs américains qui ne paient pas de taxe sur le carbone, le Canada pourrait imposer des ajustements à la frontière pour le carbone. Ces tarifs auraient pour effet de rétablir un équilibre entre les producteurs canadiens et les producteurs américains, qui ne paient pas pour leurs émissions de carbone.

À propos de ces ajustements, le ministère des Finances a écrit lui‑même, et je cite, qu’il cherchait « à dialoguer avec les Canadiens et partenaires internationaux afin de faire progresser des discussions mondiales sur cette question importante. »

Voilà assurément une occasion de faire progresser la discussion.

Pour ce qui est des émissions de GES au Canada, il est possible d’atténuer les coûts encourus par nos producteurs en raison de la tarification du carbone, tout en préservant l’incitation économique qui est au cœur de notre système. On peut notamment procéder au moyen d’un crédit d’impôt compensatoire établi sur une moyenne, ce qui a pour effet de récompenser ceux qui, toutes proportions gardées, émettent moins de GES que la moyenne, et de pénaliser ceux qui, toutes proportions gardées, en émettent davantage.

C’est exactement le système que le gouvernement fédéral a mis en place dans les huit provinces où sa taxe s’applique : une tarification du carbone compensée par un crédit d’impôt.

Le projet de loi C-234, pour sa part, éliminerait la taxe sur le carbone et le crédit d’impôt associé pour nous ramener à la case départ, c’est-à-dire sans aucune incitation à réduire nos émissions de GES. Je ne peux accepter cette régression.

[Traduction]

Le projet de loi C-234 aurait une autre conséquence. En exemptant un secteur du régime de la taxe sur le carbone, le projet de loi C-234 percerait un autre trou dans ce qui devrait être un principe fondamental de la lutte contre les changements climatiques : nous sommes tous dans le même bateau.

Les particuliers, les entreprises, les gouvernements, les travailleurs, les consommateurs, les jeunes et les vieux, nous avons tous la responsabilité de réduire nos émissions et de faire des efforts pour opérer la transition énergétique, qui est nécessaire. Personne ne devrait obtenir de passe-droit, peu importe à quel point on estime cette personne ou son vote. C’est pourquoi j’ai été si déçue par la décision du gouvernement fédéral d’accorder une exonération de trois ans de la taxe sur le carbone pour le mazout domestique, qui semble favoriser les provinces de l’Atlantique. Voilà qui envoie un terrible, terrible message.

Bien sûr, aucun système n’est parfait. Mais dès que l’on crée des exceptions et des exemptions, on envoie le message que l’on n’est pas vraiment tous dans le même bateau. D’autres industries, régions ou secteurs économiques demanderont des exemptions au nom de l’équité ou de la compétitivité. Et ils les obtiendront sûrement. Ce n’est pas tant une question de la déferlante anticipée que de réalisme politique, malheureusement fondé sur l’expérience.

Enfin, le projet de loi C-234 viendrait aggraver le problème du régime à deux vitesses qui existe actuellement au Canada. Il y a de meilleures façons d’indemniser nos agriculteurs pour le manque de solutions de rechange, ainsi que de les aider à innover et à affronter la concurrence internationale. Lutter sérieusement contre les changements climatiques pour le bien des générations futures, c’est faire comprendre clairement que tous les secteurs de la société doivent contribuer. Si on permet des exceptions à cet effort collectif, nous affaiblirons un régime que nous devrions, au contraire, chercher à défendre, à élargir et à renforcer pour protéger l’avenir de nos enfants.

Merci.

L’honorable Percy E. Downe : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question? Je pense vous avoir entendu dire que vous vous opposez à l’exemption annoncée par le gouvernement. Personnellement, je crois que c’était la bonne décision, compte tenu des choix limités dans le Canada atlantique. À l’Île-du-Prince-Édouard, par exemple, nous n’importons que du mazout et du propane. Par conséquent, il y a de nombreux citoyens qui sont d’ardents défenseurs de la lutte contre les changements climatiques, mais qui ont besoin d’un coup de pouce pour y participer pleinement. Il faudra plus de temps que prévu, et bien des gens étaient mis devant le choix de chauffer leur demeure en payant le prix exorbitant du mazout ou du propane qu’elles ont connu l’année dernière ou d’acheter d’autres produits de première nécessité, comme de la nourriture.

(2230)

Pourquoi dites-vous que l’exemption... Vous avez entendu d’autres sénateurs en parler, notamment la personne qui occupe le fauteuil présentement. C’est une exemption qui ne s’applique pas uniquement au Canada atlantique d’ailleurs et, même si c’était le cas, pourquoi ne voudriez-vous pas qu’on atténue les préjudices subis par nos concitoyens?

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Il s’agit d’une excellente question à laquelle j’ai beaucoup réfléchi, car en effet, la situation est difficile. Cependant, vous savez aussi bien que moi que le signal qu’a envoyé cette décision a été catastrophique pour le reste du Canada.

Aurait-on pu à la fois ne pas toucher à la tarification du carbone et financer davantage les méthodes alternatives? Je songe notamment au fameux pont dont il a été question. On aurait peut‑être pu faire d’autres choix.

J’ai parlé à des économistes qui me disaient que, plutôt que de donner deux carottes, on aurait pu ne pas toucher à la taxe sur le carbone et dire : « Vous avez les moyens de chauffer autrement. » Je sais que ce n’est pas la réponse parfaite pour une personne qui a de la difficulté à payer ses frais de chauffage, mais il y a un sentiment d’urgence qui fait que si l’on commence à créer des brèches dans la tarification du carbone, il n’y aura plus de fin.

Au Canada, c’est le système que nous avons choisi pour lutter contre le réchauffement climatique, qui, à vrai dire, est un drame qui se déroule sous nos yeux. Qu’est-ce qu’on fera quand on n’aura plus de planète? Tout cela est lié; on peut bien dire que non, que c’est une petite exception, mais à mon avis, il faut trouver d’autres solutions.

Le crédit d’impôt compensatoire en était une, et il y en avait peut-être une autre dans les Maritimes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Miville-Dechêne, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Miville-Dechêne : Y a-t-il d’autres questions?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Downe a une autre question, ainsi que la sénatrice Lankin.

[Traduction]

Sénateur Downe, il faudra demander plus de temps. Le sénateur a-t-il le consentement?

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur n’a pas le consentement. Nous poursuivons le débat.

[Français]

L’honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour faire état de mon questionnement par rapport au projet de loi C-234.

Par le passé, j’ai beaucoup réfléchi sur le rôle du Sénat par rapport aux projets de loi qui nous viennent de l’extérieur, pour déterminer quelle doit être notre lentille. J’ai toujours pensé qu’il était important de respecter d’abord ce que l’autre endroit avait adopté et de respecter la situation problématique des provinces par rapport à celle du gouvernement fédéral.

Dans le cadre d’un projet de loi particulier, on avait le choix de promouvoir et de respecter les préoccupations des provinces ou de défendre les intérêts du gouvernement fédéral. Dans les faits, le Sénat a été créé pour défendre les intérêts des provinces par rapport à une volonté fédérale qui aurait pu — ou qui pourrait — être centralisatrice.

Dans le cadre du projet de loi C-234, compte tenu de toutes les préoccupations politiques qui ont été soulevées, je me disais que le Sénat devrait adopter ce projet de loi.

Pour ce qui est d’adopter un projet de loi qui vient de l’autre endroit, est-ce qu’on doit l’adopter uniquement parce qu’il vient des Communes et qu’il répond à des préoccupations provinciales, sans vraiment mettre en doute le bien-fondé de tous ses articles?

À cette question, je réponds non, parce qu’en fait, lorsqu’on reçoit un projet de loi du gouvernement, en général, il a été étudié avec une certaine rigueur par le ministère de la Justice ou par les ministères concernés, ce qui n’est pas toujours le cas d’un projet de loi d’intérêt public.

Dans le cas du projet de loi C-234, les amendements proposés sont justifiés et permettront peut-être de tenir un débat à l’autre endroit à la suite du renvoi d’un projet de loi qui aura été modifié. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il est important d’adopter le projet de loi une fois qu’il aura été modifié.

Toutefois, mon appréciation de ce projet de loi a changé lorsque j’ai lu le communiqué de presse que l’Association des producteurs de grain du Québec a publié le 28 novembre dernier. Dans ce communiqué, l’Association des producteurs de grain du Québec a fait part de ses préoccupations au gouvernement du Québec, en disant que ses considérations économiques dans le secteur agricole québécois allaient changer dans le cas d’une exemption supplémentaire sur le propane et le gaz naturel, et que les agriculteurs québécois sont actuellement pénalisés par le fait que l’essence et le diésel sont exemptés dans le reste du Canada.

Plus on exempte ailleurs dans le secteur agricole, plus on crée des pressions au Québec pour fragiliser le système de tarification des émissions de gaz à effet de serre. Cela m’a fait réfléchir, et je me suis dit que, dans un contexte canadien où nous avons une responsabilité constitutionnelle partagée entre les provinces et le gouvernement fédéral, un dialogue est fondamental pour établir le cadre d’une stratégie efficace — et surtout équitable — de lutte contre le changement climatique et de réduction des gaz à effet de serre. Cela m’a amenée à proposer une motion que vous recevrez dans votre courrier et dont nous pourrons discuter.

Lorsque j’ai examiné la situation actuelle du Canada par rapport aux autres pays de l’OCDE, j’ai été surprise de constater que le Canada est le cinquième pays sur 71 dont un pourcentage des émissions de gaz à effet de serre est couvert par une tarification sur le carbone. Le Canada couvre environ 84 % de ses émissions de GES par le biais d’une tarification sur le carbone. Il arrive en cinquième position derrière l’Islande, la Corée, le Luxembourg et l’Allemagne.

À titre de comparaison, la moyenne des pays de l’OCDE qui adoptent aussi des stratégies de tarification couvre à peu près 40 % de leurs émissions de GES par la tarification. Donc, le Canada, avec 84 % par opposition à 40 % pour les autres pays de l’OCDE, a une stratégie qui est quand même très vaste.

Cependant, il y a différentes questions que l’on peut se poser par rapport à cela. Au Canada, la tarification des gaz à effet de serre de grand pourcentage provient en grande partie de la taxe sur le carbone. Le Québec a un système différent, soit un système d’échange de quotas d’émissions. En Europe, c’est le système de quotas d’émission qui est largement utilisé pour imposer un tarif sur le carbone. C’est très différent comme système, et il est vrai que la taxe sur le carbone est plus simple et permet au gouvernement de retirer les produits de la taxe pour les redistribuer ensuite sous forme de bénéfices.

Au Québec, nous avons un système de vente de permis d’émissions. Ce système existe depuis 2013. Chaque année, le gouvernement du Québec émet gratuitement des permis, mais il en vend également.

(2240)

Il y a des portions gratuites et il y a des portions vendues à l’encan. Ces encans ont lieu quatre fois par année; le gouvernement doit vendre les droits d’émission et chaque année, le nombre ou le pourcentage de droits d’émission diminue. Cela fera en sorte qu’il y en aura de moins en moins et que les prix augmenteront.

Le gouvernement du Québec, grâce à la vente des droits, a pu récolter jusqu’à maintenant environ 8 milliards de dollars. Cet argent est déposé dans un fonds d’électrification et il servira à subventionner des solutions qui favoriseront la carboneutralité.

Donc, nous avons deux systèmes complètement différents.

Nous avons un marché, par exemple le secteur agricole, où les prix sont fixés à l’international. Donc, l’impact du système sur la concurrence est important et est un élément majeur à considérer pour l’avenir, d’autant plus que le prix du carbone augmentera et que l’impact économique dans notre secteur agricole augmentera. Il y aura deux types d’impact complètement différents pour le Québec et pour le reste du Canada, d’où l’importance d’avoir un dialogue entre les provinces et le gouvernement fédéral pour adopter une stratégie de tarification du carbone efficace et équitable.

Je voudrais ajouter aussi — à la suite de mes lectures sur l’OCDE — que la tarification du carbone est largement utilisée, mais que ce n’est pas la seule mesure. Même si la tarification du carbone représente une stratégie nécessaire, elle n’est pas suffisante pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est pas suffisant, parce que ce sont des incitatifs de prix, mais les modèles nous disent que la tarification est efficace. Cependant, elle est efficace lorsque tout est égal. Cependant, dans la vie, les choses ne sont pas toutes égales, de sorte que les incitatifs de prix peuvent avoir parfois des effets contraires à ce que l’on souhaite.

J’ajouterais à cela que la situation économique des dernières années — l’inflation, entre autres — a amené plusieurs pays de l’OCDE à réduire les taxes sur le carbone, parce que les prix augmentaient, que l’épicerie coûtait plus cher et que les gens se plaignaient.

Donc, la tarification est une bonne mesure. Est-ce que ce sera un système intéressant pour l’avenir? Sûrement, mais cette stratégie devra être accompagnée d’autres mécanismes, comme des normes et, surtout, des subventions à l’investissement. On ne peut pas penser que le mécanisme de prix permettra d’assurer par magie la transition de toute l’économie aussi rapidement qu’on le souhaite.

En conclusion, le projet de loi C-234 témoigne de l’insatisfaction à l’égard de ce système, puisqu’il est différent d’une province à l’autre — différent de celui du Québec, à tout le moins. Comme le secteur agricole est aussi différent d’une province à l’autre, cela crée des situations problématiques auxquelles nous devrons nous attaquer d’une manière ou d’une autre.

Je suis d’accord pour que l’on vote en faveur de ce projet de loi modifié, en espérant qu’il suscite une conversation à l’autre endroit pour trouver certains aménagements. Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter)

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McPhedran, appuyée par l’honorable sénateur White, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter).

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Votre Honneur, je vois que cet article en est au 15e jour. Avec le consentement du Sénat, j’aimerais que le débat soit ajourné à mon nom.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

La Loi constitutionnelle de 1867

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Patterson (Nunavut), appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété).

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Avec le consentement du Sénat, j’aimerais que le débat soit ajourné au nom du sénateur Housakos.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Projet de loi favorisant un meilleur équilibre entre l’indépendance et la reddition de comptes de la Banque du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Klyne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-275, Loi modifiant la Loi sur la Banque du Canada (mandat, gouvernance de la politique monétaire et reddition de comptes).

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

L’étude du Cadre fédéral de prévention du suicide

Quinzième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et demande de réponse du gouvernement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénateur Dean,

Que le quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Se laisser guider par les résultats : repenser le Cadre fédéral de prévention du suicide, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le jeudi 8 juin 2023, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Santé mentale et des Dépendances étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de la Santé.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(2250)

L’étude des questions concernant les anciens combattants

Septième rapport du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du septième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, intitulé Le temps est venu : Permettre un accès équitable aux thérapies assistées par les psychédéliques, déposé auprès du greffier du Sénat le 8 novembre 2023.

L’honorable David Richards propose :

Que le septième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, intitulé Le temps est venu : Permettre un accès équitable aux thérapies assistées par les psychédéliques, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 8 novembre 2023, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Anciens Combattants étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de la Santé.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Budget—Adoption du vingtième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du vingtième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (Budget—budget de dépenses spéciales), présenté au Sénat le 30 novembre 2023.

L’honorable Brent Cotter propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Motion tendant à autoriser le comité à examiner les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les effets cumulatifs positifs et négatifs de l’extraction et du développement des ressources, et ses effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2022.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Les défis et possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes

Interpellation—Fin du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Simons, attirant l’attention du Sénat sur les défis et possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes, et sur l’importance de comprendre et de redéfinir les relations entre les municipalités du Canada et le gouvernement fédéral.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je remercie la sénatrice Simons d’avoir présenté l’interpellation no 2 qui attire l’attention sur les défis et les possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes et sur l’importance de comprendre et de redéfinir les relations entre les municipalités du Canada et le gouvernement fédéral.

Ensemble, nous avançons dans un monde où l’incertitude est grande sur tous les fronts, qu’ils soient économiques, sanitaires, sociaux ou environnementaux.

À l’échelle des municipalités, les défis s’accumulent : des aliments et des loyers inabordables, l’itinérance, les villages de tentes, les déplacements causés par les inondations et les incendies, et les pressions exercées sur les soins de santé d’urgence, les refuges et les systèmes de sécurité alimentaire. Les effets de ce stress sur la santé et le bien-être des gens, leur famille et leur collectivité... Il va sans dire qu’ils sont plus que graves.

Tant de gens sont laissés pour compte dans les systèmes de santé et les systèmes sociaux et économiques existants. Ces personnes devraient avoir accès à des ressources, mais, en ce moment, elles doivent en grande partie faire des choix impossibles.

Notre priorité devrait être d’examiner les différentes approches qui peuvent contribuer significativement à fournir une stabilité, du soutien et de l’espoir au moment et dans les endroits où les gens en ont le plus besoin. Les Canadiens attendent à juste titre de leurs gouvernements qu’ils les aident à survivre les périodes d’instabilité financière et qu’ils gèrent les fonds publics avec soin. De plus en plus de municipalités ont déterminé qu’un revenu de base garanti suffisant est une mesure viable pour répondre à ce double objectif.

Une note d’information sur le site Web du Réseau ontarien de revenu de base intitulée « The Case for Basic Income and Municipalities », qui fait valoir l’intérêt de cette mesure pour les municipalités, a été rédigée par des experts en politique municipale afin d’examiner ce que le revenu de base garanti suffisant peut offrir de ce point de vue.

Cette note d’information commence par reconnaître que « les municipalités ont du mal à faire face à la responsabilité qui leur a été confiée de fournir des services publics et sociaux essentiels. »

Elle retrace l’histoire de la responsabilité et du coût du maintien des services publics et sociaux essentiels qui sont de plus en plus assumés par les municipalités parce qu’ils ne sont plus pris en charge par d’autres ordres de gouvernement, ce qui crée une situation où la pauvreté étire les ressources municipales jusqu’à la limite.

Contrairement aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les municipalités ne peuvent pas enregistrer des déficits et elles disposent de sources de revenus limitées, comme l’imposition municipale, les frais de service et les subventions gouvernementales, ce qui leur laisse peu d’options pour faire face à l’augmentation des besoins.

Les experts en politique municipale parlent de la réalité des municipalités qui :

[...] recherchent les moyens d’offrir aux résidants la marge de manœuvre nécessaire pour qu’ils puissent s’offrir les services essentiels — y compris l’électricité, le chauffage et l’eau — quelle que soit leur situation économique et sans compromettre leur bien-être.

Ils considèrent les programmes de revenu de base garanti suffisant comme un moyen de fournir cette marge de manœuvre.

Un programme de revenu de base garanti suffisant offre des transferts en espèces aux personnes dans le besoin. Contrairement aux programmes d’aide sociale existants, les montants perçus ne seraient pas subordonnés au respect de règles et d’exigences complexes dont l’application suppose souvent une surveillance invasive. Ils suffiraient à couvrir les besoins essentiels, ce qui apporterait aux prestataires la stabilité et les certitudes nécessaires pour reprendre leur vie en main et se sortir de la pauvreté.

Selon le document intitulé « Arguments en faveur du revenu de base dans le contexte municipal », le revenu de base garanti suffisant présente deux grands avantages pour les administrations municipales. Premièrement :

Lorsque les gens ont un revenu suffisant, les municipalités sont mieux à même de veiller à ce que chacun ait accès aux services publics et sociaux dont il a besoin, qu’il s’agisse par exemple de services publics abordables ou de subventions pour des programmes et des services.

Les services et les soutiens fournis par les municipalités sont particulièrement cruciaux, comme le souligne le document, car qu’ils visent l’approvisionnement en eau, les transports ou le logement, ils ont un effet considérable sur les déterminants sociaux de la santé de la population.

Ensuite, le revenu de base garanti suffisant contribue à bâtir les collectivités. Comme l’explique le document : « Lorsque les habitants jouissent d’une meilleure stabilité financière, il leur est plus facile de participer à la vie communautaire et de s’y investir ainsi que de contribuer à faire tourner l’économie locale », que ce soit en magasinant sur place ou en prenant part à des activités communautaires.

Le revenu de base garanti suffisant donne également aux gens la latitude nécessaire pour tisser des liens et enrichir autrement la vie communautaire, notamment par le travail bénévole.

D’ailleurs, en plus de permettre à des gens de se tirer d’une situation de crise et d’instabilité, le revenu de base garanti suffisant dégagerait une marge de manœuvre dans les budgets et le processus décisionnel des municipalités en libérant en partie celles-ci de l’obligation de répondre constamment à des crises en matière de pauvreté et d’itinérance et à d’autres besoins urgents. Grâce au revenu de base garanti suffisant, les municipalités auraient plus de latitude pour explorer de nouvelles politiques afin d’améliorer le bien-être de la population et de tracer la voie vers un avenir meilleur.

Compte tenu de ces avantages potentiels, il n’est guère surprenant que les municipalités et les maires soient devenus des chantres de cette mesure.

Bien des gens savent qu’en 2017, trois municipalités ont conclu un partenariat avec l’Ontario pour mettre en œuvre un projet pilote provincial relativement au revenu de base. Ce que l’on sait moins, c’est que ces trois villes ont été choisies parmi une centaine de candidatures. C’est donc dire que près d’une municipalité ontarienne sur quatre avait demandé à la province d’être incluse dans le programme.

L’intérêt pour le revenu de base garanti suffisant va en augmentant. Notre bureau sait qu’en novembre 2023, cette mesure avait l’appui de divers intervenants au Canada, y compris l’Union of BC Municipalities, l’Atlantic Mayors’ Congress et au moins 51 localités, allant de Victoria à St. John’s et réparties dans au moins six provinces, soit la Colombie-Britannique, l’Ontario, le Nouveau‑Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-‑Neuve-et-Labrador.

Le gouvernement fédéral doit répondre à toutes les résolutions adoptées par des conseils municipaux, qui demandent au gouvernement de travailler avec eux pour faire du revenu de base garanti suffisant une réalité.

Le projet de loi S-233, présentement étudié par le Comité sénatorial permanent des finances nationales, nous permettrait d’aider les municipalités qui font face à des crises et qui considèrent le revenu de base garanti suffisant comme une solution qu’elles veulent et dont elles ont besoin.

Ce projet de loi exigerait du ministre des Finances qu’il prépare un cadre national pour la mise en œuvre d’un revenu de base garanti suffisant, créant au sein du gouvernement fédéral un bureau ayant le mandat d’étudier la mise en œuvre d’une solution possible au problème grandissant de la précarité des revenus au Canada.

L’aspect le plus important, c’est que le projet de loi exigerait la tenue de consultations avec tous les ordres de gouvernement, y compris les administrations municipales ainsi que les gouvernements autochtones, provinciaux et territoriaux, et des experts de la société civile. Ces consultations réuniraient les acteurs clés nécessaires pour entreprendre une étude détaillée de ce à quoi pourrait ressembler le revenu de base garanti suffisant au Canada.

(2300)

Les municipalités sont les témoins directs des souffrances causées par l’insécurité financière. Elles sont les premières à étirer leurs ressources limitées pour mettre en place des mesures d’urgence provisoires. Ce n’est pas une réponse juste, viable ou efficace à une crise nationale. Il est temps que les gouvernements collaborent pour coordonner les ressources et les interventions afin de s’attaquer de manière plus proactive aux causes premières de cette insécurité, de façon à économiser de l’argent et à sauver des vies sur le long terme.

Les municipalités donnent l’exemple en exhortant le Canada à imaginer des communautés où nous ne dépenserions plus 80 milliards de dollars par an dans des programmes qui continuent d’asservir les gens à la pauvreté et à l’itinérance. Nous devons investir dans les Canadiens et cesser de condamner les plus marginalisés à des salles d’urgence, à une santé précaire, à des refuges, à des villages de tentes, à la rue et à la prison.

Nous pouvons — et devons — répondre à cet appel pour des collectivités plus sûres, plus saines, plus justes et plus inclusives. Nous devons insister sur la collaboration gouvernementale afin de remédier aux inégalités qui engendrent actuellement de la pauvreté sociale, sanitaire et économique et de l’insécurité financière.

Merci, sénatrice Simons, de nous encourager à examiner les rôles essentiels que jouent les municipalités. Meegwetch. Merci.

Son Honneur la Présidente : J’informe le Sénat que, si l’honorable sénatrice Simons prend la parole maintenant, son intervention aura pour effet de clore le débat sur cette interpellation.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, il y a deux ans cette semaine, j’ai lancé une interpellation sur les défis et les possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes. Mon objectif était de nous encourager à réfléchir à l’importance de comprendre et de redéfinir les relations entre les municipalités canadiennes et le gouvernement fédéral.

Au cours des deux dernières années, plus d’une dizaine de sénateurs ont pris la parole dans le cadre de cette interpellation, et, au cours des deux dernières années, les problèmes auxquels les municipalités canadiennes sont confrontées, de la crise du logement à la crise des changements climatiques, en passant par la crise des opioïdes, sont devenus encore plus aigus. Dans la foulée de la pandémie de COVID-19, des tours de bureaux dans des centres‑villes se sont vidés, tandis que des collectivités rurales se battent pour trouver les services Internet dont elles ont besoin afin de recruter et retenir des travailleurs à distance et d’en faire de nouveaux résidants.

Entretemps, les querelles entre les gouvernements fédéral et provinciaux et les administrations municipales se sont envenimées, ce qui ne permet pas vraiment de trouver les causes profondes de ces tensions.

Aujourd’hui, je tiens à remercier tous les sénateurs qui ont participé à cette interpellation, mais je tiens aussi à conclure le débat afin que nous puissions répondre à la prochaine question urgente : qu’est-ce qui attend les grandes et petites villes du Canada?

Le mois dernier, les premiers ministres provinciaux se sont réunis pour fustiger le gouvernement fédéral au sujet de sa politique du logement. Ils reprochaient à Ottawa de verser les fonds destinés aux incitatifs au logement directement aux municipalités. Aux yeux des non-initiés, cette indignation peut sembler déplacée. Après tout, le Canada est aux prises avec une crise du logement. Nous ne construisons tout simplement pas assez de maisons, de maisons en rangée et d’immeubles d’habitation pour permettre aux travailleurs canadiens d’acheter ou de louer un logement pour leur famille. La Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL, estime qu’il faudrait construire 3,5 millions de logements de plus au pays d’ici 2030 pour répondre à la demande. Pourtant, selon de nouvelles données de la SCHL, l’offre de logements dans les grandes villes du Canada n’a augmenté que de 1 % durant le premier semestre de 2023 par rapport à la même période en 2022.

Même ce chiffre est quelque peu trompeur. Toronto et Vancouver sont en tête des mises en chantier, qui représentent les deux tiers des nouveaux logements en construction, dont la plupart sont des appartements. Cependant, dans les autres grandes villes du Canada, les mises en chantier sont en baisse. Montréal, la troisième ville en importance du Canada, a connu sa plus forte baisse de construction résidentielle en 26 ans. Le nombre total de mises en chantier dans la région métropolitaine de recensement d’Edmonton, où j’habite, a diminué d’environ 30 % au premier semestre de 2023 par rapport à la même période en 2022.

Et ici, à Ottawa, la construction de maisons unifamiliales, jumelées et en rangées était en baisse de 50 %. Que se passe-t-il? Eh bien, on pourrait attribuer une partie du problème aux règles d’emprunt plus strictes, aux coûts de construction et de main‑d’œuvre plus élevés et, bien entendu, à la hausse des taux d’intérêt. Certains ont aussi blâmé tout et n’importe quoi, du nombrilisme aux règles de zonage municipal en passant par le stationnement des logements accessoires qui décourage la construction sur terrain intercalaire.

Voilà l’objectif derrière le Fonds pour accélérer la construction de logements du gouvernement fédéral, qui remet de l’argent aux municipalités afin de réduire la réglementation qui décourage la densification urbaine. Sean Fraser, le ministre fédéral du Logement, a conclu des ententes de construction de maisons avec Halifax, London, Hamilton et Calgary. Voilà pourquoi les premiers ministres des provinces sont si en colère. Ottawa a contourné les gouvernements provinciaux afin de conclure des ententes avec les municipalités, contournant par le fait même la Constitution, qui fait des villes et des municipalités des créatures des gouvernements provinciaux.

En résumé, le problème est attribuable à la nature de notre Confédération. Notre pays est confronté à de graves problèmes de logement, d’infrastructures, d’adaptation climatique, d’intégration sociale et de réconciliation, et ce sont les villes qui sont au front pour lutter contre ces problèmes.

Nos municipalités font le gros du travail, mais ce sont elles qui ont le moins de ressources pour le faire. Plutôt que de leur donner l’argent, le respect et l’autonomie dont elles ont besoin pour s’acquitter de leurs responsabilités, nous nous empêtrons dans des querelles constitutionnelles qui augmentent le degré de difficulté du travail qu’il y a à faire.

Que l’on me comprenne bien : j’ai le plus grand respect pour la répartition des pouvoirs sous notre Constitution. Je n’ai pas besoin de recevoir de leçons, car, en tant qu’Albertaine, je sais très bien à quel point les provinces sont sensibles lorsque le gouvernement fédéral empiète dans leurs champs de compétence.

Cependant, cette récente querelle en matière de logement révèle l’absurdité d’essayer de s’en remettre au cadre constitutionnel prévu dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 pour diriger un pays où la population de Toronto dépasse celles de l’Île‑du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle‑Écosse, combinée; où la population d’Ottawa est plus grande que celle de Terre-Neuve-et-Labrador; et où 3,2 millions d’Albertains vivent dans la région métropolitaine du Grand Edmonton ou du Grand Calgary, ce qui laisse seulement 1,5 million d’Albertains hors des deux principaux centres urbains.

Les municipalités ne sont pas seulement l’instance qui a le plus de responsabilités directes pour veiller aux besoins quotidiens des Canadiens ordinaires. Elles sont également l’instance gouvernementale qui peut réagir le plus rapidement dans une période de crise. Elles ont les outils et les connaissances nécessaires pour répondre aux besoins de leurs habitants, mais on ne leur donne pas la marge de manœuvre dont elles ont besoin pour accomplir leur travail.

Mes amis, je vous demande simplement de jeter un coup d’œil au Feuilleton et de penser à toutes les questions dont nous avons débattu et discuté dernièrement et à la fréquence à laquelle elles touchent les municipalités, qu’il s’agisse de la protection de l’isthme de Chignecto, de la création d’un parc urbain national à Windsor, de la garantie d’un service Internet équitable, du débat sur le rôle et l’avenir de la GRC ou de la tenue d’une enquête sur l’aménagement du territoire.

Nous parlons aussi de questions fondamentales qui ont trait au rôle des municipalités quand nous parlons de créer des villes sûres où les personnes libérées sous caution ne récidivent pas ou quand nous parlons de la nécessité de brancher les collectivités rurales au réseau électrique afin que les gens n’aient pas à compter sur le propane ou le mazout pour chauffer leur maison et leur cour.

La vérité, c’est que les intérêts et les compétences des gouvernements fédéral et provinciaux et des administrations municipales se chevauchent et se recoupent souvent. Il est peut-être temps que nous commencions à parler de gouvernance intersectionnelle pratique, où les différents ordres de gouvernement cessent de protéger leur chasse gardée, cessent de se disputer pour savoir qui est responsable de quoi et se mettent simplement à régler les problèmes pour les Canadiens là où ils vivent et travaillent.

Je tiens à remercier et à féliciter tous les sénateurs qui ont participé à cette enquête. Vos interventions étaient perspicaces et inspirantes, et chacune reflétait vos régions et vos passions.

La sénatrice Omidvar, de l’Ontario, a parlé du rôle que jouent les municipalités pour aider les néo-Canadiens à s’établir et à s’intégrer, ainsi que du rôle essentiel qu’elles jouent dans la lutte contre les changements climatiques.

La sénatrice Marty Deacon a parlé de l’importance de la planification urbaine, de la préservation des espaces verts et de la mise en place des conditions favorisant des collectivités actives et en santé.

Le sénateur Black a parlé de l’importance des municipalités rurales et de petite taille, comme sa bien-aimée Fergus, où sa famille habite depuis 1834, et de la nécessité de nous assurer que les politiques dont l’objectif est d’aider les municipalités n’oublient pas le rôle des petites villes et des villages.

La sénatrice Dasko a parlé avec passion du rôle des villes en tant que moteurs économiques et de ce qui peut arriver lorsque les gouvernements provinciaux outrepassent leur rôle et sapent l’autonomie et l’autorité des dirigeants municipaux.

La sénatrice Clement a prononcé un discours lyrique sur son expérience en tant que mairesse de Cornwall travaillant à la réconciliation avec les Premières Nations voisines, ainsi que sur la nécessité pour les municipalités de s’associer avec les communautés autochtones locales afin de bâtir des communautés pour tous.

La sénatrice Pate vient de nous parler du rôle des municipalités dans la lutte contre l’itinérance et la réduction de la pauvreté, ainsi que de l’impact possible d’un revenu de base garanti pour les habitants des villes canadiennes.

Évidemment, il n’y a pas que les sénateurs de l’Ontario qui ont pris la parole. Ma collègue de l’Alberta, la sénatrice Karen Sorensen, a parlé de son expérience en tant que mairesse de Banff pour aborder l’importance de travailler au-delà des limites des champs de compétence. Elle a aussi parlé du rôle de leadership que les municipalités de petite taille peuvent assumer dans la promotion des infrastructures vertes.

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Le sénateur Cotter, de la Saskatchewan, qui a été sous-ministre des Affaires municipales et sous-ministre des Affaires intergouvernementales, a parlé de la différence entre le Canada de 1867 et le Canada d’aujourd’hui ainsi que de l’importance d’inclure les Premières Nations dans toute discussion sur les municipalités et sur les pouvoirs municipaux. Son collègue, le sénateur Arnot, a parlé du rôle essentiel des municipalités lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux problèmes de santé mentale, de toxicomanie et d’itinérance et de gérer les ressources en eau en période de sécheresse.

Mon cher collègue, Éric Forest, ancien maire de Rimouski, a parlé de la nécessité d’apporter des réformes fiscales pour donner aux municipalités des ressources et des pouvoirs accrus en matière fiscale afin de les aider à faire leur travail essentiel.

Le sénateur Cormier a commencé son discours avec cette citation de Périclès, grand homme politique et orateur d’Athènes : « Toutes les bonnes choses de ce monde affluent dans la cité en raison de la grandeur de la cité. » Il a ensuite donné des détails fascinants sur le rôle des municipalités dans la protection des droits relatifs aux langues officielles au Canada, et plus particulièrement dans sa province, le Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Ravalia, fier résident de Twillingate, a parlé des défis particuliers que Terre-Neuve-et-Labrador doit relever pour que les municipalités rurales restent dynamiques.

En faisant le compte, je constate que, dans le cadre de cette interpellation, il y a eu des discours de ma part et, si j’ose dire, de 12 disciples. Comme Noël approche, ce n’est peut-être pas la bonne façon de le dire, mais je suis extrêmement reconnaissante envers tous les sénateurs qui ont pris la parole et ont ainsi alimenté la discussion sur cette interpellation.

Quelle sera la prochaine étape? Je suis ravie d’annoncer que mon bureau a obtenu la permission de republier tous les discours liés à cette interpellation, en français et en anglais. Nous pourrons ainsi les diffuser abondamment auprès des Canadiens. En 2024, mon bureau organisera une série de discussions en ligne semblables à des assemblées publiques pendant lesquelles des dirigeants municipaux, des universitaires, des auteurs et des militants parleront des enjeux soulevés pendant l’interpellation. Nous diffuserons aussi ces discussions aussi largement que possible. Ce qui se passera ensuite dépendra en grande partie de nous tous qui sommes assis ici.

Aucun comité sénatorial n’est responsable des affaires municipales, bien que le travail de bon nombre de comités touche à des éléments relevant des municipalités. Est-ce à dire que nous devrions former un comité spécial qui se penchera de plus près sur cette question de façon ponctuelle? J’avoue que l’idée me plaît, mais, comme le problème des postes vacants au Sénat persiste, nous pourrions avoir de la difficulté à constituer un nouveau comité spécial. Devons-nous demander à un comité existant d’élargir suffisamment son mandat pour entreprendre une étude? Encore une fois, le manque de ressources pourrait nous poser problème.

Cependant, ce que nous pouvons faire collectivement, c’est nous servir de cette tribune pour exercer des pressions en soulignant le fait que le modèle constitutionnel en place n’est plus adapté aux besoins. Étant donné que toute modification constitutionnelle serait une tâche ardue et colossale, je pense que nous devrons faire preuve de plus de créativité et de souplesse.

Le sénateur Cormier a conclu son discours dans le cadre de cette interpellation par ces paroles retentissantes de Périclès :

Il n’est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage.

Nous devons, nous aussi, trouver le courage d’admettre que nous avons besoin d’un nouveau paradigme pour le Canada du XXIe siècle afin d’accroître le pouvoir et la capacité de nos villes et de reconnaître que le gouvernement fédéral a la responsabilité de collaborer avec les municipalités et les provinces pour parvenir à des résultats.

Merci à tous. C’était une œuvre collective. Merci. Hiy hiy.

(Le débat est terminé.)

Obtenir des résultats dès maintenant pour les Canadiens : une entente de soutien et de confiance

L’impact sur les finances publiques du Canada de l’entente néo-démocrate—libérale—Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Plett, attirant l’attention du Sénat sur l’impact sur les finances publiques du Canada de l’entente NPD-libérale intitulée Obtenir des résultats dès maintenant pour les Canadiens : une entente de soutien et de confiance.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Avec la permission du Sénat, je voudrais ajourner le débat au nom du sénateur Plett.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

(À 23 h 15, conformément à l’article 13-6(10) du Règlement, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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